mercredi 9 juillet 2008

De retour! + dernier sondage sans intérêt

Bonjour,


Petit message après quelques mois d'absence pour dire que la fiction repart, et que les prochains épisodes devraient être écrits, et une nouvelle partie postée sur le site. :) Fin prévue, normalement, le 8 Novembre 2008.^^


Également ce post pour préciser que vu l'activité très morte de la fic sur le blog (petit bloggeur qui passe par ici, t'as pas de bol), quatre personnes seulement ont répondu au dernier sondage (Sondage III: Avril-Mai 2008) "Que pensez-vous de cette fiction", dont trois par "Elle colle parfaitement à l'univers Hitman", ce dont j'ai quand même de gros doutes.^^ Heureusement, un brave petit gars a répondu: "Trop axé sur l'action."^^ Ce sondage, pour ne pas prendre de place et représentant mal ce que je voulais qu'il représente (une fiction mi-infiltration mi-bourrine... alors que Hitman est censé être 95% infiltration^^), ne figurera donc pas en marge.

jeudi 17 avril 2008

Chapitre XIX: Témoignage

12 Juillet 2008

La lettre était arrivée par colis aérien. Une jolie petite enveloppe de première qualité, qui, d’après son timbre et le tampon qui y était appose, venait directement de Vienne. L’adresse du destinataire avait été écrite à la main, par une écriture suffisamment fine, mais pas assez pour être celle d’une femme. Néanmoins, les traits étaient vifs et quelquefois imprécis, l’homme ayant noté ces quelques lignes étant probablement dans un état de tension élevé. Sans plus attendre, la lettre fut sortie, et la lecture commença. Les habituels “Très cher” et autres salutations étaient inexistantes, preuve on ne peut plus directe que le contenu de la missive était aussi important que son auteur, un homme pourtant raffiné et qui ne négligeait pas sur les bonnes règles de bonne conduite, avait tout bonnement oublié, ou négligé dans sa précipitation, de parfaire sa lettre de salutations.

« Il m’est arrivé quelque chose de tout bonnement étrange, si ce n’est dire bizarre. Un coup de surprise assez énorme et, je dois le dire, d’une complexité qui ne va pas en s’amenuisant. Mais autant commencer par le début, tu en sauras ainsi plus sur mon état actuel.
Tout a commencé il y a quelques heures à peine (je ne peux fermer l’oeil avant d’avoir conté mon aventure entière dans cette lettre, sous peine d’oublier un quelconque détail ou simplement de me réveiller en sursaut au milieu de la nuit pour ne l’avoir pas fait), lorsque Ingrid et moi nous sommes rendus à l’Opéra d’Etat, pour une représentation qui s’annonçait particulièrement ennuyeuse, mais dont, je le savais, elle raffolait particulièrement. Une de ces soirées où l’ennui est tant caché par des conversations à propos de sujets complexes et inutiles que le moindre bâillement, même caché subrepticement par la main, devient comme une honte publique. Autant dire que se mettre dans le bain s’annonçait, je le savais déjà en sortant du taxi, et qu’Ingrid ouvrait son parapluie pour nous éviter une douche sous cette chaude et drue pluie d’été, tout bonnement une suite ininterrompue de faux-semblants dont on ne pouvait réchapper. En entrant à l’intérieur de l’opéra, et tandis que quelques majordomes ou autre maîtres d’hôtel à l’air tout bonnement ridicules me tenaient la porte (et qu’Ingrid refermait son parapluie en tentant de ne pas inonder le parquet), mon sentiment s’intensifia jusqu’au paroxysme, en voyant qu’une énorme réception était tenue dans la pièce adjacente. Dès qu’un de ces ridicules clowns ganté m’eût enlevé mon imperméable avec, je dois bien l’avouer, une certaine délicatesse, je tentai tant bien que mal de me fondre dans la masse bruyante. Ingrid était partie de son côté, et ne voulait pas me voir sur ses talons comme un petit caniche inintelligent, comme je l’avais fait un soir à l’opéra de Berlin, et qu’elle me l’avait clairement reproché. Je pris donc une coupe de champagne sur un plateau d’argent, et commençai à marcher à travers la foule, à observer les gens et faire croire peut-être que je cherchais quelqu’un ou alors que je faisais toute autre activité importante qui n’était probablement pas dans leur code de vie. Somme toute, quelque espèce de vieil homme à l’air raffiné vint vers moi, et m’aborda, si l’on peut dire, d’une phrase qui ressemblait fort à “Très cher monsieur, vous qui me semblez apprécier les quelques toiles qui sont accrochées ici, avez-vous entendu parler des oeuvres occultes de Léonard de Vinci?”. Autant dire un argument bel et bien idiot, d’autant plus que les toiles en question qui trônaient au mur, et dont il pensait que j’étais en train de savourer des yeux, étaient de très claires oeuvres modernes, sans modèle ni paysage aux lignes fines, mais un acharnement de couleurs qui bondissaient en tous sens, semblant vouloir s’évader du tableau à tout moment. Avec bien des difficultés, et quelque dix minutes de conversation hâtive (qu’il sembla traduire par une communication normale entre gens pour le moins dire civilisés) suffirent de justesse à me permettre de fuir son emprise. Je sortis précipitamment de la pièce (manquant d’ailleurs de renverser un de ces espèces de clowns en uniforme, chauve celui-là), pour fumer une cigarette dans une petite ruelle sombre et sale. Bien sûr, la peur me tenaillait quelque peu les entrailles, redoutant de rencontrer un malfrat de basse envergure pour qui l’appât du gain est plus fort que tout. Mais, sauf quelques rats et une seringue brisée dont les éclats étaient éparpillés un peu partout (probablement celle d’un de ces toxicomanes qui écument la ville comme des chiens errants), seul le silence était mon unique compagnon.
Bref… après ces quelques instants de répit, j’entendis le bruit étouffé des pas qui commençaient à s’affoler à l’intérieur. Et j’avais vu juste, me rendant rapidement compte que la foule avait délaissé les petits-fours ignobles (mais point le champagne, qu’ils gardaient en main), pour se diriger vers la salle d’opéra. Ingrid, folle, comme d’habitude, d’une rage cachée en me voyant fuir ses si précieux et ennuyeux amis, me prit par le bras en sifflant et m’emmena avec elle à l’intérieur de la salle, en direction de deux places libres, dans les loges. J’étais malheureusement entouré par un homme énorme fumant un cigare (et dont la fumée empestait déjà les alentours) et une femme, fort jolie et au charmant décolleté plongeant, qui semblait être une amie de longue date d’Ingrid. D’ailleurs, elle me fit bonjour d’un signe de tête pour le moins étrange, comme si nous nous connaissions déjà, bien que j’en eusse pas le souvenir (du moins je crois). Je m’assis donc dans le siège, pour le moins confortable, c’était déjà ça, et tentai de ne pas trop jeter un œil noir à mon voisin, dont la fumée du cigare n’avait d’égale que son air renfrogné de bouledogue en fin de vie. J’en profitai pour me saisir de mes lunettes de théâtre et commencer à observer la salle : le lustre (magnifique), les décors du plateau (somptueux), les spectatrices (voluptueuses), et un technicien qui s’en allait vers la sortie d’un pas rapide, une boîte à outils à la main. Car, il faut bien l’admettre, si ces réceptions mondaines m’ennuient tout particulièrement, l’opéra lui-même reste un des mes échappatoires favoris. L’instant de tendresse de mon monde de brutes, que même le cigare de mon voisin obèse ne peut filtrer. L’un de mes plaisirs favoris, que je savourais à chaque instant ; un art immuable et génialissime.
Si bien que, malgré la pseudo-attention omniprésente dont j’avais à faire preuve face à tant d’hypocrites costumés, la soirée me sembla soudain plus douce, dès que, et ceci s’installa de manière étonnamment flagrante, le public cessa son infâme brouhaha et que la musique commençât à envahir l’espace… Et quel bonheur… Grieg ! J’en avais oublié à quelle point ses compositions étaient merveilleuses ! Les notes jonglaient dans ma tête, m’insufflant un parfum nouveau et tant délicat, et je dus, après quelques instants passés à hocher la tête dans ce bonheur intense, les yeux clos, ordonner à Ingrid de se taire. Autant elle me gâchait le spectacle en continuant à parler à sa voisine, autant j’avais ce besoin potentiellement machiste de la ramener à sa place (par souci de politesse néanmoins, nous en conviendrons). Evidemment, par souci d’attirer une foule à forte densité, les organisateurs avaient choisi de nous montrer, une fois de plus, la dénommée pièce Peer Gynt, sans qui, il faut bien l’admettre, Edvard ne serait qu’un simple musicien oublié de plus. Et, même, voyant bien que, dans la foule, les gens commencèrent à se parler à l’oreille (j’imaginais évidemment les conversations de pseudo-connaisseurs telles que : « Oh… cette pièce me dit quelque chose, ma chère. Ne l’aurions pas déjà entendu quelque part ? » et autres stupidités du même registre sans finesse), j’observais que l’organisateur de la soirée, de sa loge, semblait inquiet. A un moment (en plein milieu de la quatrième partie de l’opus 46… une honte !), il sortit son téléphone portable, dont je n’entendis fort heureusement pas la sonnerie, et partit immédiatement de sa loge, l’air préoccupé. Mais tout de même ! Au beau milieu de l’œuvre ! J’en fis d’ailleurs la remarque à Ingrid, qui me rétorqua (par souci de vengeance probablement) d’arrêter immédiatement de l’importuner.
Pour résumer (car la partie intéressante vient très probablement ici !), tout se passa jusqu’à la septième partie de l’acte, mon morceau favori, « Dans l’antre du roi de la montagne ». Le plus célèbre bien évidemment (quoique, vous en conviendrez, la musique d’ouverture de l’acte II n’en est que plus célèbre également), et celle qui me procurait le plus grand bonheur. À l’occasion, j’en profitai pour dire (mot pour mot) à mon voisin que l’odeur de son cigare n’avait d’égal que son inélégance extrême. Les comédiens n’étaient pas mauvais, mais il semblait passer ce quelque chose… on sentait dans l’air une tension (je crus même voir les rideaux, de côté, bouger légèrement), tandis que le mouvement de l’opus 23 prenait de l’ampleur dans l’opéra. Soudain, une explosion au bruit sourd retentit quelque part dans le bâtiment… je ne peux malheureusement m’en souvenir avec perfection, mais il sembla provenir de quelque part dans l’arrière-décor, et avant que quiconque n’ait eu le temps de réagir, les échafaudages s’étaient décrochés du plafond, et tandis que les musiciens s’arrêtaient de jouer pour contempler l’horreur qui tombait du ciel, le comédien qui jouait Gynt fut sauvagement écrasé. Aussitôt, des cris d’horreurs retentirent partout dans la salle, les gens se levèrent, apeurés, en commençant à crier. Ingrid hurla, sa voisine (nommée Tirana me sembla-t-il, comme la ville) manqua de s’évanouir et mon bouledogue de voisin, malgré son poids, se leva violemment de la chaise en laissant tomber son cigare au sol. Je dus rester le seul assis dans toute la salle, ébahi et submergé par l’émotion morbide qui se répandait dans l’air. De nombreuses personnes tentèrent d’aller aider ce pauvre acteur, mais il semblait que ce ne serait pas dans les bras de Solveig qu’il allait mettre fin à ses jours…
Sous le choc, il me fallut marcher. Il me fallait toujours bouger quand j’étais sous état de choc. Un homme barbu de courte taille, sur scène, ordonna avec un de ces appareils (mégaphone dit-on ?), de ne pas bouger de notre place. Malgré les menaces d’Ingrid qui disait vouloir « me le faire regretter » si je partais, je pris la poudre d’escampette et sortis subrepticement de la gigantesque salle. Je commençai à déambuler, dans les couloir, dans ce silence gênant qui, il était certain, était bien différent dans la salle d’opéra. Ecoutant mes talons claquer au sol, regardant mes pieds, ce fut pour découvrir, en entrant dans les toilettes, ceux d’un autre, dépassant des cabines, que je ne pus, pour assouvir ma curiosité, qu’ouvrir… Mon visage, à ce moment présent, avait dû se raidir de manière extraordinaire, car je me souviens avoir vomi sur les chaussures du pauvre organisateur, étendu ici dans un silence gênant. La suite est peut-être trop dure à raconter, et je ne m’en souviens que peu… le service de sécurité arriva peu après, me retrouva inconscient contre le mur, selon le rapport de la police. Je ne me souviens pas clairement du corps de cet homme, juste peut-être des ses yeux clos dans la douleur, du sourire crispé que faisait sa bouche, probablement involontaire, et de ses lèvres violettes, qui contrastaient de manière étrange avec des marques de même couleur le long de sa gorge. Je ne sus jamais ce qui m’étais arrivé… la police me questionna longuement, et la presse me demanda ma version des faits dans le moindre détail. Après tout cela… il est encore nuit, et j’ai du mal à me rendre compte de ce qui vient de se passer. Les événements de la soirée se bouleversent, autant ces tableaux durant la réception, le bouledogue au cigare, le pauvre comédien jouant Gynt que ces cabines qui continuent de me hanter. Saura Dieu un jouer percer ce mystère. D’ici-là, il me reste encore beaucoup d’éléments dont je n’aurai jamais la réponse, je crains.

