dimanche 18 novembre 2007

Chapitre II: Marchand d'épices

Code 47 prit son temps pour rejoindre son contact. Gregorovtich était mort mystérieusement, et il y avait deux millions de dollars qui l’attendaient, il avait le temps. Il mit une trentaine de minutes pour rejoindre le marché du Kremlin, et y fit des allées et venues durant une heure, il fallait également que personne ne le reconnaisse ici. Il respira l’odeur fraîche d’un marchand de fruits et légumes avant de sentir la terre cuite d’un autre qui vendait des vases. Il y avait de tout, et de rien, mais Hitman y était totalement insensible. Parmi la foule vivante et humaine se tenait un bloc de pierre, une personne qui était insensible aux finesses de la vie, et peu savaient qui il était vraiment. Deux heures après la mort de Gregorovitch, il trouva le marchand d’épices et se posta à proximité pour l’observer. C’était un homme d’âge moyen, avec une épaisse barbe noire, qui avait sur un étalage devant lui des dizaines d’épices aux couleurs attrayantes, qui remplissaient de petits bocaux. Il vendait du safran à une riche femme, 47 en profita pour s’en approcher discrètement. Lorsqu’il se tourna vers lui, il lui demanda :
-Bonjour monsieur, que cherchez-vous ?
-Deux millions de dollars en liquide.
L’homme eut un sursaut de rire, puit se calma immédiatement, réalisant que ce n’était pas une blague. Il fixa 47 avec de grands yeux et balbutia dans un russe quasi incompréhensible :
-Vous êtes fou… totalement fou !
Hitman leva un sourcil, puis se retourna pour observer la foule.
-On m’a suivi ?
Quand il se tourna à nouveau pour parler à l’homme, celui-ci avait sortit un talkie-walkie.
-Il est ici, dépêchez-vous !
-Mais qu’est-ce que… ?
Hitman sentit aussitôt une main lui prendre le bras droit, et une autre le bras gauche. Il entendit des femmes crier, et vit la foule s’écarter autour de lui. D’un bref coup d’œil, il aperçu ses agresseurs, deux hommes avec un gilet pare-balles, un casque et une large tenue noir, ainsi qu’une fusil qui leur pendait à la taille, soutenu par une sangle. La police, les forces spéciales, le Spetsnaz ? On l’avait coincé, c’était un piège. D’un vif coup de coude, il envoya valser le premier agent dans un étalage de brioches, profitant de son bras libre pour envoyer une droite puissante à l’autre agent. Celui-ci fit un incroyable volée en arrière, le sang giclant en masse de son nez, et s’écrasa au sol sans plus bouger. Hitman sortit rapidement son Silverballer, mais plusieurs tirs l’obligèrent à sauter derrière l’étalage du marchand d’épices. Celui-ci avait disparu, ce qui ne l’étonnait même pas. L’homme qui faisait feu était le premier soldat qu’il avait écarté, l’autre semblait avoir perdu conscience. 47 sortit quelques secondes de sa cachette pour effectuer deux tirs, mais l’un rata son ennemi, et le deuxième s’écrasa dans son gilet pare-balles. L’homme eut un mouvement de recul, mais leva vite son arme, un An-94, et recommença à faire feu. Hitman se mit aussitôt à l’abri, le bois de l’étalage explosant sous les balles. Il devait trouver une autre cachette, celle-ci ne tiendrait pas longtemps. Il observa rapidement les bâtiments froid et austères qui l’entouraient, et vit deux snipers se positionner sur un immeuble en face. Il fallait faire très vite. Code 47 sortit de sa cachette en continuant à tirer pour se couvrir, et se mit à courir vers la sortie du marché. Il entendait des bruits de pas derrière lui, nombreux, on avait dû alerter les renforts. Le marché était vide, les clients autant que les commerçants avaient fui la fusillade. Plusieurs impacts éclatèrent à ses pieds et sur les étalages qu’il traversait, mais il courait de travers et les soldats qui essayaient de tirer en courant n’arrivaient pas à l’atteindre. En levant les yeux, Hitman aperçut deux camions de police s’arrêter dans le marché à une vingtaine de mètres de lui, s’il ne faisait rien maintenant il serait coincé. Il sauta par-dessus une table en métal ornée de services en porcelaine, la renversa d’un mouvement brusque et y plongea, se couvrant des tirs au milieu des débris de tasses à café. De nombreuses questions remplissaient sa tête. Qui étaient réellement ces policiers, et surtout pourquoi le pourchassaient-ils ? L’Agence avait assez de contacts et était assez discrète pour assurer sa sécurité, et il était rare qu’il ait les autorités sur le dos, sauf lorsque son créateur avait voulu se débarrasser de lui, mais c’était une autre histoire. Il laissa tomber son chargeur vide et en sortit un autre qu’il enfonça rapidement dans la crosse du Silverballer. Il n’avait pas assez de munitions pour sa fuite, et s’attaquer aux forces spéciales de la police de Moscou était un suicide… et 47 n’était pas du genre kamikaze. Le déluge de balles continuait de pleuvoir, mais il était plus en sécurité derrière cette épaisse table en métal que derrière un bout de bois pourri. Soudain les bruits de tirent s’espacèrent, puis devinrent faible et enfin disparurent. Hitman n’osa pas jeter un coup d’œil, mais il savait qu’il se passait quelque chose. Il se mit à ramper derrière la table pour observer les troupes, quand il entendit quelqu’un parler dans un microphone.
-Ici le chef de la police de Moscou ! Rendez-vous et il ne vous sera fait aucun mal !
47 était loin d’être dupe, et ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait ce discours.
-Qu’est-ce qui me prouve cela ? demanda-t-il à haute voix.
-Rien, mais si vous ne vous pliez pas à vous rendre nous serons forcés de tirer.
-Eh bien, faites !
Sur ces paroles, Hitman se leva d’une vitesse ahurissante et se mit à courir comme un guépard vers la sortie du marché. Il entendit les balles fuser, et également le chef de la police crier d’arrêter de tirer. Ils le voulaient vivant, c’était une chance pour lui. Il sauta agilement par-dessus un autre étalage pour se retrouver devant une route, quand un des camions de la police lui barra le passage. Il s’enfuit du côté du capot, étant donné logiquement que les troupes sortaient de l’autre. Mais malheureusement pour lui, ces policiers n’étaient pas nés de la dernière pluie. La portière du chauffeur s’ouvrit brutalement sur Hitman et il s’écroula à terre, le nez en sang, perdant son pistolet dans la chute. Avant qu’il n’ait pu se relever et prendre son arme, un soldat lui avait mit un coup de crosse, et un autre lui tenait les mains pendait qu’il sentait une aguille s’enfoncer dans sa nuque. Petit à petit, les couleurs de Moscou disparurent pour laisser place au noir total.

