samedi 15 décembre 2007

Chapitre XII: Connexion

Hong Kong, 7 Juillet 2008

La planque de Hong Kong était, comme quasiment toutes les planques de l’Agence, au dernier endroit où l’on penserait fouiller. Ni dans les milieux riches, ni dans les trop défavorisés, ni trop dans la lumière, ni trop dans l’ombre, partout et nulle part. Cela faisait un bout de temps que Code 47 n’était plus revenu dans la cité asiatique, et il lui fallut un peu plus de temps que prévu pour dénicher la planque, calée quelque part entre une petite boulangerie et des immeubles locatifs, sous le couvert d’un dépôt de fournitures immobilières, des banderoles au couleurs vives et des lampions projetant une faible lumière pendant à ses côtés. Pour ne pas éveiller les soupçons, le tueur partit s’asseoir sur un banc de l’autre côté de la rue pour l’observer minutieusement, au-dehors d’un petit parc, qui cachait malgré lui une étrange camionnette, au milieu de quelques arbres.
-Mike, il est là depuis combien de temps ? fit Lenny James en refermant la porte arrière du véhicule, deux cafés entre les doigts.
-Sans sucre hein…
-Oui oui ! dit James en posant si fort le gobelet à côté de l’informaticien que le breuvage coula sur le petit bureau, pour finir par goutter sur le sol.
-Bordel fais attention ! s’écria Mike. C’est un équipement de pointe, si on bousille tout ça, on va nous…
Mike était l’une des rares personnes sur terre à ne pas craindre Lenny James, probablement parce que c’était l’un des meilleurs spécialistes en informatique d’Interpol et que James ne pouvait se passer de lui. Celui-ci lança son implacable regard noir vers l’homme aux lunettes, qui s’était légèrement détourné de ses écrans pour tenter de lui faire la morale, et il ne put que s’arrêter de parler en gloussant, pour finir par prononcer quelque minable excuse. Ils avaient envoyé leur troisième élément à l’extérieur pour filmer Code 47 depuis un immeuble des environs, et il semblait n’avoir rien remarqué.
-Il est sur ce banc depuis une heure et demie, avec une large casquette sur la tête.
-Sûrement pour éviter qu’on ne le démasque avec son crâne et son code barre, fit James, buvant une gorgée de café.
-Mais ce n’est pas tout… il a changé au moins six fois de position depuis ce matin ; il surveille le coin depuis huit heures maintenant.
-Il doit être sur un nouveau contrat.
-Le boulanger peut-être ? fit Mike avec un sourire niais.
James ne cilla pas, et se contenta d’hocher la tête, l’air idiot, avec un sourire large et faux sur le visage. Le sourire de l’informaticien s’effaça alors rapidement, comme d’habitude.
Il faisait froid sur le banc, et la nuit n’allait peut-être pas tarder à tomber. Tout comme à Moscou, les gardes de la planque ne sortaient que quelquefois par jour, pour acheter de quoi manger, et rentraient aussitôt dans le dépôt. Depuis ce matin, il y avait trois différentes personnes qui étaient venues acheter de quoi se nourrir, toutes semblaient armées d’un petit pistolet sous leur veste, du moins vu de loin, et chacun avait cet air sérieux et professionnel typique de l’Agence. Quand, pour la quatrième fois de la journée, un homme sortit du dépôt, la crosse de son arme bien visible sous sa veste ouverte (et 47 s’étonna de voir que l’Agence n’engageait plus avec autant de sévérité qu’avant), l’assassin silencieux se leva lentement de son banc, attendit avec un calme exemplaire que l’homme fût entré dans la boulangerie, puis traversa la route déserte.
-On dirait qu’il se dirige vers la boulangerie… je te l’avais bien dit ! s’écria Mike.
James était sur le point d’exploser, mais se contenta de se saisir du café de l’informaticien et de le vider d’un trait.
-Hé, mais c’était mon café !
-Plus maintenant. Regarde, il entre dans le dépôt de meubles. On a des infos là-dessus ?
Rapidement, Mike se tourna vers un deuxième clavier, et se connecta sur la base de données d’Interpol, ayant en quelques secondes confirmation.
-Hum, non, rien.
-Même dans le trafic de drogue, un crime dans le coin… ?
-Non, rien.
-C’est un peu trop immaculé pour que 47 s’y pointe.
-On agit ?
James fit une grimace.
-C’est hors de notre juridiction… et on n’a pas de preuve évidentes ! D’après la base de donnée, n°640509-040147, alias Hitman, est mort en 2000 ! J’ai beau avertir Scotland Yard ou Interpol, rien n’y fait. On attend, donc.
Mike garda la mâchoire serrée, l’air interdit, et ajouta dans un micro, comme pour donner de l’importance à une situation qui leur échappait :
-Lily, tente de trouver un autre endroit d’où filmer, on n’aura plus beaucoup de résultats d’où tu es.