Heinrich »


La lettre fut refermée, son souvenir gardé. Elle fut acheminée lentement du bureau à la large cheminée de briques et le chef du FBI se dit, en jetant la lettre dans l’intense feu qui éclairait à peine son visage, que si 47 avait ruiné le peu de vie qu’il restait à Leland Alexander, il n’emporterait pas la sienne.

Chapitre XVIII: Affaires Internes

Cité internationale de Lyon (Interpol Headquarter), 16 Juillet 2008

-Leonard Robert James, la commission a décidé, à l’unanimité quasi-totale, qu’il vous était interdit de continuer vos investigations sur le dénommé tueur à gages nommé « Code 47 ». Il s’est avéré que le sujet était bien mort dans un hôtel à Paris, en 2005, et que la mort proche du commissaire Fournier n’était qu’une coïncidence, malgré vos théories. Toutes vos enquêtes se sont soldées par des échecs et des culs-de-sac.
-J’ai réussi à trouver une piste sé…
-Un signe sur une mallette ? Utilisez-le pour retrouver ce… « 47 », et nous changerons peut-être d’avis. D’ici-là, vos droits d’agents ici à l’intérieur du réseau vous seront également retirés pour une durée indéterminée.
-Mais je…
-Pour une durée (et il accentua le mot) pour l’instant indéterminée, sinon plus.
-Bien. Merci de m’avoir re…
-Vous pouvez disposer.

Lenny James était dans le couloir, les coude sur les genoux et le visage enfoui dans les mains, le dos étrangement voûté. Et ce n’étaient pas sa veste en tweed gris et sa cravate bleue qui lui donnaient un semblant de dignité. Tandis que les gens passaient près de lui, il tentait de se demander comment il en était arrivé ici, pourquoi il était assis sur ce banc à la con entre une plante verte et un distributeur d’eau au lieu d’être à la poursuite d’un tueur en liberté. Cela faisait plus d’une année qu’il était à la poursuite de 47, et il était vrai que les échecs se succédaient sans trêve, mais il n’avait jamais perdu sa trace, ce qui, de son avis, avait toujours été le plus important. A chaque fait divers suspect dans la presse, chaque accident mortel étrange et chaque suicide sans raison, pouvait se trouver la marque de l’assassin silencieux.
La commission avait tranché en dix minutes à peine. Juste le temps de sortir tous les dossiers traitant de 47 ou de ses pseudo-activitées, de prouver qu’aucun lien concret ne pouvait y être trouvé et que James avait profité de l’argent d’Interpol durant de nombreux mois. Celui-ci, se redressant et laissant tomber sa tête contre le mur, observa quelques instants les alentours en effervescence, téléphones sonnant dans tous les coins, machines à café chauffant à en exploser, feuilles, notes et dossiers voltigeant entre les mains de secrétaires débordées et qui préféraient se vernir les ongles entre deux rendez-vous de leur patron que de prendre la peine d’allumer leur ordinateur ou de sortir un stylo de leur poche. En les observant un peu plus, le molosse se rendit rapidement compte à quel point il haïssait ces bureaux, à quel point il haïssait l’inefficacité, à quel point il haïssait les dirigeants du réseau et à quel point il détestait se rendre compte que cet univers serait bientôt le sien.
-Monsieur James ? demanda une de ces secrétaires en ouvrant la porte, l’air endormi.
L’ex-agent se leva lentement de sa chaise, étira son dos et suivit la secrétaire dans son petit bureau sans rien dire, mais en la gratifiant d’un regard noir qui aurait fait tomber Hitman en personne. Ou presque.
En s’asseyant dans la petite chaise qui lui martyrisait les fesses, il se souvint légèrement des têtes des dirigeants de divers services internes au réseau, et se promit de leur rendre la vie infernale s’il tombait sur l’un de leurs rapports lors de sa future vie de bureaucrate désespéré. Ils étaient une demi-douzaine, chacun essayant de s’habiller mieux que l’autre, chacun essayant de prendre un regard officiellement compatissant et officieusement très méprisant. Aucun échappatoire possible. Ils avaient le pouvoir, et le meilleur moyen de se séparer de leur emprise, c’était simplement de quitter Interpol. Mais le nombre d’années qu’il avait passé ici pouvaient lui apporter encore une chance d’avoir un petit poste honnête en faction quelque part, et c’était ce qu’il espérait.
-Voyons… il me semble que j’ai votre dossier ici.
James ne fit pas un bruit, haussa un sourcil en renfonçant ainsi son regard sombre d’un côté de son visage tandis que l’autre se tordait en une grimace toute aussi effrayante. Ses cheveux gris en brosse et son allure de lion sauvage lui donnaient l’air d’un homme haut placé, et la secrétaire qui mâchait son chewing-gum en face de lui était peut-être en train de s’en donner à cœur joie de jouer avec les nerfs de son interlocuteur. Encore cette question de pouvoir… ou alors, il se faisait simplement des idées et ce n’était qu’une naïve de première qui croit encore pouvoir changer le monde en lançant quelques shillings dans la casquette d’un mendiant et en ne tirant l’eau de la chasse qu’une fois par jour pour économiser l’eau potable.
-Bon, fit-elle en ouvrant le dossier, s’asseyant derrière un bureau dégagé et où trônaient uniquement quelques stylos et la plaquette portant son nom (« Fawl »… tiens, malgré ses airs de française, elle avait quand même un nom d’anglaise). Bon, on dirait que vous avez été suspendu.
-Très perspicace, lui renvoya le molosse sans aucun ton dans la voix. En plus, vous savez lire sans lunettes.
La secrétaire arrêta quelques instants de mâchouiller son chewing-gum, la bouche légèrement ouverte et le regard ne supportant pas, apparemment, ce manque évident de gentillesse. Un peu comme s’il lui avait mis la main aux fesses et qu’elle s’était retournée et lui avait lancé ce même regard scandalisé d’étudiante idéaliste (qui soutient la cause des animaux et ne met que de la fourrure synthétique, se dit James, et il ne put que tenter de contenir un petit sourire), mais avec la colère en plus.
-Bref, je disais, continua la secrétaire (et elle mit les lunettes pendant autour de son cou sur son nez, comme pour défier cet impoli assis en face de sa petite personne), vous avez été suspendu, et il m’a été donné pour mission (nouveau sourire de James) de vous trouver un nouveau job quelque part en Europe.
Le molosse jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Le bureau était totalement fermé, contrairement aux multiples boxes qui s’étalaient au milieu de la salle centrale, et s’il arrivait à fermer les stores et la porte, il pourrait peut-être étrangler cette imbécile et calmer ses nerfs. « Mais non ! Voyons mon vieux, arrête de te faire des idées, ne deviens pas celui que tu chasses, et laisse cette pauvre fille tranquille… »
Il retourna à nouveau la tête et fixa la jeune fille.
Le verrou de la porte semblait pourtant facile d’accès.
-Bon… fit-elle à nouveau en mastiquant son chewing-gum (et cette fois-ci, ce fut un simple tic nerveux qui passa sur le visage du molosse) et en tournant l’écran de son ordinateur vers elle. Vous parlez de nombreuses langues, avez collaboré avec le MI-6, Scotland Yard, la police de Londres, Glasgow, Liverpool, Southampton, New York, Washington, Paris, Amsterdam…
-En plus, vous lisez avec lunettes, fantastique ! lança James avec un grand sourire, les yeux grand ouverts, se demandant soudain cet accès de folie, probablement du à la rage interne de n’avoir pas réussi à attraper 47.
-Fous-lui la paix, James.
La voix venait de derrière lui. Il observa juste la secrétaire l’observer lui et l’homme dans son dos du coin de l’œil, la bouche ouverte, l’air hagard.
-Sors de cette pièce, dit Lenny James d’un ton qui tentait de se faire calme.
-Désolé, je ne peux pas. Miss Fawl, voudriez-vous avoir l’obligeance de me laisser votre place durant quelques instants ?
Miss Fawl mit un certain temps à réagir, comme si l’information traitée par son cerveau devait passer par son chewing-gum avant d’atteindre ses jambes.
-Heu oui… oui, oui, bien sûr, fit-elle en se levant sans aucune classe, manquant de faire tomber deux classeurs sur une étagère derrière elle.
Elle sortit de la pièce, faisant claquer ses talons, et Humphrey prit sa place, s’asseyant calmement face à James, le regard clair et pacifique.
-Qu’est-ce tu veux ? demanda le molosse en serrant les dents. C’est à cause de toi si je suis dans cette merde, et je peux te dire que te voir en rêves est déjà largement suffisant. C’est une tentative de suicide ?
Humphrey l’observa d’un air noir, ses cheveux sombres collés en arrière en un brushing pas vraiment parfait retombant sur son front et ses tempes, puis eut un petit sourire, observa le sol durant quelques instants. Il semblait réfléchir. Plus aucun son ne s’ensuivit, puis Humphrey se leva, à nouveau calmement, ferma les stores et verrouilla la porte, comme s’il voulait prendre la place de victime de Miss Fawl à tout prix.
-C’est vraiment une tentative de suicide alors, commença James en mettant les mains en clocher sur le bureau, puis réfléchissant à sa situation et celle de son patron. Tu n’es probablement pas ici pour me parler de mon futur job à Pétaouchnock City. Qu’est-ce que tu veux ?
Humphrey ne s’assit pas, mais s’appuya contre des casiers en métal gris sombre, et pensa lentement son discours. Il avait beau être le supérieur du molosse direct depuis quelques années au sein du service luttant contre le crime organisé, il avait toujours fait pleinement attention à ses paroles, et encore plus en la présence de Lenny James.
-C’est à propos de 47.
Haussement de sourcil du molosse.
-Vous avez retrouvé sa trace ?
-Non.
-Vous voulez des infos plus précises que celles des rapports ?
-Non.
-Vous avez lancé une autre équipe contre lui ?
-Non. Et non.
Lenny James fit tout son possible pour se contenir, mais il semblait que Humphrey voulait vraiment jouer avec ses nerfs. Celui-ci, qui regardait son ex-subordonné dans le blanc des yeux avec cet étrange regard vide, se décida enfin à parler.
-Les infos que tu as trouvées sont tout simplement insuffisantes pour mettre 47 en taule. Mais tu as toujours eu les preuves de son existence.
Plus aucun bruit. Le silence total. Sauf peut-être cette mouche qui se posa sur le bureau et que James écrasa de son pouce, ne quittant pas Humphrey du regard.
-Nous ne comptons pas te remettre en piste. Du moins pas officiellement, continua Humphrey. Mais tu sais très bien que la traque de Code 47 a toujours été l’une de mes priorités. J’ai détourné quelques fonds, et avec ma fortune personnelle, on peut continuer à mener cette guerre.
-Et officiellement ? demanda James, en observant son pouce ensanglanté.
-Officiellement, tu tries le courrier à Pétaouchnock City. Mike a déjà accepté de se joindre à nous, il peut se charger de modifier les documents dans le serveur central.
James essuya son pouce sur son dossier, encore ouvert devant lui à l’envers, et commença à réfléchir à toute vitesse, puis leva à nouveau la tête vers Humphrey, la tête légèrement sur le côté, les yeux exorbités.
-Tu veux faire de moi un autre tueur à gages, ou quoi ?
Humphrey semblait mal à l’aise, se pinça la lèvre inférieure et s’assit au bureau, mettant le dossier de la chaise entre lui et James, cherchant encore les mots à lui dire.
-Pas un tueur à gages, mais… enfin, ne vas pas chercher trop loin non plus, 47 est un danger pour le système. Il doit être éliminé.
Lenny James détestait être considéré comme de la merde, comme un agent qu’on envoie faire le sale boulot ou trop facilement corruptible.
-Bien sûr, si tu arrives à le capturer, tu pourras évidemment prouver à la commission que tu avais raison. À ceci près que tu seras probablement définitivement viré pour avoir effectué des missions sans l’accord des gratte-papier du service.
La tension était palpable. Et le molosse, dont la mâchoire était plus serrée que jamais, ne montrait que la partie émergée de l’iceberg, son cœur glacé ne se décidant pas encore tout à fait.
-Tu préfère que je descende 47 pour que ton petit cul reste dans ton fauteuil de cuir tout en haut ? Tu préfères le voir mort plutôt que vivant, parce que sinon il faudrait expliquer aux supérieurs ton implication dans des investigation illégales ?
Humphrey se pinça à nouveau la lèvre, et entreprit d’ouvrir la bouche pour contre-attaquer avec des arguments plus solides, quand, presque avec un sourire, Lenny James demanda :
-Quand est-ce qu’on commence ?
Sa voix était pleine d’assurance, de détermination, et de vengeance.

