dimanche 18 novembre 2007

Chapitre III: La traversée du désert

Moscou, 16 Mai 2008

Hitman était assis sur un banc de la place rouge, face au palais du Kremlin. Tout c’était pourtant passé comme d’habitude. On vient sur les lieux, on observe, on réfléchit, on agit. Sur les photos du dossier et celles de la vidéo, la personne qu’on lui avait prétendue Gregorovitch était en fait Stepanov. Il avait passé la nuit dans un hôtel, après avoir été jeté dans la rue, à la fin de l’interrogatoire. Tout s’était passé sans anicroche, ce n’était pas sa faute, et il comptait bien le prouver. Sur le journal étalé à côté de lui était noté à la une « Mort étrange d’un parrain de la mafia » suivi par un article qui parlait en détails de l’incident du Sheraton Palace. La première chose dont Hitman était quasi-certain, c’est que le chauffeur de Detroit ne faisait pas partie de l’Agence, et c’était donc que quelqu’un qui avait une dent contre lui l’avait engagé, idem pour le copilote qui lui avait apporté la cassette. Pourtant, les informations autres que les photos sur Gregorovitch étaient presque toutes justes, le chauffeur s’était donc procuré le dossier d’un des membres de l’Agence, qui devait manger les pissenlits par la racine à l’heure qu’il était. C’était un coup monté, il en était sûr, mais il ne voyait personne qui lui en voulait. Tous ceux qui avaient déjà participé à l’élaboration du projet de clonage en Roumanie étaient morts, et le clan du Dragon Rouge était détruit, ses membres ayant tous trépassé grâce à Code 47. Bien sûr, il y avait peut-être encore de la famille qui voulait sa mort, comme il l’avait vu avec Arkadij Jegordv. Mais c’était stupide, pourquoi ne pas le tuer ? Non, justement c’aurait été trop simple. « Quels que soient l'endroit ou l'heure, de jour comme de nuit, il ne pense qu'à une chose : la mort. » 47 ne savait que tuer, c’était son métier, son travail, sa vie à lui : enlever celle d’autres. Le mettre au chômage était le meilleur moyen de le faire mourir à petit feu. Il ne voulait plus avoir de la pitié pour les gens et se faire des amis, c’était bien trop dangereux, mais refusait de travailler ailleurs qu’à l’Agence. Non pas pour une question d’orgueil, mais parce que l’Agence lui fournissait protection et fausses identités. Devenir mercenaire était une idée, mais bien trop dangereuse, il n’aurait plus de couverture, et finirait également assassiné dans les quelques années qui allaient suivre, comme la plupart des tueurs à gages. Il le savait, et ne comptait pas laisser sa vie parce que ses employeurs étaient naïfs. Vivre avec son argent actuel était également possible, mais encore une fois la sécurité lui ferait défaut. Il fallait qu’il retourne à l’Agence, qu’il prouve son innocence. Mais il n’avait aucune piste… enfin, presque.