Le dépôt était petit, mais suffisamment large pour qu’on y case de nombreuses caisses et autres meubles sous de larges protections en plastique transparent. La halle était faiblement éclairée, et quelques larges lampes au plafond suffisaient pour voir où l’on mettait les pieds, tout en augmentant de manière fantomatique les ombres de tout ce qui se trouvait dans la large pièce. Lentement, Hitman observa les environs, cherchant une caméra de surveillance, et en trouva deux, qui pointaient dans la même direction, chacune cachées derrière un tas de caisses. Il se risqua à jeter un coup d’œil, mais n’entraperçut rien d’autre qu’une simple armoire… sans aucune protection. L’entrée avait changé depuis sa dernière visite, mais l’Agence était toujours aussi ingénieuse. Rapidement, il partit se placer derrière le battant de la porte, toujours ouvert, puis sortit de sa poche un large mouchoir blanc, qu’il plia dans le but d’y verser du sédatif, trouvé dans une quelconque pharmacie en ville. Il rangea la bouteille, et attendit calmement dans l’ombre que sa cible s’approche. Au bout de quatre ou cinq minutes, il entendit des bruits de pas pressés venir du trottoir, au dehors. 47 se glissa alors rapidement derrière une caisse, accroupi, et tout en dévissant le bouchon de la bouteille, observa l’homme entrer, poser le paquet rempli de croissants et autres pâtisseries sur le sol, et commencer à fermer la porte. Il n’entendit pas l’ombre se glisser derrière lui, et sentit juste une douce sensation de légèreté quand on lui pressa le mouchoir sur le nez et la bouche. Il tenta de crier, de se débattre, mais ne put que parvenir à tomber dans l’agréable inconscience d’un sommeil forcé. Hitman traîna le corps du jeune asiatique dans un coin du hangar, puis le laissa tomber et s’approcha d’une large armoire entourée d’une protection en plastique uniforme, totalement identique aux autres, comme un clone. D’un geste précis, il l’enleva, ouvrit la porte et y déposa l’agent, avant de lui prendre ses vêtements. Puis il referma la porte de l’armoire, sans toutefois remettre la protection ; le pauvre bougre serait bien obligé de s’enfuir. Si on l’oubliait là-dedans ou qu’il asphyxiait, il aurait l’Agence sur le dos. L’homme avait un bonnet, et 47 fut heureux de le caler sur sa tête nue, affalé d’une simple veste en cuir cachant son 9mm et d’un pantalon en jean tout ce qu’il y avait de plus normal. Puis il se dirigea vers l’entrée du dépôt, ferma la porte et saisit le paquet du boulanger, se mettant ensuite à marcher jusque vers l’armoire visée par les caméras. D’une main experte, il saisit la poignée ronde, pour se rendre compte que la porte ne s’ouvrait pas. Il était devant les caméras ; il était un agent de l’Agence en faction dans la planque qui savait comment entrer. S’il ne l’était pas, sa couverture et sa seule chance de trouver la taupe de Beldingford étaient foutues. Mais il remarqua bientôt qu’il suffisait de la tourner, et en moins de quelques secondes, il s’était engouffré dans l’armoire, la porte lentement refermée derrière lui. À l’intérieur, c’était le noir total, et il se demanda s’il n’avait pas à nouveau commis une bourde quand il trouva, en tâtonnant au bout de trente secondes, un interrupteur au plafond. Il l’activa, et une lampe s’alluma bientôt, alors que toute l’armoire semblait se mettre à bouger ; un ascenseur. 47 faillit esquisser un sourire devant cette situation inhabituelle, mais il se ravisa dès que l’étrange cage se fut stoppée et que la porte à deux battants s’ouvrit devant lui. La planque s’était modernisée. Le sol était fait d’un vieux parquet, mais les murs étaient désormais en briques neuves et rougeoyantes, de larges lampes à néon éclairant parfaitement la petite fourmilière qui se dressait face à lui. La salle devait faire dix mètres de long sur six, avec une hauteur d’au moins trois mètres, d’où partaient une multitude de couloirs. Le tout aurait été parfait, si des caméras supplémentaires n’étaient pas venues s’ajouter, ainsi qu’une rangée d’ordinateurs et de techniciens. La pensée des sous-sols soviétiques de St Petersbourg ne put s’empêcher de lui traverser l’esprit, alors qu’il posait le paquet des mets du boulanger à côté d’un ordinateur, et que tous les agents se ruaient déjà dessus. Il se dirigea rapidement dans un couloir à sa droite, et passa sous une petite caméra, une caméra comme il en avait déjà vu des tonnes, une de ces caméras comme celle qui l’avait coincé un jour au Portugal.
« 47, votre contrat d’aujourd’hui est plutôt simple : notre cible est un cuisiner, nommé Rùben Danilo. »
Ce jour-là, installé dans une petite maison de campagne au bord de la mer, observant la vidéo sous le bruit des vagues et des oiseaux, Hitman ne s’attendait pas à finir hors de l’Agence. C’était quelques semaines après la fin de ses ennuis avec le père Vittorio ; c’était sa première rencontre avec Lenny James.
-Il est cuisinier en chef dans un restaurant de Lisbonne, et semble profiter de sa position privilégiée pour faire main basse sur ses ennemis et ensuite racheter leurs établissements, augmentant ainsi de manière astronomique sa fortune. On lui attribue la mort accidentelle de quatre célèbres cuisiniers européens… dont deux liquidés par nos agents, il est donc connu de nos services, mais comme client. Cette fois-ci, il semble que ce soit l’inverse, mais ce n’est pas notre problème, comme toujours. Notre commanditaire nous donne un bonus plutôt agréable s’il meurt devant les yeux de tous, lors d’une conférence entre les grands noms de la cuisine européenne, qui doit avoir lieu ici même, dans la capitale. Pour ce, nous vous avons préparé de quoi vous aider… Bonne chance, 47.
Hitman avait tourné la tête vers le sachet qui contenait une poudre étrange. De la drogue, du poison ? Il s’était approché de l’étiquette, l’avait lue et s’était soudain demandé qui était le sadique qui avait donné de l’argent pour ce contrat.
Il s’était glissé comme invité, sans armes à feu, lors de la conférence. Un chef italien était alors en train de préparer un met bien de chez lui, mais Hitman ne s’en souciait guère. Après quelques repérages, il avait repéré les cuisines. Remarquant que les serveurs avaient le droit de s’y introduire, il en avait assommé un dans un coin sombre. En quelques dizaines de seconde, il s’était habillé de son costume rouge sombre avec chemise blanche et nœud papillon noir, des gants étincelants au bout des doigts. Parfaitement méconnaissable, un plateau entre les mains, il s’était introduit dans les cuisines, là où les ingrédients de la recette de Danilo étaient préparés. Après s’être assuré que personne ne regardait, il avait trafiqué la salière, et remplacé le sel en question par la poudre qu’on lui avait donnée. La chose qu’il n’avait pas vue, c’était cette caméra au-dessus de lui. Lorsqu’il était reparti, et que Danilo avait commencé sa recette devant la foule, on s’était aperçut trop tard que quelqu’un était venu en cuisine. Hitman était déjà sorti quand la salière laissa tomber dans l’eau qui était en train de bouillir le concentré de potassium. D’après Diana, le commanditaire était ravi, et ce n’était pas le titre « La recette explosive de Rùben Danilo» du journal national qui avait paru le lendemain qui l’avait déçu ; la prime du tueur avait doublé. Hitman serait bien reparti de Lisbonne si, le jour suivant, un homme aux cheveux gris n’avait pas frappé à sa porte…
« -Qui est-ce ? demanda le tueur au travers du battant.
-J’ai quelques questions à vous poser, fit la voix.
Mauvais signe. Très mauvais signe.
Rapidement, Hitman prit son argent, les informations que Diana lui avait remises et son Silverballer silencieux, pour ensuite demander, la porte toujours fermée :
-À propos de ?
-Monsieur, ouvrez la porte, j’aimerais vous parler.
-Désolé mais je n’attends personne… répondit 47 d’une voix neutre, tout en étant légèrement stressé.
Il ouvrit un petit sac à dos noir dans lequel il fourra rapidement tous les papiers concernant la cible, qu’il aurait pourtant dû brûler dans la cheminée comme il le faisait d’habitude, ou les jeter dans un égout. Il y jeta également les liasses de billets qu’un contact de l’Agence lui avait donné quelques heures auparavant, les intérêts compris. Soudain il crut apercevoir une ombre dans le jardin, puis une deuxième, qui s’extirpait de la haie avec précaution.
-C’est une urgence, monsieur !
-Désolé, je ne…
-Ouvrez la porte monsieur, Interpol !
Code 47 étouffa un juron, et se rendit compte un peu trop tard que des forces d’intervention entouraient la maison. Lorsqu’un premier agent le vit, de l’extérieur, arme à la main, il cria quelque chose en portugais au reste de l’équipe et, en quelques secondes, une demi-douzaine de grenades fumigènes brisèrent les larges portes vitrées du salon pour tomber un peu partout, commençant à remplir l’air d’une âcre fumée volubile. La porte fut défoncée avec fracas, et avant que le premier agent d’intervention ait eu le temps de faire le moindre geste, sa tête était déjà perforée violemment par une balle de Silverballer. Il s’écroula aussitôt en arrière dans une gerbe de sang alors que l’agent qui le suivait criait d’horreur, sa combinaison remplie de l’hémoglobine de son coéquipier. Rapidement, Hitman sauta derrière un canapé en vidant son chargeur en direction de la porte alors que les fumigènes commençaient à envahir toute la pièce, éliminant ainsi deux ennemis qui entraient, MP5 à l’épaule. Anticipant les réactions du reste des forces spéciales, il se coucha à terre, le sac à dos fortement accroché autour de ses épaules, tandis que le canapé se faisait trouer de parts et d’autres par les rafales des soldats ennemis, faisant voler mousse et tissu à travers la pièce enfumée. 47 laissa tomber son chargeur sur le sol, en saisit rapidement un autre, et pointa son arme vers un agent qui venait de dégainer dans sa direction, ne lui laissant pas le temps de faire le moindre geste, son corps troué de quatre balles dans un râle aigu, les quatre douilles tourbillonnant devant les yeux du tueur ; l’homme tomba à terre, sembla voir un spasme, puis 47 détourna son regard, la fumée commençant réellement à lui démanger les yeux. D’autres ennemis allaient bientôt arriver, il fallait se dépêcher de sortir. 47 se leva, quitta rapidement sa cachette, leva son pistolet vers un autre agent et lui tira deux balles dans la jambe. L’homme tomba en criant, et tenta d’aligner l’assassin silencieux alors que celui-ci se ruait dans la cuisine ; les balles perforèrent avec puissance la porte et le mur alors que Hitman entrait de justesse. Il se dirigea rapidement vers le réservoir de gaz, et ouvrit la vanne au maximum ; cette odeur mélangée à celle des fumigènes le fit vaciller. Il ouvrit rapidement la fenêtre et sauta, puis se mit à courir sur quelques mètres… pour se stopper immédiatement sur sa lancée, se retrouvant nez à nez avec un homme habile, armé d’un MP5. Le canon était à moins de vingt centimètres de sa tête, il était fait comme un rat.