mardi 18 mars 2008

[Hors-Fiction] Hitman: le film (votre avis)

Bonjour,

Petit message pour réagir à vos réactions sur le sondage paru dans les colonnes, après mon propre avis sur Himan: le film, il y a un peu plus de deux mois.


Mauvaise adaptation, mauvais film: 0 (0%)
Mauvaise adaptation, bon film: 2 (25%)
Bonne adaptation, mauvais film: 0 (0%)
Bonne adaptation, bon film: 5 (62%)
Je ne l'ai pas vu: 1 (12%)


Evidemment, les 8 participants au sondage (dont moi-même une fois, arf...) se trouvent sur le blog d'un fan ayant écrit une fiction où notre ami 47 passe quasiment plus de temps à envoyer des voitures dans les ravins et éliminer ses enemis à grand coups de fusillades qu'à s'infiltrer bien discrètement chez sa cible... Le réalisme un peu trop décalé du film se retrouvant dans la fiction, logique que leurs amateurs adhèrent au même style. Vous avez donc, pour ceux qui ont voté, passablement aimé le film. :) Bonne chose pour une production qui a quand même passablement été décriée et critiquée...

A bientôt pour de nouvelles aventures!

vendredi 22 février 2008

Chapitre XVII: Le prix de la vérité

85e étage. L’ascenseur s’arrêta net, avec un léger recul. Il était maintenant question de ne pas faire trop de bruit, pour ne pas éveiller l’attention de la demi-douzaine de personnes qui se trouvaient à quelques centimètres à peine de Code 47, sous le plafond, qui observaient le vide dans un profond silence qui pourrait bien trop facilement permettre d’entendre le moindre craquement sur le toit. Il se déplaça avec une certaine lenteur jusqu’au bord de la cabine puis, lorsque celle-ci reprit sa course vers les sommets sombres et métalliques de l’immeubles, l’assassin, dans un petit saut élégant et maîtrisé, s’accrocha à l’échelle de secours qui parcourait tout le long de la cage. Il attendit quelques secondes que l’ascenseur disparaisse dans la pénombre, et attendit quelques secondes également que ses yeux lui permettent de percer celle qui l’entourait. Il ne voyait pas le fond de la cage, ni le haut. Pas question de tomber… ni de monter trop haut. Aaron Dougall devait se trouver à quelques mètres de lui ; Lenny James était sur ses talons. Ses préoccupations étaient ailleurs que de faire une erreur. Lentement, 47 tourna la tête, mais ne put rien apercevoir, de nombreuses poutres d’acier lui bloquant la vue. Prudemment, il lâcha une des mains des barreaux de l’échelle et s’appuya contre une des poutres, observant soigneusement le meilleur moyen d’entrer dans les appartements de Dougall. Et il le repéra bien vite : une petite grille d’aération, suffisamment grande pour lui permettre de passer… mais loin de l’échelle.
Lentement, ses pieds bien accrochés aux barreaux froids, il lâcha son deuxième bras et l’appuya également sur la poutre, laissant son corps ainsi au-dessus du vide, balayé par un vent froid et sec qui traversait son uniforme. De sa main droite, il tâta un tuyau collé au mur, apparemment non brûlant, auquel il s’accrocha rapidement de ses deux mains, laissant tomber ses jambes au-dessus du vide. Mais le tuyau était légèrement glissant, et il fallait dire que la situation n’était pas gagnée pour Code 47… Heureusement, il profita de son élan pour s’élancer au-dessus du vide et s’accrocher à celui qui se trouvait juste à côté. Reprenant son souffle et son courage après ce soudain instant kamikaze, il commença à avancer. Une main après l’autre, le bout des pieds sur les murs sombres et granuleux, il traversa rapidement la distance qui le séparait du panneau, qui se trouvait à un mètre au-dessus de lui. Lâchant à nouveau sa main droite, il empoigna un tuyau, vertical celui-ci, et, après sa rapide ascension, resta accroché à celui-ci et observa la grille d’aération.
-J’aurais dû m’en douter…
Des rayons lasers. Quatre, disposés en croix, devant la grille. Invisibles à l’œil nu. Pas leurs dispositifs en petits tubes métalliques.
Et un grondement profond, venu des entrailles sombres et profondes de l’immeuble. 47 poussa un juron… pas maintenant, non, pas maintenant…
Il observa, avec une rapidité effarante, les environs de la grille pour trouver un petit boîtier, dont il arracha le ridicule cadenas d’un coup de main, qu’il envoya valser dans les airs. L’intérieur était un entremêlement de fils de toutes les couleurs… Mieux valait ne pas arracher celui qui était relié à l’alarme, ni celui qui était directement relié aux faisceaux lasers. Il faudrait arracher ceux qui se trouvaient à l’intermédiaire, et faire croire à l’alarme que les lasers étaient encore en état de marche.
Le grondement recommença, un peu plus fort. L’ascenseur venait directement dans la direction des tuyaux… et de 47.
Celui-ci grogna, et commença à démêler les fils. Une perte de temps, malheureusement nécessaire. Le terme sac de nœuds était un réel optimisme que 47 ne se permettait pas de s’imaginer. Les fils étaient tordus, enroulés entre eux, se séparaient en des jonctions atteignaient diverses sorties, emplissant ainsi la totalité de la petite boîte qui les contenait. Ignorant le son de la bête métallique en éveil se rapprochant lentement de lui des profondeurs de sa tanière, Hitman se força à se concentrer sur cet amas de vermicelles colorés. Il les avait tous séparés, et il en dépassait de partout, mais il pouvait enfin commencer à voir à quoi ils étaient connectés. C’était même plutôt simple : une entrée pour les lasers, une entrée pour l’alarme. Il fallait dévier les fils. Mais comment ?
Code 47 s’épongea le front et garda son regard fixe dans la boîte, tenté de regarder la masse de métal qui allait bientôt l’écraser contre le mur. Dans une dizaine d’étages, il était bon pour plonger de 85 autres étages… Et impossible de sauter dessus, l’angle était bien trop mauvais, et le toit de l’ascenseur n’était pas plat, mais incliné directement vers les profondeurs. Mais il trouva rapidement la solution, tant elle était proche de lui. Proche de son visage en fait, à moins de quinze centimètres. 47 arracha la radio de l’agent Robert, en sortit la batterie et jeta le reste au loin, pour qu’il ne retombe pas sur le toit de l’ascenseur qui allait peut-être faire de la purée de son insignifiante carcasse humaine. Il repéra bien vite les deux extrémités de la grosse pile, et commença à défaire de manière optimale le sac de nœuds. Et il commit l’erreur, il regarda en bas. Il vit la bête, remontant des profondeurs du Tartare…
Au moins encore six étages avant l’impact…
Putain de grille à rayons laser !
Ses mains commençaient à devenir moites, et il glissait presque sur le tuyau, ses jambes commençant à se mouvoir lentement, son étreinte faiblissant à vue d’œil. Commençant à trembler, 47 approcha la batterie des extrémités du fil, puis commença à le retirer, lentement, pour que le métal conducteur y touche en même temps l’entrée électrique des faisceaux lasers et de la batterie de la radio.
Cinq étages.
Le fil ne semblait pas vouloir se dénuder. Le contact avec le métal conducteur était impossible. Sortant, avec une rapidité forcée par la peur qui le tenaillait, un petit couteau suisse trouvé sur Roberts, il commença à dénuder le long fil rouge sang qui était relié au récepteur de l’alarme. Il le faisait avec des petits coups secs, éliminant un peu plus d’isolant à chaque fois, mais ne pouvant, avec le stress qui lui écrasait les tripes, faire un travail efficace, comme d’habitude.
Quatre étages.
Ses doigts tremblaient. Peu, mais un peu trop. Aussi, quand la lame effilée du petit couteau lui taillada le doigt et qu’il le laissa tomber par surprise, s’observant inutilement le doigt qui laissa échapper un mince filet de sang, il se dit qu’il était peut-être temps de se dépêcher…
Trois étages.
Le couteau rebondit sur le toit de l’ascenseur avec un petit bruit sec, avant de filer vers les entrailles de l’immeuble, bien plus de six pieds sous terre. Bloquant le bout de fil dénudé sur la polarité correspondante de la batterie et commençant à l’enrouler autour, il la posa ensuite sur le bord de la boîte. La batterie fournissait désormais l’énergie fournie par les lasers qui entraient dans leurs conducteurs. L’énergie devrait suffire. Il fallait qu’elle suffise. Il n’y avait pas d’autre solution, de toute façon.
Deux étages.
Hitman arracha le fil relié aux faisceaux lasers et tira sur la grille. Les vis bougeaient… mais ne sautaient pas. Il tira à nouveau, de toutes ses forces, au risque d’arracher le panneau dans un élan trop puissant et de s’écraser dans le vide. Mais les fichus bouts de métal tenaient le coup…
Plus qu’un étage.
Il pouvait presque voir son reflet sur le toit de l’ascenseur.
Trop tard pour faire quoi que ce soit de réfléchi. Son instinct de survie, son envie de vivre pour tuer, vivre pour l’argent et pour lui-même le poussèrent à dégainer (avec une rapidité effrayante) le CZ 2000 en direction des vis. Mais il y en avait quatre à exploser. Quatre. Et un seul éta…
Ding !
La respiration de Hitman ressemblait fort à celle d’un marathonien qui venait de se faire écraser par un bus.
Il resta ainsi, les jambes douloureuses encore accrochées au tuyau, le pistolet levé en direction de la grille, tandis que l’ascenseur s’arrêtait à l’étage inférieur, le toit incliné de celui-ci se posant carrément sur les fesses de l’assassin silencieux, dont les gouttes de sueur tombaient désormais dans le vide plus si effrayant que ça. Il entendait même trois secrétaires sortir en claquant leurs talons dans les bureaux en parlant de Brad Pitt et des flics qui patrouillaient dans l’immeuble.
Ne perdant pas une seconde de plus, il rangea le pistolet, s’appuya fermement sur le toit froid et gris de la cage d’ascenseur, se tint aux cordes qui se trouvaient en amont et enfonça la grille avec ses deux pieds. Elle ne céda pas, mais le mouvement inverse que celui qu’avait effectué 47 lorsqu’il pensait aller faire son ultime balade l’avait fortement affaiblie. Aussi un deuxième double de coup de pieds l’arracha quasi-totalement de ses gonds, et 47 n’eut qu’à se raccrocher au tuyau avec ses jambes et tirer la plaque striée pour la décrocher. Plaque qu’il envoya dans le vide avec une joie dissimulée à la perfection. La grille était assez large pour s’y tenir accroupi, mais c’était bien trop pénible. Aussi le tueur se remit, plutôt rapidement, sur le toit de l’ascenseur, puis lâcha les câbles de ses mains et se laissa glisser tout entier dans le conduit, juste avant que l’horrible bête métallique ne continue son ascension vers le 7e ciel.