Il y avait un début à tout, et lors du contrat Crooney, Hitman avait reçu les instructions par une simple enveloppe, et dans celle-ci il était dit qu’il devait rejoindre le chauffeur quatre rues plus loin de la maison de Crooney après avoir assassiné celui-ci. La personne qui lui l’avait remise était inconnue, étant donné qu’il l’avait trouvée là où Diana le lui avait dit par téléphone, ce qui voulait dire qu’il y avait une taupe à l’agence qui avait modifié le document. Ce pouvait être n’importe qui, même Diana, bien que Code 47 en doutait fortement. La taupe pouvait être à l’Agence depuis des mois, et peut-être des années. D’ailleurs c’était bien plus probable, étant donné que si elle avait pu modifier un ordre de mission de leur meilleur agent, elle devait être une personne de confiance. L’Agence avait plusieurs planques, mais personne ne connaissait la base principale. Néanmoins Hitman connaissait l’emplacement de celle de Moscou, et c’était la seule chose sur quoi il pouvait compter. Le chauffeur s’était évanoui dans la nature, il ne lui restait que cette solution. Il était une heure du matin, les volets de la planque étaient fermés, mais on voyait de la lumière filtrer. Hitman était encore dans son costume Armani, mais n’avait plus aucune arme, sauf une qu’il s’était acheté au marché noir de la ville dans l’après-midi. Il avait acheté une paire de jumelles d’approche et s’était confectionné un croche serrures, quant à ses armes, ses vrais armes, elles tenaient en ce moment même les jumelles. Il était dans une chambre d’hôtel dégradée et minable. La planque de l’Agence était située dans l’une des rues les plus mal famées de Moscou, pour la discrétion sûrement. Les lumières étaient éteintes, et 47 observait attentivement le petit immeuble, tentant de trouver une entrée. La porte principale n’était pas gardée, mais à coup sûr protégée par un système qui déclencherait rapidement une alarme. Toutes les fenêtres étaient fermées, et aucun moyen d’escalader l’immeuble pour entrer par le toit. La seule solution était d’y entrer avec un déguisement, mais tout le monde devait connaître Code 47 là-bas, il était à nouveau dans l’impasse. Mais cette fois-ci, il était seul. Il observa l’immeuble toute la nuit, rien ne bougea. À sept heures et demie, le soleil commença à se lever, illuminant les immeubles de la capitale soviétique. Le ciel était clair et parsemé de nuages. Code 47 posa ses jumelles et recommença à réfléchir, quand il vit quelqu’un sortir de l’immeuble. Il s’empressa de prendre ses lunettes pour vérifier, c’était bien un homme de l’Agence, qu’il avait l’impression d’avoir déjà rencontré. Rapidement, il mit ses jumelles dans son Armani, enfila une chaude veste et mit un bonnet pour cacher son crâne chauve. Il descendit quatre à quatre les deux étages qui le séparaient du rez-de-chaussée et se mit à courir dans les quartiers froids et sales de la banlieue de Moscou. Comme à Denver, il y avait des trous dans le sol remplis d’eau de pluie sale, l’hiver était juste fini en Russie et des tas de neige fondue collaient encore aux immeuble. 47 ne devait pas être découvert, et fut forcé de contourner la planque de l’Agence, mais il savait dans quelle direction l’homme était parti. Il le retrouva sur un trottoir, marchant au rythme de la foule, affalé d’un simple jeans et d’une veste en cuir, et il le reconnut, c’était le chauffeur qui l’avait amené au Sheraton Palace. Il le suivit à distance, armé uniquement d’un simple revolver. Il l’avait acheté dans la journée précédente à un marchand d’armes de la mafia, qui ignorait qu’il venait de vendre son matériel à l’homme qui avait tué le parrain du coin. Il aurait très bien pu se trouver un Ak-47 pour quelques dollars de plus, mais il devait rester discret, un simple revolver à six coups lui suffisait. L’homme accéléra la cadence, comme s’il craignait d’être suivi, mais 47 marcha à la même allure parmi la foule dense, sinon sa proie aurait pu se douter de quelque chose. Il le suivit durant dix minutes, l’homme ne tournait pas en rond, et ne craignait donc pas d’avoir quelqu’un à ses traces, et pourrait le mener loin. Il subsistait encore une zone d’ombre dans toute l’histoire. La vidéo de briefing qu’il avait vue dans le jet était trafiquée, étant donné qu’on y voyait des photos de Stepanov alors que la cible était Gregorovitch, mais c’était seulement la vidéo elle-même, la voix de Diana lui indiquait clairement qu’on l’amènerait en camionnette devant le Sheraton Palace. Trois possibilités étaient donc possibles : soit Diana était un traître ou avait agi sous menaces pour lui donner de fausses infos, soit le chauffeur ici présent était également un traître qui s’était débarrassé d’un membre de l’Agence, soit il pistait tout simplement un agent totalement innocent, qu’on avait uniquement changé les photos de la vidéo et qu’il avait trop de soupçons. Lorsqu’il vit l’homme entrer dans une boulangerie et en ressortir avec un sac rempli à ras bords de croissant et de petits pains, il comprit que la troisième solution était la plus probable. Il pourchassait un fantôme, il n’allait pas dans la bonne direction. La planque de l’Agence restait en éveil 24 heures sur 24, et on envoyait quelqu’un prendre de quoi manger de temps en temps, il n’y avait aucune chance pour qu’il puisse y entrer. Mais ceci lui apporta un autre élément très important et d’une logique évidente. Les personnes présentent à l’Agence ne pouvaient rester enfermées là-bas toute leur vie sans jamais sortir, il devait donc y avoir une autre entrée, peut-être un parking souterrain. D’ailleurs, en y repensant, il n’avait vu l’homme sortir précisément de la planque, et avait bien fait de suivre son intuition en le pistant. Désormais il savait qu’il y avait un moyen pour y entrer, il suffisait juste de le trouver.

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