-Revenu d’entre les morts, très cher ? lui fit l’homme.
C’était l’homme qui lui avait parlé à travers la porte. Un peu moins de cinquante ans, des cheveux gris et un regard froid mais d’une intense intelligence.
-Passe-moi ton arme, fit-il en lui prenant le pistolet des mains. C’est toi qui a fait le coup du sel à Danilo ?
Hitman ne cilla pas, ne répondit pas, se contenta de le regarder dans le plus profond des yeux.
-Réponds ! C’est toi qui t’es introduit dans les cuisines pour mettre de la matière explosive dans la salière ?!
Le tueur détourna les yeux. Aucun regard. Aucune réaction.
-RÉPONDS !
Aucun souffle. Pas une once de vie dans les gestes du tueur.
-Bien… fit James, pensant pouvoir utiliser les mêmes méthodes sur 47 que sur les malfrats avec qui il traitait la plupart du temps, voulant lui administrer une balle dans le pied.
Mais alors qu’il baissait son arme en direction des jambes de Code 47, celui-ci avait écarté la mitraillette d’un puissant coup avec sa main, et Lenny James avait malencontreusement mis le doigt sur la détente. De la rafale, une balle avait atteint le rebord de la fenêtre de la cuisine, provoquant ainsi une minuscule étincelle ; celle de trop. Avant que l’assassin silencieux ou l’agent d’Interpol ait pu faire le moindre geste, une intense lumière les aveugla, et un souffle puissant les projeta à terre. L’impulsion fit littéralement s’envoler tous les soldats d’élite qui se trouvaient à moins de dix mètres avant même que le feu ne commençât à consumer les murs. L’explosion ravagea la moitié de la maison, provoquant une boule de feu rougeoyante au niveau de la cuisine ; les murs furent soufflés, le toit se perça de manière étrange pour laisser sortir les vagues de feu et toutes les vitres de la maison furent éparpillées au quatre vents. Lorsque la boule de feu avait disparu, c’était pour rapidement laisser place à un trou béant, une colonne de fumée noire et des débris tombant par dizaines autour de la maison. Quand Lenny James se réveilla, la tête lourde, Hitman était parti, et il ne restait plus qu’un beau ciel bleu et de la fumée s’élevant jusqu’au lointain. »
Une autre caméra.
Hitman haïssait les caméras depuis ce jour-là. Diana s’était montrée furieuse : neuf agents d’intervention de la police de Lisbonne avaient été tués, et il avait depuis Lenny James sur le dos. Et ici, les caméras étaient omniprésentes. Il y en avait sur tous les murs de brique, et il espérait que sa venue ne serait pas trop remarquée, car de toute façon elle ne passerait pas inaperçue. Il trouva une porte, sur sa gauche, et se mit difficilement dans l’angle mort d’une caméra pour observer la pièce depuis la serrure. Un genre de dortoir, avec trois lits, peut-être une pièce de repos. Un seul homme dormait, il était inutile d’entrer ici. Continuant sa route parmi le labyrinthe dans les sous-sols de Hong Kong, il finit par remarquer que tous les fils accrochés au murs convergeaient vers une même pièce. Passant sous la caméra qui filmait la porte de la pièce en question, Hitman en profita pour débrancher le fil qui la maintenait en vie. Il s’approcha alors rapidement de la porte, et mis son oreille contre le battant, pour entendre le bruit caractéristique d’ordinateurs en chauffe. La porte était fermée ; la serrure était trop étroite pour regarder. Il sortit vite de sa poche son matériel de crochetage, et commença l’opération. Au bout de quelques secondes seulement, l’antique serrure céda. Il ouvrit légèrement le battant, pour s’assurer qu’il n’y avait personne, et c’était le cas. Alors qu’il fermait doucement la porte, un garde venait rebrancher la caméra, à son insu.
À l’intérieur, la pièce était remplie de serveurs, mieux valait ne pas y toucher. Mais ils contenaient également toutes les infos dont l’ex-meilleur homme de l’Agence pourrait avoir besoin. Il sortit de sa poche un CD qu’il inséra dans un ordinateur, et commença à copier tous les fichiers qui l’intéressaient depuis la base de donnée, du moins c’est ce qu’il comptait faire.
« Données réservés. Veillez entrer le nom d’utiliser et le mot de passe »
47 ne put s’empêcher de jurer. BRO4887 était probablement désactivé, et même si ce n’était pas le cas, c’était trop risqué. Il avait vite appris à maîtriser l’informatique, mais le système de l’Agence était rudement corsé, néanmoins il n’était pas venu jusqu’ici pour tout abandonner. Rapidement, en quelques coups de codes informatiques, il arriva sur un menu, et arriva à accéder au système qui traitait les données, et la protection de données du système. Bien qu’ayant grandi toute sa vie sous les yeux attentifs des scientifiques à la solde de Ort-Meyer, et sans ordinateurs, il fallait avouer qu’il s’était montré très doué dans la manipulation de programmes et de systèmes, réussissant à entrer dans les recoins informatiques les plus complexes. Ici aussi, le codage était complexe, et Hitman commença à suer. Ses doigts tapaient frénétiquement sur le clavier, et faire une erreur maintenant serait fatale. Il tenta de désactiver le mot de passe des dossiers auquel il avait accès, mais c’était impossible depuis l’ordinateur de la planque de Hong Kong. Il dut se contenter de rentrer dans le système administrateur, chose qu’il réussit à faire au bout de huit minutes, en alignant avec ingéniosité les lignes de codes, pour créer un nouveau compte, ayant accès à tous les dossiers. Il serait rapidement découvert, en quelques minutes probablement, mais c’était le mieux à faire. Une fois qu’il put entrer le nouveau nom d’utilisateur, il désigna rapidement tous les dossiers qui les intéressaient ; le sien, celui de Gregorovitch, tous ceux des chauffeurs et autres agents secondaires de l’Agence, celui qui contenait les informations relatives aux planques dans le monde, et même celui de Crooney, le trafiquant de drogue liquidé à Detroit. Le dossier de Diana ? Hitman y avait accès, et il ne put s’empêcher de pointer la souris dessus, il ne suffisait plus qu’à cliquer, pour savoir qui elle était réellement. Mais pourquoi ? La vengeance ? S’il voulait avoir l’occasion de prouver son innocence et de retourner à l’Agence, mieux valait ne pas y toucher. L’ordinateur chauffait fortement, et l’enregistrement du CD arrivait à sa fin, quand un message s’afficha en rouge sur l’écran :
« PIRATAGE, ACCES INTERDIT A DONNEES CONFIDENTIELLES »
-Merde !
47 appuya rapidement sur une touche, et le CD sortit du compartiment. Alors qu’il ouvrait la porte pour s’enfuir, une alarme résonna dans les couloirs. Rapidement, l’assassin plongea sa main dans la veste, pour en sortir son Beretta silencieux et le pointer vers la caméra. A l’autre bout des souterrains, dans la salle de sécurité, le technicien ne vit ensuite plus que des parasites sur l’écran de contrôle, bientôt suivis par d’autres sur un second écran. En quelques secondes, quatre caméras furent hors service, et il pouvait ainsi aisément, grâce aux caméras détruites, suivre la direction que prenait le tueur, qui courait à en perdre haleine à travers les sombres couloirs. Soudain, la porte de la salle de repos s’ouvrit, et l’agent qui y dormait en sortit, arme à la main. Avant qu’il n’ait pu faire le moindre geste, Hitman, qui arrivait dans sa direction en courant, lui claqua la porte au nez, et l’homme tomba dans l’ouverture, le visage en sang. Deux autres agents arrivèrent face à lui, également armé, et dégainèrent. Il ne restait plus beaucoup de munitions dans le Beretta, et il suffit d’une balle pour détruire le néon au-dessus de l’homme, plongeant une partie du couloir dans la pénombre. Hitman put ainsi éviter les tirs très peu précis d’un des deux agents, et lui envoyer un puissant coup de coude en passant à son niveau, puis poussant violemment l’autre ennemi contre le mur, qui s’écroula dans un grognement.
Il arriva enfin face à l’ascenseur et s’y engouffra, haletant. Alors que les agents en factions commençaient à tirer, les portes se refermèrent à temps, faisant ricocher en éclats lumineux quelques balles provenant de tirs précipités. Dans le noir de l’ascenseur-armoire, 47 respira un grand coup, et mit la main dans sa poche pour s’assurer que le CD était encore là, et c’était bel et bien le cas. Il profita de ces quelques secondes dans le noir total pour lui aussi fermer les yeux, et faire le vide dans sa tête et sa vie. Quelques instants de paix. En sortant, il utilisa ses deux dernières balles pour annihiler les deux caméras, puis repartit rapidement en direction de son hôtel, sous l’œil attentif de James, encore aux aguets, empli de nervosité dans sa petite camionnette. Le molosse avait les crocs acérés, et sa proie devenait de moins en moins prudente… mieux valait pour lui en profiter tant que c’était le cas.