Le visage de Forthy était un habile mélange de frustration, de déception et de colère. Continuant à faire les cent pas au rez-de-chaussée du premier immeuble, il se demandait comment dire à Lenny James que c’était un abruti irréfléchi de première, ou alors comment camoufler son meurtre en accident… Finalement, il opta pour la pire chose à faire face à un James encore plus énervé que lui de ne pas avoir de nouvelles de 47 : rester calme.
-Cher collègue, fit-il d’un ton faussement solennel en se mettant face au molosse, qui se tenait assis et immobile, le dos courbé sur une chaise. Cher collègue, il me semble que nous avons perdu la trace de notre chère ombre… Êtes-vous certain que cet…informateur (et il appuya sur le mot avec un faux et grinçant accent britannique) était bel et bien digne de votre humble confiance ?
-Allez vous faire foutre, Forthy.
Le ton était sans appel, sec et tranchant. Ils n’étaient plus que les deux dans l’énorme hall du gratte-ciel, et la tension était plus que palpable. Tous les autres policiers et agents avaient été dépêchés dans les immeubles environnants ou les avenues de New York bordant Wall Street. Leurs voix résonnaient légèrement à travers les larges pylônes en marbre jusqu’au plafond, tout aussi sombre, qui semblait vouloir s’écraser sur eux. Pour Lenny James en tout cas.
-Vous ne semblez pas vraiment enjoué par les événements actuels, très cher confrère, continua Forthy en se dandinant sur la pointe des pieds. Auriez-vous un quelconque problème avec…
-La ferme.
Un silence. Et Forthy jubilait.
Mais le silence, encore plus pesant que le plafond, s’installa, Le molosse restait sur son siège, le dos voûté, les mains en clocher, coudes sur les genoux, soutenant son menton. Forthy recommença à faire les cent pas, dans l’attente d’un éventuel appel radio. Tous les deux commençaient à entrevoir l’issue de ce qui se déroulait en ce moment même. Hitman était à nouveau sur le point de s’enfuir, et tous les deux allaient en pâtir, surtout Lenny James, dont la crédibilité au sein d’Interpol se faisait de plus en plus faible. Le conseil d’administration était sur le point de retirer son budget après la mort de Petersen à Édimbourg, et attraper 47 était sa dernière issue, l’autre étant quasi-indéniablement la porte.
-Dites-moi, peut-être auriez vous l’amabilité de…
Lenny James ne dit pas mot, mais leva ses yeux gris comme l’acier vers Forthy. Son regard était un mélange extrêmement perçant, teinté de haine, d’intimidation et de pitié. Et même Forthy ne pouvait pas y rester insensible.
Un autre silence. Rompu rapidement à nouveau par Forthy :
-Avouez-le, vous avez merdé. Votre soi-disant contact a merdé.
Lenny James secoua la tête, sans dire un mot, puis se leva.
-Je vais à la pêche aux infos. Vous, restez ici à attendre qu’on appelle et à mettre des contraventions sur les voitures mal parquées. Vous aurez probablement de mes nouvelles.
Devant un Forthy aussi frustré qu’agacé, le molosse tourna les talons et marcha rapidement jusqu’à la porte, ignorant le son de ses chaussures claquant le sol et réfléchissant au problème Hitman. Premièrement, le tueur savait qu’il commettait un risque en venant à Manhattan, où il avait déjà abattu le commandant Chanders : c’était donc que son contrat en valait la peine. Il n’était sûrement pas venu ici pour assassiner un simple businessman, et encore moins un agent du Swat. En venant ici, il savait qu’il jouait en terrain miné, et le trésor était bien caché. Sortant dans la chaleur du mois de Juillet, il leva les yeux vers les gratte-ciels qui emplissaient l’étendue bleue surplombant la mégalopole. Que venait faire Hitman ici, dans cet immeuble ? Au pas de course, il traversa la cour de l’immeuble, et toqua à l’arrière d’une petite fourgonnette blanche. Mike lui ouvrit rapidement, un casque sur les oreilles.
-Je suis en communication avec le patron, dit-il. Tu devrais venir t’expliquer, il est pas content du t…
-Rien à foutre. Introduis-toi dans le système permettant de connaître l’indenté des personnes travaillant ici.
L’informaticien écarquilla de grands yeux, qu’il plissa ensuite rapidement à cause du soleil.
-Ici… dans cet immeuble ?
-Et ceux qui sont autour de cet immeuble.
-Ce n’est pas légal, fit Mike en haussant un sourcil.
-Tu sais très bien que là n’est pas le problème, trancha Lenny James sur un ton plus sec que l’air ambiant.
-J’en ai pour deux heures au moins !
-Tu as vingt minutes. Fais du café.
Sur ce, il claque la porte au nez de son acolyte et se dirigea à nouveau au pas de course dans le hall de l’immeuble, avant de se diriger vers un ascenseur libre. Les portes s’ouvrirent en tintant, et tandis qu’elles se refermaient, il jeta un dernier regard sur Forthy, qui malgré sa petite stature, osait encore le toiser du regard de l’autre bout du hall.

La grille d’aération était assez grande pour laisser passer Hitman. Le problème était maintenant de ne faire aucun bruit. Lentement, il se glissait le long de l’étroite cavité, le vent faisant légèrement gondoler l’uniforme de police qu’il avait sur le dos, comme dans la cage d’ascenseur. Après avoir rampé sur quelques dizaines de mètres, il trouva une grille de sortie, et y jeta un coup d’œil furtif. A l’extérieur se trouvait un petit bureau, où trônaient uniquement un simple bureau, quelques casiers et une grande armoire, mais il ne voyait rien de plus, la grille se trouvant au ras du sol. Rejetant son regard sur la grille lui-même, il ne découvrit aucun rayon raser. La voie était libre, et fort heureusement, plus besoin de dévisser la grille ici, celle-ci se décrochant facilement de ses gonds en forçant quelque peu.
Il glissa ensuite la grille dans le conduit d’aération, et commença à observer les hauts des murs. Aucune caméra ici… étrange, d’ailleurs. Lentement, 47 entreprit de se glisser hors du conduit, et reporta son attention sur tous les meubles se trouvant dans la pièce. Quatre casiers de métal dans un coin, un bureau avec un petit ordinateur portable, et une grande armoire contenant une tonne de classeurs. Mais aucune fenêtre. Le bureau de Dougall semblait être étrangement petit pour un homme ayant consacré sa vie aux flux monétaires et aux placements d’argent. Ils se glissa près de la porte, se mit à genoux et observa par la serrure le couloir qui s’étalait face à lui. Le bureau en était la dernière pièce, et quatre autre se côtoyaient par rangées de deux. Et un garde de sécurité faisait la ronde. Impossible à passer sans le neutraliser. Il fallait trouver une astuce… Son regard balaya à nouveau toute la pièce, et se posa sur une collection de pièces anciennes, dont il en prit une au passage. Sa main abaissa lentement la poignée de la porte, qu’il ouvrit lentement pour voir le couloir vide. Il s’avança, lentement, jusqu’à ce que l’ombre d’un individu musclé apparaisse à l’angle du couloir. N’hésitant pas une seconde, 47 prit la pièce et la lança en direction de l’angle. Le résultat fut immédiat : le garde, avec un soupçon de doute, s’avança pour ramasser la pièce. « Voilà qui pourrait dorénavant être très utile », se dit l’assassin avant d’abaisser avec une précision parfaite la crosse du CZ 2000 sur la nuque du pauvre homme de main.
Il observa les alentours, et repéra une caméra de l’autre côté du couloir d’où venait le garde. Heureusement, celui-ci avait été assommé dans une zone peu éclairée, mais mieux valait éviter de se faire filmer… 47 traîna le corps inanimé du gorille jusqu’à une porte, à laquelle il mit son oreille, pour ne détecter au final aucun bruit. Prenant le Micro-Uzi silencieux à l’intérieur du holster du garde, il ouvrit lentement la porte (tout en traînant sa victime par le pied de l’autre main), et braqua rapidement les environs. C’était une simple pièce avec un lit de camp, une table de nuit et une armoire. Un quartier pour les gardes, probablement. Il déshabilla ensuite le puissant homme de ses habits (ces gars-là portaient des caleçons blancs à poix rouges…), et le coucha sur le lit. 47 repartit ensuite dans le couloir, passa comme si de rien n’était devant la caméra, lunettes à soleil sur les yeux et écouteur dans l’oreille, et arriva dans la salle principale de l’immeuble. C’était un grand salon, composé de plusieurs canapés dans un coin, d’une cheminée géante, d’un tableau multicolore de Dougall et d’une baie vitrée menant à un balcon qui surplombait New York. Fouiller les chambres était trop dangereux, mieux valait chercher des indices ici. Comme ce verre de whisky vide, posé sur la table, qu’un jeune majordome venait de prendre sur un plateau d’argent. Dougall n’avait quitté ce siège que depuis quelques minutes à peine, et n’était pas dans son bureau. Probablement dans sa chambre.
-Nom de Dieu Edward, vous voulez me tuer ?! Le bain est bouillant !!
Probablement pas dans sa chambre.
-J’arrive, monsieur, j’arrive !
47 observa le jeune homme reposer le plateau sur la table en verre et courir en direction de la salle de bains. Gardant un pas suffisamment lent, le tueur le suivit, tourna à l’angle du même couloir, qui était face à celui d’où il était arrivé, et observa le jeune homme entrer dans une pièce et se confondre en excuses, avant d’entendre le vieil homme hurler encore plus de venir le déranger dans son bain. Le pauvre Edward sortit ensuite de la pièce, et se dirigea sans regarder vers le couloir.
-Oh, désolé, fit-il lorsque son épaule cogna celle de l’assassin.
Celui-ci émit un grognement, tourna la tête pour ne pas qu’il se rappelle de son visage et continua jusqu’au bout du couloir, où se trouvait une porte gardée par une caméra, un clavier électronique et un lecteur de cartes. 47 décida d’entrer dans la chambre à côté, une petite cuisine vide où se trouvaient les équipements high-tech du monde culinaire. Il se dirigea directement vers la porte vitrée, et sortit sur le balcon. Aussitôt, le vent chaud lui écrasa les poumons et le soleil lui brûla le crâne. Mais la vue sur New York était indéniablement superbe. Tournant la tête vers l’immeuble d’où il aurait dû éliminer Dougall au fusil à lunettes, la surprise le prit comme avec des pinces, et il revint aussitôt à l’intérieur de la cuisine, l’œil alerte. Lenny James était sur le balcon, en train d’inspecter soigneusement son fusil W2000. Reprenant calmement ses esprits, Code 47 sortit sa paire de jumelles, et commença à observer furtivement l’agent d’Interpol. Celui-ci observait l’arme sous toutes ses coutures, l’air pensif, avant de le mettre à l’épaule et de commencer à scruter les environs de l’immeuble de Dougall. 47 se remit à nouveau à couvert, observant la porte d’entrée de la cuisine au cas où quelqu’un viendrait, et attendit. Les policiers essayaient toujours de se mettre à la place de leur ennemi pour mieux le piéger. Lenny James ne faisait pas exception à la règle, bien au contraire, et mieux valait rester caché un petit moment pour ne pas prendre de risques. Deux minutes plus tard, après avoir compté les secondes dans sa tête et observé maintes fois la porte de la cuisine, Hitman jeta un nouveau coup d’œil à l’immeuble d’en face ; Lenny James était reparti, emmenant le fusil sniper avec lui. Mieux valait faire vite au cas où il reviendrait… 47 revint sur le balcon, passa ses jambes par-dessus, et se plaqua à la petite bordure qui l’empêchait de tomber dans le vide. Heureusement, celle-ci n’était longue que d’un peu plus de deux mètres, et il put rapidement atteindre le balcon d’en face, celui de la chambre protégée par le clavier, le lecteur de cartes et la caméra. Il s’attendait à y trouver un poste de garde ou une chambre importante, mais ne dénicha que la chambre de Dougall. Il n’eut pas besoin de forcer la serrure pour entrer, et en fermant la porte, constata immédiatement d’après les murs que la pièce était insonorisée. Elle contenait de nombreuses armoires, un grand lit, et, d’après ce qu’il avait pu voir, un accès direct à la salle de bains. Parfait…