Il ouvrit les yeux dans une salle d’interrogatoire fortement éclairée. Les murs étaient gris, dégarnis d’objets, vides. Il était sur une simple chaise en bois, devant une table en métal, presque identique à celle dont il s’était servi pour se couvrir. La salle était vide, mais il savait que derrière l’énorme miroir se tenaient de nombreux policiers prêts à lui faire cracher le morceau. Ils étaient si stupides… l’Agence le ferait sortir d’ici en moins de deux, tout n’était qu’une question de temps. C’est ce que pensait 47, jusqu’à ce que la voix de Diana emplisse la salle.
-Bonjour, Code 47.
Hitman remua dans la chaise, il était encore un peu sonné. Il avait un pansement sur le nez et sa tête tournait légèrement.
-L’Agence est rapidement venue à mon secours, déclara-t-il.
Il se leva de la chaise et abaissa la poignée de la lourde porte en métal. Fermée, évidemment.
-Non, c’est l’Agence qui a envoyé les forces spéciales à vos trousses, et vous savez très bien pourquoi.
-Quoi ?
Étrange, très étrange. Tout se bousculait dans la tête du tueur… pourquoi l’Agence aurait-elle fait ça ?
-Bon, on arrête de rire, lança 47, dites-moi immédiatement pourquoi je suis ici !
-Vous le savez !
-Qu’est-ce que je suis censé savoir ?
-Votre mission était de tuer Gregorovitch ! Vous êtes un inconscient total !
-Gregorovitch ? Mais il est mort !
Hitman avait observé avec attention les médicaments qu’ils lui avaient injectés, et c’était largement suffisant pour tuer n’importe qui, mélangés avec un anesthésiant et de l’alcool personne n’y aurait survécu.
-Gregorovitch a survécu ?
-Evidemment !
Diana semblait en colère.
-J’avoue que je ne comprends pas, avoua 47.
-Et je vous avais formellement dit de ne pas tuer Stepanov !
-…
-Pourquoi l’avez-vous tué ?
Hitman s’assit sur la chaise, la tête entre les mains, ce devait être un cauchemard.
-Je n’ai pas tué Stepanov ! cria-t-il.
-Pourtant c’est bien vous qui avez empoisonné sa bouteille de vin.
-C’était Gregorovitch qui buvait du vin, pas Stepanov !
-N’essayez pas de nous avoir, Gregorovitch ne touche jamais à une goutte d’alcool, c’était dans le dossier !
Code 47 se leva et pointa son doigt vers la vitre.
-Ce n’était pas dans le dossier que j’ai reçu ! Et dans celui que j’avais en ma possession, Gregorovitch avait les cheveux courts !
-Vous voulez dire que vous avez confondu Gregorovitch et Stepanov ?
-Absolument pas ! Dans les informations que le chauffeur de l’Agence m’a donné à Detroit, les photos de Gregorovitch étaient celles d’un homme aux cheveux courts, ne me faites pas porter le chapeau pour votre bavure !
-De quoi parlez-vous ? Nous n’avons jamais envoyé de chauffeur à Detroit !
Hitman ouvrit la bouche, ébahi, mais ne put sortir un mot. Il faillit tituber et s’assit sur la table. Le rendez-vous de plusieurs heures d’avance, la chambre d’hôtel vide, les deux millions de dollar… ce devait avoir une signification.
-A cause de vous la société commanditaire nous réclame des indemnités ! Gregorovitch va se montrer bien plus prudent et nous n’avons aucun agent autant performant que vous pour en venir à bout !
-Dans le dossier et la vidéo que j’ai vue dans l’avion, les photos de Gregorovitch étaient celle d’un homme aux cheveux courts ! se défendit Hitman. Moi j’exécute les ordres, c’est votre problème de me refiler les bonnes photos !
-On ne vous a pas montré le film ici même, dans la planque de Moscou ?
-C’est un coup monté !
-Arrêtez de vous débattre 47, toutes les preuves sont contre vous.
-C’est de l’abus de pouvoir !
L’assassin silencieux fixa le miroir d’un œil enragé, il n’y était pour rien du tout.
-Vous avez autre chose à dire pour votre défense ? fit la voix de Diana.
-…
-Très bien. Vous êtes viré !

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