Chapitre XI: Agir seul

Les ambulanciers sortirent le brancard sous l’œil médusé des passagers, saisirent le large sac en plastique noir qui contenait le corps et l’installèrent dessus. Les deux gardes du corps semblaient autant dépités que ridicules, n’ayant pas pu protéger leur patron d’un danger prématuré. La foule les observa entrer dans l’ambulance après qu’on y ait installé le défunt, on claqua les portes, et le véhicule partit de l’aéroport à vitesse moyenne, s’installant comme tout autre véhicule dans la circulation calme de l’été, sans même utiliser les sirènes. Une aller simple vers les cieux en toute discrétion. Au bout d’une dizaine de secondes, elle n’était plus qu’une masse informe dans la capitale américaine. Hitman observa durant quelques instants la voiture s’éloigner, calme comme à son habitude, son regard se portant ensuite sur le ciel bleu et sans nuages qui l’entourait. Il faisait bon vivre à Washington DC, il faisait beau et avait quelques jours de détente devant lui. Il jeta la capsule vide de cyanure dans une poubelle, leva la main pour interpeller un taxi et se promit de toujours se méfier du cognac.

Washington DC, 5 Juillet 2008

Déjà deux morts, deux cibles. Des cibles liées. S’il y avait une chose qui n’était pas bon signe dans le métier, c’était bien ça. Les coïncidences n’existent plus ; si deux cibles qui sont reliées par un lieu, un travail, une personne, ou pire encore, une idée, c’était qu’il y avait forcément anguille sous roche. Ici c’était le cas. Petersen, et Neill, les deux dernières cibles de Hitman… les deux uniques cibles de l’agent depuis son entrée au service de Beldingford. Celui-ci avait une idée derrière la tête, une idée folle, une idée à pour laquelle il avait été jusqu’à risquer que Code 47 pique une crise démoniaque suite à son départ de l’Agence. Il avait déjà perdu un homme, il savait que 47 était instable, et le gardait en sa possession ; c’était bien plus important que tout cela, et c’est probablement ce qui effrayait l’assassin silencieux.
Il était assis dans une chambre d’hôtel, quelque part dans Washington. Les lumières étaient éteintes, la nuit envahissait la pièce. Au dehors, les lumières de la capitale américaine, les bruits des voitures passant au pied de l’immeuble et peut-être, au loin, le sommet du Capitole. Le tueur était couché sur son lit, les bras derrière la tête, passant en revue et en sa mémoire tout ce qui s’était passé depuis l’incident Stepanov. Une chose était évidente : Beldingford avait une taupe à l’intérieur de l’Agence qui lui avait permis d’échanger les documents de Stepanov et Gregorovitch. James, le chauffeur ? Improbable, il s’était juste chargé de se faire passer pour un chauffeur envoyé par Diana. Non, c’était plus loin que ça ; la taupe devait y être infiltrée depuis longtemps, et c’est par là qu’il devait commencer. Si elle avait pris le risque de s’infiltrer dans l’Agence, c’était un homme de confiance. Si c’était un homme de confiance, il connaissait Beldingford. S’il connaissait Beldingford, il pourrait peut-être répondre à certaines questions, de la bonne manière, ou bien autrement.
Cette pensée le fit sourire.