Lenny James embarqua dans l’ascenseur avec le fusil W2000 dans sa mallette, démonté. Voilà enfin la preuve que l’agent 47 était venu ici, et avait eu dans l’intention de tuer quelqu’un dans l’un des immeubles d’en face. La mallette contenait, dessiné sur son alliage métallique, le symbole du tueur, cette espèce de flamme tournoyante qu’Interpol connaissait déjà bien. C’était la preuve irréfu…
Son téléphone sonnait.
-Ici Mike, dit immédiatement la voix dès que James eût décroché. Humphrey a encore appelé : il t’ordonne d’arrêter tes investigations et de laisser la police de New York faire son boulot. Il était vraiment en colère, il…
-J’ai la preuve.
-Quoi ?
-J’ai la preuve que notre tueur était bien dans l’immeuble, que c’était lui.
-Il ne veut rien savoir.
-Comment peux-tu en être sûr ? fit le molosse avec une teinte d’agacement.
-Je lui ai dit qu’on était à deux doigts de l’attraper. Il a répliqué que c’était des foutaises, qu’on courait après une ombre, et qu’il avait envoyé une voiture venir nous chercher.
Le temps jouait désormais contre lui.
-Merde, siffla James avant de se mettre à réfléchir. Mike, où en est la recherche des noms ?
-J’ai la liste de celles de cette immeu…
-Inutile, ma preuve, c’est un fusil Walter 2000. Il voulait abattre sa cible à distance, il a loupé son coup et doit être en ce moment même dans un immeuble adjacent.
-Je commence les recherches.
-Dépêche-toi.
Et il raccrocha sans attendre un mot de plus, tentant de contenir le stress qui commençait à monter en lui. Code 47 était encore dans la ville, tout près. C’était sa dernière chance, se dit-il en se massant les mains, pris d’une série d’étranges picotements glacés.

Au fur et à mesure que les pas de l’assassin silencieux s’avançaient vers la finalisation de son contrat, d’agréables notes de musiques, bien connues, montèrent à ses oreilles. Quelques notes vives, qui s’entrechoquaient dans son esprit néanmoins avec une certaine légèreté. Cette tension allègre, cette intrigue musicale, cet ordre parfait et cette virtuosité inaliénable…
-Carmina Burana… Ave Formosissima, murmura 47. Carl Orff. Cela me dégoûterait presque de finir ce contrat avec une cible aussi raffinée…
« Dommage que j’aie encore quelques comptes à régler avec Beldingford », finit-il de se dire en son for intérieur.
Á mesure qu’il s’approchait de la porte, et que la musique s’amplifiait, il se demandait de quelle manière il finirait par faire cracher le morceau à Beldingford quant à ses vraies intentions. Il se demanda qui était le huit de pique, et ce qui se passerait le 8 novembre, en plein milieu de l’après-midi… Transporté par la musique, il abaissa lentement la poignée, y glissa l’avant de sa tête et le Uzi, et entreprit d’ouvrir la porte. Dougall était face à lui, dans un bain rempli de mousse, assis dans une large baignoire ronde qui s’étendait au niveau du sol, dans une salle de bain sans vitres, au sol immaculé. Les lampes n’éclairaient que peu la pièce, et laissaient flotter une atmosphère de détente, que venait compléter à la perfection une petite stéréo, posée à côté de la baignoire. Immédiatement, l’humidité colla au costume sombre de 47, qui enleva ses lunettes à soleil et referma lentement la porte. Dougall, qui était en train d’agiter les mains les yeux fermés, projetant de la mousse un peu partout et savourant ces quelques ultimes instants de détente, ouvrit lentement les yeux, au son du déclic du battant.
-Un geste, et il faudra une éternité à votre femme de ménage pour faire briller cette baignoire comme avant, lança 47 sur un ton sans équivoque, son arme levée en direction du thorax du vieil homme.
Au son des cordes et des voix divines qui s’élevaient de la stéréo, Hitman observa le visage de l’homme se raidir. Non pas par la peur, mais par la haine. Ses yeux se plissèrent, son menton se renfrogna, et ses poings se serrèrent à la surface de l’eau.
-Qui vous a amené ici ?
-Moi-même.
Ses yeux se plissèrent un peu plus, laissant apparaître un tas de rides frontales assez impressionnant. « Il devrait déjà être mort », se dit et se répéta Hitman dans sa tête. « J’aurai déjà dû le tuer, et je serais en cet instant en train de partir… chaque seconde ici est un danger supplémentaire ». Mais il devait savoir… on s’en était déjà pris à lui en kidnappant le père Vittorio, et il avait fait justice. Beldingford l’avait traité comme un chien pour lui faire faire une sale besogne qui cachait trop de choses ; cette fois-ci on s’en prenait directement à lui, et la justice ne serait que plus puissante. Il lui fallait la vérité… mais vite.
-Pour qui travaillez-vous ? siffla le requin des finances, les dents serrées.
-Quelle importance cela peut-il vous faire, maintenant ?
Le visage de Dougall était semblable à celui d’un démon, comme on peut en voir dans les manuscrits datant du Moyen-Âge. Mais cela était loin d’impressionner 47.
-J’ai quelques questions à vous poser, dit lentement celui-ci.
Accompagnées de quelques percussions, les voix finirent le morceau dans un élan féerique, et d’un puissant coup de gong la stéréo passa directement à « O Fortuna », le morceau le plus célèbre de toute l’œuvre. 47, la main toujours tendue et le doigt proche de la gâchette, tenta de ne pas trop se laisser envahir par la musique, mais il fallait bien avouer qu’une partie de lui était en train de savourer cet instant.
-Je dois savoir, commença Hitman tandis que les voix puissantes envahissaient la pièce à un rythme démoniaque. J’ai été engagé par Kenneth Beldingford. Pourquoi ?
Le visage de Dougall se radoucit, et il observa son assaillant avec un regard clair empli de surprise et de retenue.
-Beldingford… Nom de Dieu, c’est pour ça que Petersen est mort l’autre jour… C’est vous qui vous en êtes chargé ?
Le temps pressait. Il devait le tuer dans les secondes qui suivaient. Le temps devenait son pire ennemi. Il était en train de briser ses règles pour obtenir de quoi satisfaire sa vengeance. C’était dangereux, mais il ressentait cela comme un besoin impossible à éviter.
-Oui. Que savez-vous à propos de Beldingford ?
Les voix continuèrent leur ascension, puis redescendirent aussitôt, laissant leur place à des murmures calmes et légers. Les mains du tueur devenaient moites, et la chaleur l’incommodait. Mieux valait en finir rapidement… de plus, n’importe qui pouvait débarquer dans la salle de bains.
-Que devrais-je vous dire ? Vous allez mettre fin à mes jours, de toute manière.
Hitman garda le silence, et, pour guise d’avertissement, décrocha la sécurité du pistolet mitrailleur. Le déclic se perdit rapidement au milieu des voix qui commençaient à leur souffler aux oreilles leurs mystérieuses visions. Dougall haussa un sourcil.
-Le coup classique, ce petit bruit mécanique sur le pistolet, fit-il avec calme. De toute façon, vous n’aurez aucune chance de sortir d’ici en vie.
-Vous comptez crier ? Essayez, lui répondit 47 sans conviction d’aucune sorte.
Dougall sembla réfléchir, comme s’il se servait des murmures environnants pour faire peser sur les épaules du tueur une épée de Damoclès. C’était futile, évidemment. 47 n’était pas du genre à se laisser intimider par un vieux roublard.
-Beldingford est un manipulateur né. Quand son frère et son neveu ont été tués (et 47 ne réagit pas le moins du monde), il a été crédibilisé aux yeux du grand public, ce qui lui a permis d’accroître son pouvoir au sein des pontes mafieux de nombreux pays, le tout en restant sous le couvert d’un homme d’affaires chevronné et équilibré, et un gentleman d’une hypocrisie sensationnelle. C’est la tête pensante du Conseil, et malheureusement, on dirait qu’il cherche à nous doubler. Tous.
Il sembla s’arrêter, laissant les voix envahir à nouveau la pièce.
-Continuez, siffla 47 d’une voix froide.
-Si vous ne m’avez pas encore tué, je devine que vous cherchez encore des informations, finit par dire le requin tandis que les voix continuaient leur légère ascension. Que voulez-vous savoir ?
L’assassin pesa lentement ses mots dans sa tête, sachant pertinemment que chaque seconde au milieu de la pièce était une seconde de danger supplémentaire.
-Pourquoi ai-je été engagé par Beldingford ?
-Pour éliminer ses adversaires… Petersen, moi, et je devine Le…
-Pourquoi veut-il votre mort ?
Les voix commencèrent à s’élever.
-Afin d’avoir le pouvoir, bien évidemment… Le Conseil a main basse sur de nombreuses entreprises et gouvernements. Jeffery et moi avions prévu de renforcer notre mainmise sur le Royaume-Uni par l’intermédiaire de Scotland Yard, en agissant de l’intérieur. Peut-être cela n’a-t-il pas plus à Beldingford et ses trafics en tous genre, y compris ceux qu’il faisait avec le chef du…
-Que va-t-il faire de moi ? le coupa 47, pressé d’en finir.
-Je n’en sais rien.
Un petit coup de gong, suivi d’un autre. Et les voix s’amplifièrent, envahirent la pièce tandis que le regard noir de l’assassin se perdait dans celui de sa victime. Il disait la vérité sur Beldingford, mais les derniers mots n’étaient que mensonges pour éviter la mort. Il fallait l’assassiner. Maintenant. Maintenant !
-Je peux vous payer le double de Beldingford… le triple ! Donnez votre prix !
Dougall commençait à stresser, à être effrayé par la mort et les coups de gongs qui résonnaient de plus en plus puissamment dans la petite pièce humide, dont la vapeur se dégageait comme des vapeurs de soufre… un avant-goût de l’enfer. Son visage était partagé entre la peur et la haine, entre le mépris et la pitié. Comme beaucoup de victimes, dans l’incompréhension. Hitman s’avança, le pistolet mitrailleur pointé vers le crâne de Dougall, alors que les détonations résonnaient dans la pièce et que les murmures, transformés en puissants éclats, s’accéléraient au rythme infernal des derniers instants du morceau.
-Ma fortune se compte en dizaines de milliards ! cria Dougall, désemparé. Venez de mon côté, vengeons-nous de Beldingford et…
-Non.
La voix était froide, implacable. C’était devenu une affaire personnelle.
-On vous retrouvera, hurla Dougall, les yeux exorbités, commençant à accepter l’idée de sa mort et voulant entraîner 47 dans sa chute. Un meurtre pareil ne passera jamais inaperçu !!! On vous retrouvera et on vous fera la peau !
-Qui a parlé de meurtre ? articula lentement Hitman dans l’ explosion musicale qui envahissait la pièce, tout en poussant violemment la stéréo de son talon droit.
La musique cessa. La stéréo atterrit immédiatement dans l’eau, et Dougall fut secoué aussitôt par la décharge, convulsant dans l’eau et râlant quelques mots incompréhensibles parmi lesquels 47 crut entendre « pantin », « mort » et « mafia ». Détournant les yeux du spectacle macabre qui s’offrait à lui, l’assassin ouvrit nonchalamment la porte, et la referma rapidement, observant que personne n’avait rien entendu, la salle de bain semblant comme la chambre, insonorisée. Il remit ses lunettes à soleil, marcha jusqu’à l’ascenseur et, une fois à l’intérieur et quand les portes se furent refermées, sortit son téléphone portable.
-Ici Pet… commença le jeune homme de main.
-47. Le contrat est terminé. Faites-moi évacuer comme prévu.
Sans un mot de plus, la communication cessa.