Hitman avait un biper, et c’était étrange pour un personnage tel que lui. La chose un peu moins étrange, c’est qu’il ne l’allumait jamais. Il utilisait de toute façon le passeport de Bradley Kyle, le faux que lui avait fourni Beldingford ; s’il voulait l’atteindre, il lui suffisait de remonter les traces du document. Le lendemain, Code 47 prit donc l’avion en direction d’un des bureaux de l’Agence, à Hong Kong. Pourquoi Hong Kong ? Simplement parce qu’il ne savait pas où se trouvait le QG, et qu’il ne connaissait que quelques bases secondaires, dont celle de Moscou, où l’on devait encore se souvenir de lui… N’ayant pu cacher d’arme à bord de ses valises, il n’en prit aucune avec lui. Il pouvait briser une nuque avec ses mains, tuer avec une fourchette ou un stylo. Tant que son ennemi n’avait pas d’arme à feu où n’était pas un expert en combat, il n’avait rien à craindre. Durant le vol, il se cala dans son siège, et observa malgré lui, avec son instinct qui lui collait à la peau, chaque passager qui passait un peu trop près de son siège. On passa un film, un film minable, comme tout ce qui était fiction d’ailleurs, faisant partie de l’irréel et l’incitant à baisser sa garde. Le vol était long. Très long. Trop long. L’avion fit escale quelque part, ça n’avait pas d’importance, le fait était qu’il avait fait escale, qu’il avait atterri, qu’on avait pu s’infiltrer à l’intérieur ou le piéger à la bombe. Une bombe… grosse, petite ? Artisanale, de professionnel ? Accrochée à une roue, à une aile ? Incendiaire, à fragmentation ? A minuterie, à activation télécommandée ? D’un terroriste, d’un imbécile qui voulait voir un avion exploser ?
Alors qu’une fois de plus chaque possibilité de l’acte mortel, chaque détail qui aurait pu faire partie du meurtre parfait envahissait l’esprit de l’assassin, ses yeux se fermaient petit à petit. Fatigue, vieillesse ? Dans tous les cas : faiblesse, mais il ne put résister à l’envie de laisser ses yeux encore fermés juste deux secondes. Juste deux secondes. Et encore, et encore, et encore…
Sa tête fut lourdement secouée à l’atterrissage contre le dossier du siège et il se redressa vivement, les yeux fouillant son agresseur, les mains tendues, le visage encore enfui dans la fatigue. Il observa rapidement les environs et, en voyant sa ceinture détachée, il comprit pourquoi sa tête avait heurté le dossier ; l’avion s’était posé. Au-dehors, la nuit, mais de très fortes lumières de panneaux publicitaires qui prônaient en cette étrange langue asiatique des slogans probablement autant stupides et idiots que leurs homologues occidentaux. Alors que l’avion commençait à s’arrêter, Hitman attendit qu’au moins quatre personnes se lèvent pour ensuite sortir de la rangée ; il était pressé de marcher, il se sentait un peu plus vieux. Il n’espérait pas trop, s’il était inefficace, sa vie n’avait plus de sens, et il pouvait dire ce qu’il voulait, la mort l’effrayant quand même un petit peu depuis son accrochage à Paris. Il sortit rapidement de l’appareil pour s’engouffrer directement dans la passerelle et l’aéroport, autant bondé, autant stressé, autant vivant que chaque aéroport de la planète. Tous se ressemblaient. Il marcha rapidement jusqu’à l’entrée, et leva le bras avec lenteur devant un taxi qui passait. Il s’arrêta, et Hitman rentra à l’arrière du véhicule. Le chauffeur se tourna vers lui, et lui parla en chinois, lui demandant probablement où il voulait aller.
-Hôtel, fit sobrement Hitman en lui montrant une liasse de dollars.
Le chauffeur tenta de faire un sourire poli, hocha la tête, puis appuya sur l’accélérateur tout en observant une unique et effrayante fois son étrange client.
C’était l’hôtel le plus proche de la planque, quelque part dans les quartiers pauvres où s’exhalait une odeur d’épices provenant d’un restaurant en bas de la rue, calé entre un immeuble locatif délabré et une teinturerie qui, Hitman le savait, servait à faire transiter des armes en attendant le prochain cargo en direction des Etats-Unis. Il s’y était rendu avant d’entrer dans l’hôtel, avec une belle liasse de dollars américains ; la seule langue que parlent tous les marchands d’armes du monde. Il avait sur lui un simple Beretta silencieux, du 9mm… juste au cas où. Il n’espérait pas s’en servir. Du moins s’en servir ne lui posait pas de problèmes, mais sa tête était déjà bien connue à l’Agence, même dans les planques, et un ex-agent (viré qui plus est) revenu faire une vendetta était à coup sûr synonyme de mort pour lui. Diana avait dû passer l’éponge sur la planque de Moscou, il n’avait désormais plus de joker. D’ailleurs, il ne savait pas qui était exactement cette taupe… il connaissait la planque de Hong Kong car il avait dû y transiter après avoir terminé le contrat Lee Hong. Mais la personne qu’il recherchait pouvait très bien être quelque part en occident, en Afrique, en Amérique latine, en Antarctique… ou six pieds sous terre.
Toc toc toc.
-Qui est-ce ? fit Hitman d’une voix grave, ne détachant pas son regard de l’horizon, la chambre se trouvant au dernier étage de l’hôtel.
-Service d’étage ! fit une voix en anglais, au travers de la porte.
47 arracha lentement son regard sur les ombres de la ville, partit allumer la lumière et, tout en ouvrant la porte d’une main, pointa le pistolet contre son bois de l’autre. La porte était suffisamment ouverte pour repérer qui était venu, dans quel but, et la moindre bosse suspecte sous ses habits qui pouvait cacher une arme. C’était une simple femme, svelte et jolie, habillée selon les codes vestimentaires de l’hôtel, transportant un plateau sur lequel trônait une petite assiette remplie à ras bord de nourriture asiatique. Lentement, Hitman posa son pistolet sur un meuble tout proche, ouvrit la porte juste assez pour prendre le plateau puis, sans même un sourire ni un merci, claqua la porte au nez de la femme. Il le posa sur le meuble, à côté du Beretta, prit une fourchette et piqua un bout de viande. D’un geste calculé, comme si toute sa vie n’était que de successifs codes à suivre, il mit la fourchette dans sa bouche et commença à mâcher, mais il fit une grimace et recracha le met dans le reste du plat.
-Bouffe immonde…

-C’est lui ? fit l’informaticien.
-Nom de Dieu… c’était donc bien toi à Edimbourg, 47 !
Lenny James était planqué dans une petite camionnette, assez loin de l’hôtel pour que le tueur ne la voie pas de sa fenêtre, quelque part derrière le restaurant. Le véhicule était peu spacieux, mais assez pour permette d’y ranger trois personnes, et une multitude d’ordinateurs. Les écrans entouraient James et son acolyte à lunettes fines et noires, le visage fixé sur la vidéo qui passait en boucle. On y voyait clairement Code 47, l’air morose comme à son habitude, se saisir du plat et claquer la porte au nez de la caméra, le tout dans une qualité moyenne ; mais le visage de 47 et son attitude mettaient les points sur les I. La porte s’ouvrit, et la jolie femme entra, décrocha un étrange bouton de son habit de travail et le posa sur une petite table, à côté d’un scanner, de nombreux modem, câbles et autres appareils électroniques fournis par Interpol. Lenny James lui fit un chaleureux sourire, découvrant ainsi ses dents d’une blancheur quasi-parfaite, son bouc gris parfaitement taillé lui donnant une autorité qu’on ne saurait défier.
-Formidable boulot… on le tient, cette fois.