Lenny James sortit de l’immeuble dans le brûlant soleil de l’après-midi, le fusil W2000 qu’il avait remonté dans une main en guise de preuve directe et la mallette dans l’autre, Forthy sur les talons.
-J’ai trouvé ça à l’étage 78, expliqua le molosse en accélérant le pas. Ce qui prouve que cet homme avait bel et bien prévu de commettre un meurtre.
Forthy, plus replet et petit que lui, avait du mal à le suivre, et parlait en saccades, essoufflé, tout en étant toujours énervé contre James, et il fallait le dire, un peu étonné.
-Et qu’est-ce que… qu’est-ce qui prouve que c’est l’arme… de CE tueur ?
James s’arrêta, et pointa du doigt le signe sur la mallette, permettant au capitaine de se reposer un tout petit peu.
-Ceci, est le symbole qu’arbore l’agent 47.
Forthy haussa un sourcil, la respiration haletante.
-Et c’est tout ? Donc si je me pointe avec ce symbole tatoué sur mon bras demain matin au commissariat, je suis un tueur à gage mort trois ans de cela ?
James s’empourpra, et repartit immédiatement en direction de la camionnette de Mike, assez vite pour que Forthy aie du mal à suivre. Mais au moment où il voulut ouvrir la porte, son téléphone commença à vibrer.
-QUOI ? hurla le molosse au combiné, devant déposer sa mallette à terre.
La voix lui annonça rapidement la situation, et James hocha la tête.
-Qui est-ce ? demanda Forthy, reprenant encore une fois sa respiration, son visage encore rouge.
James ne répondit pas tout de suite :
-Le contact.
Forthy sembla s’énerver, et son visage redevenu pâle redevint rouge sous l’effet de la rage.
-Cet espèce de connard qui ne sait pas ce qu’il dit ? passez-le moi !!!
-Attendez.
James ne dit plus mot, et son regard, ou plutôt son oreille, sembla s’égarer. Tournant lentement la tête, levant une main pour se protéger du soleil, il observa l’hélicoptère bleu commencer son atterrissage en direction de la tour voisine. Le molosse, la mâchoire serrée, referma son portable dans un claquement et jura à voix haute avant d’ouvrir les portes de la camionnette à la volée.
-Mike, arrête de chercher, on a trouvé !
L’informaticien, baissant son micro sur sa nuque, semblait presque autant troublé que son supérieur. Mais tandis que celui-ci était empli d’excitation, les yeux pétillants malgré son très faible sourire, le désespoir se lisait sur les traits de Mike.
-Humphrey a appelé il y a cinq minutes… pour dire que ses agents seraient là dans cinq minutes.
L’excitation qui emplissait James s’amplifia soudain de manière extraordinaire… mais plus dans la joie. Sans dire un mot de plus, il plaça brutalement le fusil sniper et la mallette à l’intérieur de la camionnette, et s’élança à toute vitesse en direction de l’immeuble d’en face, hurlant un dernier « Forthy, ordonnez à vos équipes de ne pas laisser partir cet hélico ! ». La respiration haletante, courant à en perdre le souffle sous le soleil de plomb, tout aurait pu peut-être se passer comme il l’aurait fallu si trois voitures noires n’avaient pas débarqué sur la place séparant les deux immeubles, bloquant le chemin au molosse. Celui-ci, non troublé le moins du monde, continua sa course, se servit du capot d’une des voitures pour faire un petit bond et se rapprocha à grandes enjambées de l’immeuble, sans prêter attention aux portières s’ouvrant derrière lui et aux « James, ordre direct de Humphrey, stoppez-vous ! ». La distance était extrêmement faible, les agents d’Interpol étaient loin derrière… il fallait juste que Forthy l’aie aidé. Pour une fois, une seule fois.Le premier policier tenta de l’attraper au bras, mais le molosse se servit de l’une de ses nombreuses prises de combat rapproché apprises au MI-6 pour lui prendre l’avant-bras à deux mains, le déséquilibrer d’un coup sec et l’éjecter à terre d’un coup de pied retourné. Mais ce n’était pas suffisant, et tandis qu’il recommençait sa course en direction du hall, ce furent trois policiers qui se jetèrent sur lui, et bien que l’un d’eux se retrouva immédiatement à terre, les deux autres le maintirent plaqué au sol, la face exposée au soleil, tandis que celui-ci était légèrement masqué par l’hélicoptère s’éloignant du toit de l’immeuble.

Chapitre XVI: Insertion

La sécurité avait été renforcée dans l’immeuble de Dougall. Des policiers en uniforme, l’air sérieux et pressés, s’affairaient dans le hall pour tenter de trouver le mystérieux homme recherché par la police, cherchant dans ses coins, ses recoins, ses toilettes, les pièces réservées au personnel, et même derrière les plantes vertes. Hitman savait pertinemment qu’il n’avait aucune chance d’entrer sans déguisement, même s’il savait également que les policiers n’avaient absolument pas cure de ce qui s’était passé dans la tour voisine, et que c’était pour eux une journée aussi ennuyeuse que les autres. Malheureusement pour l’assassin, ce n’était pas cet ennui profond qui les empêcherait de porter la main à leur hanche en cas de contact oculaire avec lui. Il faudrait agir prudemment, avec intelligence… en bref, comme d’habitude.
Il observa durant quelques dizaines de secondes encore les patrouilles des onze différent gardes de sécurité et policiers, assis sur un banc, le visage à demi caché derrière un large journal qui prônait une nouvelle loi sur le clonage humain. Il se trouvait dans un petit parc, devant l’immeuble, à côté d’un arrêt de bus, côtoyant vieilles dames et mères de familles avec leurs rejetons. C’était plus qu’une couverture… il était parfait mirage aux yeux de ses opposants. Observant à demi les pas des hommes armés et lisant diagonalement l’article, 47 formula son plan d’attaque dans la tête. Pas de silencieux sur le CZ 2000, mais un coussin ferait l’affaire, et sa corde à piano encore mieux… Il faudrait passer les derniers étages à l’escalier, surprendre sa cible… Dougall était vieux et faible, et sans l’intervention de Lenny James, le contrat aurait été d’une étonnante simplicité. Le tueur baissa les yeux et remonta le journal, effaçant ainsi de la vue de n’importe qui celle de son crâne chauve.
Hitman ne se souciait pas de la politique. On pouvait cloner des dizaines d’imbéciles, du temps qu’ils ne devenaient pas tueurs à gages qui se mettaient sur sa chasse, ça ne lui posait pas de problème. Oui, ça ne lui posait pas de problème.
Il baissa le journal, le plia avec dédain et le posa sur le banc. Il avança, dans la journée brûlante et accablante, au milieu de la foule qui s’ameutait sur le passage piéton au rythme d’une vague qui se perd sur une plage vide. La place qui s’étalait devant le gratte-ciel était, fort heureusement, cachée par un large portique en verre sombre qui, même si ne cachait pas toute la lumière, rafraîchit immédiatement 47 quand il y pénétra, d’un pas autant calme et réfléchi que d’habitude. Le policier qu’il avait repéré trois minutes plus tôt avait bonne vue. Code 47 l’avait vu observer de loin les fesses d’une passante, d’un œil vif, faisant semblant de perdre son regard vers le ciel. Il avait des lunettes de soleil peut-être, mais une bonne vision, et cela se vérifia à cet instant précis.
Le policier s’arrêta net dans sa ronde en voyant Hitman s’approcher de l’immeuble. Il se figea sur place, et l’assassin silencieux l’imagina en train d’écarquiller les yeux derrière ses larges lunettes sombres. 47 changea de direction, et tourna vers un autre passage piéton. Il entendit les pas du policier se faire plus rapide, se rapprocher de lui de manière légère : le doute s’était bel et bien installé dans son esprit, et la chasse commençait. Hitman s’enfonça dans la masse qui attendait que le feu piéton passât au vert, écoutant d’une oreille quelque peu distraite les sirènes des voitures de police qui quittaient le building voisin. Lenny James étoffait ses recherches. Le molosse a du flair.
Le feu passa au vert. Immédiatement, la masse humaine tant compacte s’élongea et partit en toutes directions. Le policier, qui était de plus en plus proche, ne put arrêter Hitman même avec quelques interjections plutôt confuses, et se mit à courir sur le passage piéton, dont le feu était passé au rouge. Tandis que l’agent 47 continuait sa route d’un pas décidé et léger en direction d’une ruelle, le policier dut à deux fois brandir sa plaque pour pouvoir passer, sous le joug des klaxons et des insultes des conducteurs New-Yorkais. Il avait perdu de vu l’homme chauve, avec ce code barre sur l’arrière du crâne… c’était lui, aucune doute possible. Et la ruelle était sombre. Il enleva ses lunettes, les rangea dans la poche de sa veste, et s’avança lentement. L’homme, un costume Armani sur le dos, semblait en train de s’affairer quelque part près d’un container. Lentement, l’agent décrocha la sangle de son holster, et sortit lentement son arme, la pointant vers le sol.
-Tourne-toi.
Le tueur s’arrêta, ses gestes brutalement stoppés, comme un acte prémédité. Le policier eut un grand frisson dans le dos et sur tout l’avant-bras, et dut contenir ses tremblements pour ne pas appuyer sur la détente. Mais l’étrange individu au crâne rasé ne s’était toujours pas tourné.
-Je t’ai dit de te tou…
En un volte-face rapide, précis et imprévisible, Hitman pivota sur lui-même et asséna d’un coup brusque et violent la barre et fer sur la tempe du policier. Trop surpris pour faire quoi que ce soit, celui-ci n’avait pu, impuissant, que voir l’objet s’écraser sur lui, et se vue se brouiller rapidement.
-Si vous le demandez… fit Code 47 sans une once d’humour dans la voix, mais d’un air froid et implacable.
Il lança la barre de fer dans la benne à ordures, prévoyant d’y mettre également rapidement celui qu’elle avait envoyé dans les songes, quand la radio de l’homme grésilla. Lentement, Hitman s’agenouilla, et pris la radio entre ses doigts, écoutant juste les échos vides des sirènes qui se répercutaient dans la petite ruelle. Même d’ici, le ciel était étonnamment bleu…
-Je répète : qu’en est-il de votre côté, Roberts ?
-J’ai entendu ! fit 47 d’un air faussement agacé. Fausse piste, fit-il ensuite dans une quinte de toux pour masquer sa voix différente. J’ai poursuivi le gars sur au moins trois avenues, mais en fait il était clean… Roberts, terminé.