Chapitre X: Cartes sur table

Aéroport Roissy Charles de Gaulle, Paris, 4 Juillet 2008

-Votre passeport je vous prie, fit la jolie employée à l’embarquement.
Sans sourire ni même lui porter la moindre attention, Hitman lui tendit le papier, qu’elle lui prit rapidement des mains avec, quant à elle, un large sourire. Et lui rendit rapidement le document, après un léger coup d’œil.
-Bienvenue à bord, monsieur Zimmerman, vous êtes en première classe !
L’assassin silencieux ne fit pas un geste, prit le faux passeport et traversa le détecteur de métaux, qui ne fit aucun bruit. Sa corde à piano était indétectable, et il avait une capsule de cyanure cachée dans le talon de sa chausse gauche. Il était en avance, l’un des premiers dans l’appareil, et c’était tant mieux. Il se trouvait sur un des sièges de l’aile droite, direction couloir, parfait pour observer les passagers entrer. Pour cette fois, Beldingford avait effectué un travail exemplaire. Il attendit quelques minutes, pensif, scrutant le vide et pensant aux détails de la mission jusqu’à ce qu’une passagère d’âge moyen, empruntant le couloir, le force à rester sur ses gardes. Il prit un journal qui se trouvait dans la poche arrière du siège qui se trouvait devant lui, l’ouvrit et fit mine de le lire, son esprit dévisageant chaque passager qui entrait dans l’appareil. Neill n’était toujours pas en vue, et l’avion était presque plein. Était-il en retard ? Ca valait mieux pour Beldingford, si celui-ci avait encore commis une erreur, Hitman se chargerait de lui personnellement, et se contenterait de l’argent du contrat Petersen. Il grogna, et dut encore se lever pour laisser passer un homme, côté fenêtre. Puis il arriva, à bout de souffle, à l’entrée de l’avion, le visage rouge et l’air encore plus gros que sur la photo. Alors que l’image du Roi de la Viande lui traversait furtivement l’esprit, il remarqua également ses deux gardes deux corps, un Blanc et un Noir, tous deux plus massifs l’uns que l’autre. 47 se rassit, pris son journal et observa du coin de l’œil Gregory Neill s’asseoir une rangée devant lui, allée centrale, entouré par ses deux gorilles, tous deux portant un costume noir. On ferma la porte de l’avion, et il commença à se positionner sur la piste alors qu’une hôtesse expliquait les règles de sécurité. Quelques minutes plus tard, l’appareil s’élevait du sol, et on commença à parler un peu partout. Hitman tendit l’oreille, tentant de distinguer la voix de l’agent de la CIA des autres qui envahissaient son esprit.
« … restez sur vos gardes surtout, je ne veux pas que tout ça finisse en bain de sang. »
C’était lui, et d’après ce qu’il avait compris, ses gardes du corps étaient armés. Aucune issue pour lui en cas de pépin.
« Chef, nous sommes dans un avion, qui pourrait savoir tout ça ? »
« Je n’en sais rien… mais on n’est jamais trop prudent. Vous l’avez vu ? »
« Vu qui ? » fit l’autre garde.
Neill jura entre ses dents.
« Notre contact bon Dieu, qui d’autre ?! »
Un contact ? Hitman resta pensifs quelques instants, il se passait quelque chose ici, et il sentait bien que Beldingford n’y était pas totalement étranger.
« Non, pas vu » répondit l’un des gardes
« Très bien, ouvrez l’œil, vous savez à quoi il ressemble. Quand vous le verrez, demandez-lui s’il a en sa possession un jeu de cartes »
« Mais… on est là pour vous protéger non ? »
Cette fois-ci, l’agent ne put s’empêcher de hurler un ignoble juron au travers de l’appareil, et mettre un claque sur la tête de son garde.
« C’est un code merde ! » siffla-t-il entre ses dents.
« D’accord… autre chose ? »
« Oui, un cognac ! »
L’un des agents se leva et commencer à observer les passagers de l’appareil, tandis que l’autre partait en direction d’une hôtesse pour le cognac. Ce serait parfait pour le cyanure, se dit Hitman, mais c’était encore trop risqué. Le vol venait de débuter, il valait mieux le tuer vers sa fin. Durant quelques instants, il ne vit plus les deux gorilles, qui étaient chacun partis dans un côté opposé de l’appareil, jusqu’à ce que le Noir revienne dans sa direction. Il s’arrêta net aux côtés de l’assassin silencieux, se tourna vers lui et demanda :
-Bonjour, monsieur, auriez-vous un jeu de cartes à nous prêter ?
47 en eut le souffle coupé, la mâchoire serrée, se demandant encore ce que cet imbécile de Beldindford avait manigancé, quand soudain un simple jeu de cartes accompagné d’une main lui passa sous le nez. Gardant son calme, il attendit que le garde du corps le prenne entre ses doigts avec un sourire faux ; et tourna la tête vers le passager côté fenêtre. C’était donc lui le contact ! Il le dévisagea : la trentaine, des cheveux châtains, portant un costume clair et une carrure assez athlétique. Celui-ci se tourna vers cet étrange homme au crâne rasé avec cravate rouge, lui fit un petit sourire poli et observa le ciel depuis le hublot. Hitman resta calme. Il ne pouvait rien faire dans l’avion, il fallait attendre qu’il bouge, ou change de position. On lança un film américain de seconde zone, et alors que tout le monde mettait un casque sur ses oreilles, 47 faisait encore semblant de lire son journal, observant du coin de l’œil le massif agent qui revenait vers lui. Il tendit le paquet de cartes à son contact et lui dit :
-Il me semble qu’il manque une carte… le huit de carreau.
Toujours la tête dans son journal, Hitman observa le jeu passer devant lui. Le contact les feuilleta, jusqu’à ce qu’il trouve la carte en question qui était bien sûr présente dans le jeu. Il sortit un stylo, nota quelque chose et rendit le paquet en disant d’un air minable :
-Désolé… elle a dû tomber !
Le garde reprit le paquet de cartes et retourna s’asseoir.
« C’est bon, on a nos infos » fit Neill.
« Je vais lui rendre le jeu ? » demanda un garde.
« Tu as fini de recopier les infos ? »
« Oui »
« Alors vas-y »
À nouveau, le manège continua, le garde se leva, arriva près de la rangée où était assis l’assassin silencieux et rendit le jeu de cartes au contact en le remerciant.
« Maintenant, on a plus qu’à profiter du vol » dit Neill avec un air heureux. « Johnny, va me chercher un autre cognac »
Le garde du corps blanc se leva, et alla chercher le verre d’alcool, selon les ordres de l’agent de la CIA. 47 était, quant à lui, perdu dans ses pensées. Est-ce que ce petit tour de passe-passe avait un rapport avec l’ami de Bedingford ? C’était possible, et la CIA était on ne peut mieux placée pour les magouilles en tout genre. Mais son esprit méthodique lui disait le contraire ; si quelqu’un leur posait problème, l’éliminer n’en était pas un. Non, le problème était ailleurs, ça semblait ressembler à un échange d’informations, entre habitués. Il était encore en train de penser à tout cela quand le contact se leva, se dirigeant vers les toilettes. C’était le moment où jamais. Code 47 se leva également calmement et suivit l’homme avec précaution. Le contact entra derrière un petit rideau, dans une partie de couloir qui séparait les classes de l’avion. Hitman le suivit rapidement, les rideaux étaient tirés des deux côtés, il fallait agir maintenant. Alors que l’homme entrait dans les toilettes, 47 lui poussa violemment la tête contre le mur. Il y eut un bruit sourd, et la masse corporelle de l’individu tomba avec un bruit mat sur le sol. Le tueur entra dans la cabine et ferma la porte, puis vérifia que sa victime était encore en vie ; et elle l’était. Il fouilla dans la poche interne de sa veste, jusqu’à trouver les cartes en question. Il les feuilleta, et trouva les inscriptions sur le huit de carreau : « Cible n°42, 08.11.08, 14 :20 GMT ». Des informations simples : une cible à trouver, ou éliminer, une heure, une date. Aucun lieu. Hitman observa toutes les autres cartes mais sans succès, il n’y avait rien. C’était totalement illogique ! Le garde était revenu pour lui demander le huit de carreau, mais il était bien plus simple pour le contact d’avoir noté les informations auparavant, avant de donner le jeu de cartes ! Ca ne collait pas, vraiment pas. 47 grogna, et, dans sa colère, laissa tomber une des cartes sur le sol. C’est seulement en la prenant qu’il remarqua comme une ondulation sur sa surface, comme si la lumière la transperçait. Il la mit à la lueur de la lampe des toilettes : il n’y avait rien, mais elle était fabriquée dans un matériau transparent à la lumière. Voilà donc le secret de ces petits joujoux ! Il les leva toutes vers la lumière, et finit par en trouver trois qui correspondaient. Le huit de cœur, le huit de trèfle et le huit de pique. On y voyait précisément des photos, et quelle ne fut pas la surprise de 47 en les découvrant. L’une d’elle représentait une personne très maigre, une autre une personne que Hitman ne connaissait pas non plus, et la dernière… Petersen ! Il y avait un rapport entre ces personnes.
-Beldingford, espèce de chien, tu m’as encore manipulé !!!
Il tapa du poing comme le miroir des toilettes qui se brisa en toile d’araignée. De rage, il prit sa chaussure et en sortit la capsule de cyanure, se demandant s’il ne devait pas l’user sur sa propre personne pour enfin tout arrêter. Mais il se calma bientôt, et la rangea dans son Armani. Il savait désormais qu’il y avait anguille sous roche. Tranquillement, il remit le jeu de cartes dans la poche de l’homme encore évanoui, dans le même ordre qu’en les sortant, et lui versa de l’eau sur la tête. Il saignait du nez, et l’eau dilua son hémoglobine tout en ouvrant faiblement ses yeux. Il cria, et porta la main à sa tête. Pour ne pas paraître suspect, Hitman rouvrit rapidement la porte, comme s’il venait à son secours.
-Nom de Dieu, qu’est-ce qui s’est passé ?
-Il y a eu quelques turbulences, fit Hitman. On dirait que vous avez percuté le miroir de plein fouet…
L’homme tourna sa tête vers le miroir brisé, puis vers le tueur, et le dévisagea longuement.
-Merci… je ne vous aurais pas déjà rencontré par hasard ?
-J’étais assis à côté de vous, et j’ai vu que vous ne reveniez pas des toilettes.
-Ah, merci, fit-il d’un air faible.
Hitman se leva, et repartit s’asseoir avec calme alors que le contact de Neill essuyait le sang qui coulait sur son visage. Il garda en mémoire les photos, la date du 8 Novembre 2008 à 14 heures 20 GMT, et se demanda ce que préparaient ces hommes. Ils semblaient faire partie d’un groupe, et également continuer leurs activités même après la mort de Petersen. Beldingford ne lui disait pas tout, il ne jouait pas cartes sur table. Tant pis pour lui, il en subirait les conséquences.

Contrat: Neill


mardi 20 novembre 2007

Chapitre IX: Asphalte

Le conducteur du petit break bleu dut freiner d’urgence pour ne pas emboutir la limousine qui roulait à vive allure dans les rues d’Edimbourg, provoquant malgré lui un très dense carambolage lorsque le véhicule qui venait de par-derrière le percuta de plein fouet. Ce n’était pas le souci de 47 en ce moment-là. Il avait déjà perdu du temps en allant chercher la limousine… si Petersen lui échappait, cela ferait deux contrats à la suite de ratés, une première dans sa vie. Mais cela n’arriverait pas. En premier lieu parce que le tueur n’abandonnait jamais, en deuxième lieu parce qu’il vit la berline qui avait failli le percuter à la sortie du parking du Macdonald Roxburghe Hotel rouler devant lui. Petersen avait beau être à Scotland Yard, il ne conduisait pas autant bien que l’assassin silencieux… tant pis pour lui.
-Bon Dieu mais qu’est-ce qui se passe ? finit par demander le chauffeur du véhicule, crispé dans son siège.
-Je fais mon boulot, répliqua Hitman d’un calme étonnant.
-Mais on roule à contresens !
-C’est plus rapide…
Le chauffeur émit un petit cri et ferma les yeux alors qu’une voiture venant en sens inverse faillit les percuter. Code 47 conduisait habilement entre chaque véhicule, frôlant parfois les camions, et rayant la peinture de temps à autres. Le chauffeur finit par se mettre en boule lorsque, quand la limousine croisa de trop près un 4x4, le rétroviseur gauche fut mis en pièces, laissant juste pointer quelques fils électriques gondolant au vent. Une nuée d’étincelles voleta sur la route avec des débris de verre, mais 47 continuait à rouler à vive allure entre tous les véhicules qui klaxonnaient à tout va. Petersen était bien plus proche que ce qu’il pensait. Il avait encore quelques balles dans son pistolet, et il n’hésiterait pas à s’en servir. Malheureusement, la cible du tueur n’allait pas se laisser faire autant facilement, et prit une rue à gauche, que Hitman ne pouvait atteindre. Un petit muret séparait les deux voies, mais ceci ne l’arrêterait pas. Il freina et vira vers la gauche, passant de justesse devant une petite voiture, qui, freinant et tournant en même temps, fit plusieurs tonneaux sur la chaussée dans un déluge de métal. 47 l’ignora, appuya sur l’accélérateur et passa au travers du muret, détruisant ainsi totalement le pare-choc. Des bouts de bétons tombèrent sur l’asphalte en masse, la limousine quitta le sol un instant avant de retomber lourdement, laissant derrière elle un muret en ruine et de nombreux débris en travers de la route. Le chauffeur se remit à geindre alors que Code 47 empruntait la même rue que Petersen, devant au passage couper la route à quatre voiture, ce qui provoqua à nouveau un bruyant embouteillage.
-Bon Dieu, vous allez nous faire tuer ! cria-t-il.
-Si vous ne vous taisez pas, oui ! aboya l’assassin silencieux, désireux de garder sa concentration durant la poursuite.
-Mais on va se retrouver dans une carcasse fumante si vous continuez !
Hitman grogna, résistant à l’envie d’ouvrir la portière et de jeter l’homme sur la route. C’était son premier contrat pour Beldingford, et il n’avait pas su rester discret. Son employeur aurait dû l’avertir pour Lenny James, il n’avait pas l’air de mesurer l’importance de ce genre de détails. 47 se concentra sur la chaussée, sortant de son esprit les problèmes de bureau qu’il réglerait avec son employeur plus tard. Il mit la dernière vitesse et progressa rapidement entre les voitures, frôlant à nouveau toutes sortes de véhicules, mais la berline de Petersen toujours bien en vue. Le chauffeur s’était quant à lui réfugié sur la banquette arrière, où il servait un whisky pur malt, tentant de ne pas renverser son verre alors que Hitman virait de bord dans une ruelle étroite, juste assez étroite pour la voiture en fait. Il n’hésita pas un instant, sortit son pistolet, tout en tenant le volant d’une main, et tira deux balles à travers la vitre, mais ne put atteindre sa cible, et il avait désormais la vue bouchée par les impacts de 9mm à travers le pare-brise. Il prit le pistolet par le canon et commença à taper sur la vitre qui se fissurait de plus en plus. La ruelle prendrait bientôt fin et il risquait de se trouver dans la circulation avec une un pare-brise qui l’aveuglait. Cela prendrait trop de temps… il n’avait pas ce temps. Impatient, il tira deux autres balles à des endroits stratégiques de la vitre, qui se brisa en mille morceaux sur le capot et à l’intérieur de la voiture. Le chauffeur avait déjà fini son whisky, et s’en servait un autre en faisant trembler la bouteille, apeuré. Petersen partait vers un lieu inconnu, mais il devait à coup sûr avoir un sens pour lui, et Hitman ne devait pas le laisser faire. Il coupa à travers les voitures, prenant le risque de se faire percuter par un semi-remorque, puis tourna rapidement le volant pour couper la route à l’agent de Scotland Yard. Mais il n’était pas du genre à se laisser faire et, vitre ouverte, laissa entrevoir une arme dans le creux de sa main. Hitman, instinctivement, se baissa, alors que les balles percutaient la carrosserie et que la limousine faisait un tour complet au milieu de la circulation, ce qui profita à Petersen qui réussit à la semer. Le chauffeur, désormais affalé sur la banquette arrière, la bouteille de whisky entre les doigts et des débris de verres causés par les tirs de Petersen sur le corps, était en train de chanter, ne remarquant pas qu’il venait de faire dans son pantalon. 47, plus que jamais énervé, redressa la tête et mis le pied sur l’accélérateur, créant ainsi un épais nuage de fumée blanche derrière lui. Il ne fallait pas non plus crever un pneu, ou tout était foutu. Il fallait agir, et maintenant ! Son ennemi avait pris de l’avance, et se dirigeait, 47 le savait maintenant, vers le QG de Scotland Yard, tout simplement. Cela le renfrogna encore plus, et il dut se forcer à garder son calme au milieu de la circulation. Petersen était en train de le semer, de s’enfuir, de le faire échouer, de le tuer à petit feu. Mais, dans la précipitation, il fit une erreur, une erreur qui permit à Code 47 d’agir avec rapidité et fermeté. Sa cible était en train de dépasser un semi-remorque comparable à celui qui avait failli réduire la limousine en miettes une minute auparavant. N’hésitant pas un instant, Hitman vira de bord dans une prouesse de conduite évidente, empoigna son pistolet, visa le pneu du véhicule et tira trois coups. Deux atteignirent leur cible et le caoutchouc se mit à gondoler, puis, perdant le contrôle de son véhicule, l’engin glissa à droite et à gauche, coupant le chemin à Petersen, puis tomba sur le côté. Malheureusement pour le tueur, il n’avait pas écrasé l’agent de Scotland Yard, mais cela ne faisait rien. Alors qu’il reculait pour trouver une autre sortie, Hitman avait appuyé sur l’accélérateur, et, une fois à sa hauteur, avait levé son arme. Les deux hommes se croisèrent un ultime instant à travers la fenêtre de la voiture, Petersen, l’air ébahi et apeuré, Hitman, froid et implacable. Le coup traversa les deux vitres des fenêtres et finit sa course entre les deux yeux de Petersen, qui s’écroula sur le siège passager. Son sang décora l’intérieur du véhicule, et alors que des sirènes de police se rapprochaient de son corps, 47 était déjà bien loin, se frayant autant rapidement que possible un chemin à travers la rude circulation écossaise.