-Et vous pensez qu’il serait dans l’immeuble d’en face ? demanda Forthy avec un haussement de sourcil.
Lenny James prit son temps, et laissa couler le café le long de sa gorge, puis prit plaisir à laisser entrer de l’air frais dans ses poumons alors qu’il savait que le capitaine bouillait d’incompréhension.
-J’en suis certain, répondit-il sans autre explication.
Forthy ne répondit pas, se massa l’arrête du nez entre ses doigts grassouillets et murmura quelques paroles inaudibles. Lentement, il laissa glisser sa main le long de son visage, puis regarda l’agent d’Interpol au plus profond de ses yeux. Mike, debout à côté d’eux, n’en savait pas plus non plus.
-Et… sur quels arguments détonants pouvez-vous affirmer ceci ? articula lentement Forthy en mettant ses mains sur ses hanches, faisant tomber sa veste derrière ses bras et laissant apparaître un ventre étonnamment plat pour sa stature.
-Sur un contact sûr, répondit James avec son étrange calme plat, le regard clair. Interpol a aussi quelques agents dormants ici, à New York.
-C’est autorisé, ça?
-Je ne sais pas, j’ai dû lire le règlement il y a vingt ans… mais en tout cas, c’est efficace.
Forthy se calma un peu, et empoigna sa radio.
-J’espère que c’est un bon agent.
-C’est certain.
Le capitaine appuya sur le bouton, et il y eut aussitôt une réception à la voix féminine.
-Ici central.
-Capitaine Forthy…
-Ah… C’est pour le tueur ?
-Oui. Nous pensons qu’il est entré dans un des immeubles se situant juste à côté de celui où la fusillade a eu lieu.
-Vous rigolez ? On a placé des dizaines d’agents, il y a des contrôles à tous les coins de r…
-Le tuyau est en béton. (Il lança un regard sévère à James, lui disant clairement que si ce n’était pas le cas, celui-ci allait s’en prendre plein la tronche.) Laissez les contrôles, mais à plus faible fréquence. Envoyez des hommes dans tout Wall Street, et faites patrouiller l’hélico. Il est peut-être sous déguisement.
-Quel genre de déguisement ? fit la voix avec une pointe d’agacement.
-Aucune idée.
-Et comment voulez-vous que nous le reconnaissions ?
-Il a gardé la même tête depuis les dix dernières minutes, normalement, non ? répliqua Forthy avec ardeur, sur un ton qui ne donnait pas envie de continuer.
-Bien… je fais passer le message, et son portrait-robot.
-Merci. Terminé.
Forthy allait ranger la radio, quand la voix féminine revint dans un petit grésillement :
-Capitaine… cet homme, il est mort à Paris, en 2000…
L’officier se mordit la lèvre, pris une petite respiration et tourna les yeux au ciel.
-Je sais. D’après le rapport. Mais ce n’est pas un fantôme qui a envoyé nos agents six pieds sous terre. Que ce soit lui ou un autre, ça reste un tueur. Exécution.
-Compris. Terminé.
Forthy rangea sa radio, et ne regarda pas Lenny James quand il partit d’un pas lourd en direction de la sortie. Celui-ci lui était reconnaissant. Il savait très bien que tous les deux risquaient leur place, mais le contact était sûr, on ne peut plus sûr.

Le code barre était à moitié caché par la casquette, mais les larges lunettes à soleil permettaient au moins de masquer le visage squelettique de l’assassin. Le hall n’était pas si bondé que ça, en fait. Les divers hommes et femmes d’affaire semblaient éviter la présence des policiers, ces mêmes policiers qui recherchaient l’homme qui les côtoyait. Hitman les regarda du coin de l’œil, derrière les verres fumés, et partit en direction des ascenseurs. Il pensait devoir vérifier qu’aucun autre policier ne le vît quitter le hall de l’hôtel, la seule position qu’ils devaient surveiller, quand sa radio grésilla :
-Ici central… on pense de source sûre que le tueur n’a pas quitté Wall Street. Je répète : la cible recherchée est encore à Wall Street. Demande aux unités de contrôle en position dans les rues pour cette affaire d’envoyer une partie de leurs effectifs en renfort. Fouillez tous les immeubles du coin, il peut être n’importe où, même déguisé. Ne négligez personne. Terminé.
47 appuya sur le bouton de l’ascenseur, qui s’illumina légèrement. Sa couverture était désormais quasi-parfaite.

Aaron Dougall avait l’esprit embrumé. Peut-être était-ce la vieillesse, mais il sentait bien que son sens critique n’était plus aussi performant. Il se sentait las, vidé, et commençait à baisser sa garde. Il observa le fond de son verre de whisky, dénichant son visage déformé à travers le verre bombé. Berlin lui permettrait de se racheter. C’était à Berlin qu’il porterait le coup final de son plan devant le Conseil, et qu’il deviendrait le plus grand requin de la finance de tous les temps. « Genius », son ordinateur, lui avait permis d’en apprendre sur tous ses subordonnés et ses intermédiaires. Il était entré dans leurs données personnelles, leurs revenus, leurs dossiers médicaux et même psychologiques pour certains… une aubaine ! Il savait aussi qu’il devenait trop gênant, et qu’on voulait le remplacer. Il avait déjà imaginé toutes les questions qu’on lui poserait, tous les pièges qui seraient dressés face à lui. Et il avait, de même imaginé toutes les répliques cinglantes qui empêcheraient le reste du conseil de prendre sa place. Chaque seconde de son itinéraire dans la capitale germanique avait été pensée, repensée, et toutes les possibilités avaient été abordées. Il n’avait rien à craindre.
-Votre bain est prêt, monsieur, fit Edward du bout du couloir.
-Bien, répondit Dougall d’une voix faible. Bien, bien, j’arrive.
Il reposa son verre sur la table également de verre, qui émit comme une vibration sourde, puis se leva, sans trop de difficulté. On allait vouloir l’assassiner à Berlin… c’était certain.

Un ascenseur à Wall Street ne peut pas être vide. C’est comme vouloir affirmer que le Sahara cache de la neige ou qu’Elvis Presley est encore en vie, c’est plus un fantasme délirant qu’une réalité… et 47 en était le témoin de premier ordre. Depuis trente-deux étages, l’ascenseur avait toujours quelqu’un d’autre à supporter. Un homme d’affaire sérieux en costume, une serviette ou une mallette à la main ; une secrétaire au chignon serré et aux lunettes carrées ; un employé moyen sirotant un café ; une femme de ménage, l’air exténué, qui grognasse dans son coin ; un comptable nerveux aux gestes frétillants, qui remet sans arrêt ses petites lunettes sur son nez. Mais jamais, jamais une seconde de libre pour continuer le contrat… et 47 savait que son temps était compté. Le temps qu’il arrive au 86e étage, Lenny James pourrait très bien avoir encerclé l’immeuble. Mieux valait ne pas perdre de temps. Secouant légèrement la tête, comme s’il avait perçu un bruit, l’assassin mis sa main à sa radio, sans pour autant appuyer sur le bouton.
-Oui, ici… Roberts. Qu’y a-t-il ?
Les deux secrétaires qui bavardaient se turent ; le comptable stoppa d’un geste sec sa main qui allait remettre ses lunettes ; un électricien qui se tenait à côté de lui haussa un sourcil. Hitman ne dit pas mot de plus, et fit semblant d’écouter une conversation radio. Il n’avait pas d’écouteur à l’oreille, mais qu’à cela ne tienne, les civils étaient toujours impressionnés par l’uniforme.
-Vous en êtes certains ?
L’une des secrétaires se mit à tapoter nerveusement sa serviette, tandis que l’autre essayait de reprendre la conversation. Et le comptable se mordillait maintenant les doigts…
-D’accord, compris. Roberts, terminé.
Il s’avança vers la porte et se tourna vers les quatre personnes. L’électricien laissa sa boîte à outils sur le sol et mis ses bras en croix, l’air sceptique avant même que 47 ne dise le moindre bout de mot.
-Désolé, je crois qu’il y a un problème, dit-il d’une voix forte et autoritaire.
-Un… problème ? fit le comptable d’une voix étouffée.
Les secrétaires se mirent à se chuchoter des mots inquiétants à l’oreille. L’électricien esquissa un bâillement, mettant nonchalamment la main devant la bouche.
-Nous recherchons un homme, continua calmement Hitman. Un homme dangereux, qui est peut-être dans cet immeuble.
-On n’a pas vu d’homme dangereux dans le coin, fit l’électricien d’une voix grave.
-Vous en êtes sûrs ? répliqua 47.
-Certain.
-Comment pouvez-vous en être certain ? demanda Code 47 d’une voix calme et soudain plus sombre. Je suis théoriquement autant dangereux qu’un tueur avec une arme dans les mains.
L’ironie pour masquer la vérité. Une tactique qui fait toujours effet.
-Théoriquement, oui, continua l’électricien en levant les yeux au ciel.
-Écoutez, on pense qu’il a pu piéger cet ascen…
-Quoi ? l’interrompit le comptable. P… piégé ? Avec… une bombe ???
-C’est possible, lui dit 47 sur un ton calme. C’est pour ça que je dois vous demander de…
DING !
Le comptable se rua à l’extérieur dès l’ouverture des portes, et les secrétaires suivirent rapidement. L’électricien, quant à lui, frôla 47 avec un œil interrogateur, l’air sceptique. Hitman n’y répondit pas, et bloqua l’accès à un homme d’affaire au costume clair qui voulait entrer dans l’ascenseur.
-Problème techniques, fit 47 juste avant que les portes ne se referment.
Il appuya sur le bouton de l’étage 85, puis leva rapidement les yeux vers le plafond alors que l’ascenseur commençait à gravir rapidement les paliers. Il repéra vite une poignée, qu’il poussa dans un petit bond. La trappe s’ouvrit dans un bruit violent, comme un coup de feu, et s’écrasa sur le haut de la cage. Le tueur y accrocha ses mains, puis s’y éleva rapidement, non sans peine, du haut de sa quarantaine. Puis, lentement, il referma la trappe, doucement, et observa les ténèbres au-dessus de lui, se demandant à quelle distance se trouvait réellement sa prochaine cible. Il ne restait plus qu’à attendre la petite montée de 50 étages…

Chapitre XV: Money

Il l’avait prévenu ! Bon Dieu, Beldingford était un malfrat décidément très mal organisé… s’il continuait ainsi, la couverture de Hitman ne tarderait pas à être compromise. Celui-ci, marchant dans l’ombre d’un tunnel souterrain, hurlait dans sa radio :
-Je me fous de savoir ce qui est arrivé ! Passe-moi Beldingford !
Peter était tendu, Code 47 encore plus. Si le jeune homme de main avait vu son visage plongé dans la pénombre du tunnel et de sa propre colère, il aurait probablement accéléré le pas. À côté du tueur, une bouche d’égouts, ouverte, laissait entrer un filet de lumière éblouissante, remplie de poussières en tout genre. L’endroit était insalubre, tagué de partout, et l’odeur était insupportable. Ce qui n’était pas pour irriter Hitman.
-C’est la deuxième fusillade de ce genre à cause de son manque de professionnalisme ! Je dois lui parler, et je vais lui parler. Si ce n’est pas le cas, tu peux commencer à creuser ta tombe petit, je ne vais pas me faire attendre…
-Bien, bien. Il est en pleine discussion avec un… client, mais je vais vous le passer, par appel indirect.
Il boucla. Hitman rangea sa petite radio, et sortit son CZ 2000, qu’il avait trouvé dans la petite armurerie que Peter lui avait léguée, dans un sac de sport. Il le soupesa, observa son reflet noir sur la culasse longiligne de l’arme, puis tira celle-ci vers l’arrière, pour vérifier que la balle était bien dans la chambre. Elle l’était, et d’après son poids, le chargeur éteint plein : parfait. Mais une douleur lui perfora l’abdomen, et il mit sa main à son ventre, grognant de douleur, se forçant à ranger son arme bien que n’importe quel ennemi pouvait le surprendre durant ces quelques instants de faiblesse. Il enleva le haut de veste, et observa quelques instants la tache rouge qui s’était agrandie sur tout le côté de sa taille. Ce n’était qu’une égratignure, la balle l’ayant traversé, mais le sang lui coulait sur la jambe et lui collait les pantalons à la peau. Il prenait de l’âge, il devenait faible, et ce n’étaient ni une perte massive de sang ni le fait de jouer au Petit Poucet avec sa propre hémoglobine qui allait l’aider. Il enleva la chemise tâchée, la roula en boule et la jeta dans les vagues puantes et remplies de déchets qui sillonnaient derrière une petite barrière, disparaissant dans l’ombre derrière une grille. Les rayons solaires illuminèrent sa musculature, qui même si elle était devenue moins impressionnante à la quarantaine, était restée solide et largement assez utile contre n’importe quel ennemi, son réel atout au combat étant avant tout son sens des priorités et sa maîtrise de l’art du combat… et du meurtre. Ses instincts développés au fil du temps, son intelligence, telles étaient ses réelles armes. Tandis qu’il désinfectait la plaie avec de l’alcool, sans geindre le moins du monde, la radio recommença à émettre.
-47, vous êtes là ?
C’était Beldingford. Lentement, Hitman laissa de côté la bande de gaze et le pansement dont il comptait se servir et saisit le récepteur.
-Oui.
Il observa sa blessure, qui ne semblait pas nécessiter de manière urgente de points de sutures, et appliqua le pansement, puis commença à dérouler la bande, tenant la radio entre sa tête et son épaule.
-Qu’est-ce que vous voulez ? demanda Beldingford d’une voix crue. Vous savez que je suis occupé.
-Si je ne suis plus là pour vous, ce seront Interpol et le FBI qui vont s’occuper de vous. Et pour l’instant, ce que vous me proposez n’est pas assez.
-Vous voulez que j’augmente votre salaire ?
-Non. Je veux un terrain complètement déblayé avant d’entrer en jeu.
-Qu’est-ce que vous voulez, exactement ?
-Je viens de vous le dire. J’exige autant une excellente protection que travailler dans mes règles. Je vous avais prévenu que travailler à Manhattan serait dangereux.
-Nom de Dieu 47, il s’est passé quelque chose ?
Hitman commença à enrouler la bande autour de son corps, la faisant passer autour de lui avec une étrange habileté. Mais il ne répondit pas.
-47 ! continua Beldingford. Que s’est-il passé ?
-On dirait que Lenny James est toujours sur mes traces. Vous avez fait vérifier le faux passeport ?
-Celui de Bradley Kyle ? Un de mes contacts l’a fait authentifier il y a deux mois !
-C’est trop. D’ailleurs je l’ai utilisé plusieurs fois. Trouvez-m’en un autre.
Il finit d’enrouler la bande, puis déchira un morceau de sparadrap et finit ainsi de soigner sa légère blessure.
-D’accord, mais ça ne répond pas à ma question ! Vous avez eu des ennuis ?
-Les forces d’interventions sont entrées dans l’immeuble. J’ai été obligé d’en tuer trois.
Un silence, révélateur. L’assassin empoigna le haut de son costume, vérifia qu’il n’y avait pas beaucoup de sang dans l’intérieur noir, et enfila rapidement le tout.
-Je vois… mais vous auriez pu limiter les pertes !
Sa voix, au départ calme, s’était muée en un terrible rugissement.
-C’était le minimum pour pouvoir m’enfuir. Si j’avais voulu réellement avoir toutes les chances de rester en vie, j’aurais tenu l’un de ces gars en otage et me serais servi de son fusil en même temps… puis j’aurais probablement repeint les murs avec les entrailles de ces flics. C’est uniquement, purement et simplement votre faute.
Il boutonna son costume, et rangea sa cravate rouge dans une de ses poches. Il n’avait plus de chemise en dessous… c’était presque préférable avec cette chaleur, au-dehors !
-Bien, fit Beldingford d’une voix soudain plus calme. Je vous où vous voulez en venir. Je vais faire réviser tous vos faux passeports et pièces d’identités, vous faire transiter uniquement par jet privé et voitures avec chauffeur de confiance.
-Parfait, répondit Hitman d’une voix neutre. Envoyez un chauffeur m’attendre dans le parking souterrain de l’immeuble, dans une voiture d’une marque allemande, qui écoutera de la musique techno… si je ne suis pas là-bas demain matin, je suis mort ou je me suis fait pincer. Maintenant, si vous permettez, j’ai un contrat à finir.
Sans dire un mot de plus, il lança la radio dans les flots dégoûtants et commencer à remonter vers la surface, le soleil lui éblouissant le visage.

Lenny James venait d’avaler un gobelet de café noir et sans sucre d’une traite, et avait aboyé à Mike, d’une haleine dont celui-ci dut se souvenir longtemps, d’aller lui en chercher un autre. Forthy était à côté de lui, pensif. L’agent d’Interpol se tourna vers lui, soudain plus calme, prêt à prendre les directives pour stopper 47 :
-Inutile de continuer à chercher ici, il est en liberté dans Manhattan. Alertez les commissariats de l’île, d’Harlem, du Queens, de Brooklyn… tous ! Faites organiser des barrages aux ponts qui enjambent l’East et l’Hudson River, faites patrouiller des navires dans la baie et des hélicoptères autour des toits des gratte-ciels… il ne faut pas le laisser s’enfuir !
Forthy, assis sur une chaise à côté de lui, se contentait de l’observer d’en bas, les yeux levés, comme un malentendant qui n’avait pas compris ses paroles. Il mit un certains temps à répondre, se redressant lentement sur son siège.
-Je crois qu’il est tout aussi inutile de discuter avec vous, finit-il par dire d’une voix calme. Vous devez aussi bien savoir que moi, vous avez travaillé ici il me semble, que faire mobiliser toute la police de New York pour retrouver, dans une ville de plus de sept millions d’habitants, un tueur à gage normalement décédé alors que les fusillades, les règlements comptes et les trafics de drogue font rage dans la rue est totalement et tout bonnement impossible. C’est une ombre qui nous a échappé, pas un idiot déguisé en sapin de Noël.
L’argument de Forthy avait fait choc dans l’esprit de Lenny James, et un long frisson, malgré la chaleur, lui remonta le long de la colonne vertébrale. La persévérance faisant partie intégrale de sa vie, si ce n’était sa vie toute entière… Code 47 lui avait échappé de nombreuses fois, et il savait que chacune pouvait être la dernière. Et il se trouvait à nouveau dans l’impasse, démuni, ne sachant pas si une pareille opportunité se représenterait un jour. Il ne voulait pas échouer… ne pouvait pas échouer. C’était également le dernier moyen de prouver à Interpol que le tueur à gages était encore en vie. Ses supérieurs lui demandaient chaque jour des preuves de son activité, des rapports, et la tension entre le molosse et le reste du réseau devenait très tendue. Mais prouver qu’il n’était pas mort, et l’arrêter, étaient autre chose qu’une simple question de place de travail, c’était devenu une chasse, une poursuite enragée dont le seul moyen d’en sortir était d’en être le vainqueur. S’éloignant de ses pensées sur son importance au sein d’Interpol et de ses convictions intimes, il allait prendre le café que lui tendait Mike, revenu rapidement de la machine, quand son téléphone portable sonna dans sa poche. Il laissa le café dans la main tendue de l’informaticien, qui resta dans cette position d’un air idiot, ne se risquant pas à boire le café du patron, alors que celui-ci sortait l’appareil de sa poche.
-Lenny James, fit-il d’un ton neutre en mettant le téléphone à l’oreille.
-Ici Carl, fit une faible voix d’homme. La police vient de retrouver l’uniforme de Jefferson dans la rue, je l’entends sur leur fréquence.
Au même moment, la radio de Forthy grésilla ; James eut un sourire.
-Quoi, encore ? demanda-t-il d’un ton posé.
-On a peut-être une piste.
Il l’écouta attentivement, alors que Forthy tentait de lui annoncer maladroitement que 47 se baladait en ville sans son uniforme de Swat.

En haut de son appartement, Dougall avait fini d’observer l’agitation qui avait lieu en bas de la rue, toujours accoudé sur la rambarde, l’air pensif.
-On dirait que la police a quelques problèmes, fit-il alors qu’Edward sortait sur la terrasse.
-J’ai fini de préparer les affaires pour le voyage vers Berlin, dit celui-ci avec une certaine peur dans la voix.
-Bien… faites-moi couler un bain, je vais aller prendre un whisky.
S’éloignant lentement de la petite barrière, Dougall s’avança dans son living-room, et ouvrit avec précaution le tiroir d’un petit buffet, qui contenait de l’alcool en tous genres. Boire était, pour Dougall, un moyen d’oublier ses soucis durant un instant, et le stress intense qui pesait au-dessus de sa tête. Il écarta les bouteilles de gin et de vodka, et pris délicatement celle de whisky, saisissant ensuite un fin petit verre en cristal. Il fit couler le liquide dans le verre avec adresse, puis rangea le tout de manière toute autant attentionnée, avant de partir s’asseoir dans un canapé de couleur rouge foncé. Le living-room semblait énorme, mais ce n’était en fait que la décoration, épurée, qui donnait cette impression. La moquette était de couleur claire, beige probablement, et les murs blancs décoré par quelques endroits de tableaux en tous genres, autant modernes et particuliers que classiques et impressionnants, dont un de Dougall lui-même à la Andy Warhol. Il lui avait été offert par un homme d’affaire irlandais, après que le requin de la finance ne lui ait conseillé de vendre à un prix plus que risible des dizaines d’actions d’American Airlines… deux semaines avant le 11 Setpembre. Bien sûr, ces prix plus que risibles étaient tout de même supérieurs à ceux auxquels on vendait les actions après les attentats, et l’Irlandais, même s’il n’avait jamais flairé la bonne affaire, lui avait également fourni assez de scotch pour le restant de ses jours. Dougall eut un petit sourire entre deux gorgées d’alcool, en y repensant. Son succès…
Il avait engagé, dix ans plus tôt, un expert en informatique qui l’avait connecté à Internet et à tous les réseaux d’informations mondiaux… Dougall était plus qu’un simple homme d’affaire, c’était un homme qui avait le pouvoir sur le monde, d’une certaine manière, sur son petit monde de Wall Street. Le réseau que cet informaticien, qui avait mystérieusement disparu quelque part en Alabama un mois après son installation, lui permettait d’observer toute la documentation des agences du monde entier. Les connections aux ordinateurs du monde entier étaient considérées comme les plus efficaces jamais réalisées par son créateur, même aux débuts d’Internet. Elles étaient invisibles, impossibles à détecter, et après dix ans d’intenses manipulations informatiques dans toutes les agences mondiales, en découvrir l’existence était devenu quasi-impossible. Dougall avait le pouvoir de connaître les décisions de toutes les agences gouvernementales américaines, de tous les gouvernements au monde… de tous les ordinateurs connectés sur cette planète. Il but une autre gorgée de whisky, observant le ciel dégagé à travers les larges baies vitrées de l’appartement. Il savait quoi vendre, quoi acheter, qui manipuler, avec qui devenir associé… il était devenu le monarque absolu d’un empire en allant espionner tous les paysans du bas pays. Son réseau avait suivi les progrès d’Internet sans problème, et il était encore dans son état initial : parfait. Son créateur était un génie. La seule chose que Dougall avait réellement pu prévoir, c’était l’importance de l’informatique.
D’après l’IRS (le fisc américain, ndla), sa fortune se montait à six milliards de dollars… en vérité, c’était le quintuple. Il éclata de rire au beau milieu de son appartement, songeant au fait qu’il avait caché les fichiers informatiques contenant l’argent numérisé des comptes en question du cœur même du réseau de l’IRS… Il était intouchable, il était invincible.Du moins c’est ce qu’il pensait.