-Nom de Dieu, vous avez fait des milliers de livres de casse !!! cria Beldingford.
Code 47 et lui étaient dans son bureau, en plein cœur de Londres, avec vue sur la Tamise et une table en ébène identique à celle du bateau. Sur les murs trônaient des portraits de personnes dont 47 n’avait jamais entendu parler. L'endroit était juste éclairé par une petite lampe décorée avec finesse sur le bureau de Beldingford, et au fond de la pièce régnait un canapé, que l’assassin silencieux avant vaguement regardé, préférant rester debout.
-Vous auriez dû m’avertir à propos de Lenny James, lui répondit Hitman, tout à fait calme. Il me traque depuis plus d’une année, c’était risqué de faire le moindre geste avec ce type sur mes talons.
Beldingford resta pensif.
-Lenny James… le molosse hein ? fit-il en dévisageant Hitman.
-Mais Petersen est bien mort… j’aurais également préféré lui coller une balle dans un couloir peu éclairé de l’hôtel, mais il est mort.
-C’est l’essentiel, fit Beldingford en dévisageant un de ses tableaux. Quoiqu’il en soit, continua-t-il en reportant son attention sur son homme de main, l’argent vous revient de droit, il est sur un compte aux Bahamas dont le numéro et le mot de passe sont ici, dit-il en tapotant du bout du doigt une enveloppe posée sur son bureau. Nous vous laissons le soin de changer celui-ci.
Hitman s’approcha calmement, prit l’enveloppe entre ses doigts et l’ouvrit légèrement, vérifiant que les informations y étaient bien, puis fourra le tout dans son Armani.
-Bien ! fit Beldingford d’un air théâtral. Maintenant que nous sommes débarrassés de Petersen, j’ai un autre contrat à vous proposer ! En fait, pour tout vous dire, ce n’est pas un ennemi personnel, mais celui d’un collège avec lequel j’entretiens de bonnes relations… il travaille à la CIA.
Hitman garda son calme, il avait rarement eu affaire à la CIA.
-Il me donne des informations dont dispose l’Agence (dans le sens la CIA, ndlr), mais dernièrement, il a quelques ennuis. Un agent spécial a des doutes sur lui après l’avoir vu taper au clavier d’un ordinateur auquel il n’aurait jamais dû avoir accès. Il n’en a parlé à personne, ou du moins, l’information ne s’est pas répandue, mais il vaut mieux éradiquer le problème à la racine.
Il sortit une autre enveloppe de son bureau, et la tendit à 47 qui l’ouvrit avec calme, cherchant des photos de l’agent.
-Il se nomme Gregory Neill, et travaille depuis de nombreuses années dans un département qui s’occupe des dépenses du gouvernement. On le sait corrompu et dangereux, il s’est mystérieusement fait trois millions de dollars après Tempête du Désert…
Hitman sortit les photos. C’était une homme d’une cinquantaine d’années, de léger cheveux gris, un double menton et habillé avec style. Contrairement à Petersen, il n’avait pas vu le photographe prendre le cliché. Un bureaucrate corrompu.
-Le lieu ? fit Hitman en continuant à fouiller dans l’enveloppe, mais il le sut rapidement en trouvant un billet coincé entre deux feuilles de notes.
-Le vol Paris-Washington, dans deux jours.
47 resta sceptique. Un meurtre dans un avion était risqué. Il observa les notes ; première classe, entouré de deux gardes du corps. Fronçant les sourcils, il sortit le Sig Sauer P220 à silencieux de son holster et le posa sur le bureau en ébène.
-Je crois que ceci me sera inutile dans un avion, surtout avec les détecteurs de métaux… vous voulez une mort discrète je suppose.
-Bien sûr, lui répondit Beldingford. Très discrète même, de préférence.
Hitman leva les yeux vers son employeur.
-Il me faudrait du matériel, si vous en disposez.
-De quoi avez-vous besoin ? demanda Beldingford en haussant un sourcil.
Celui-ci crut déceler un infime sourire sadique sur le visage du tueur.
-De cyanure.

Chapitre VIII: Cavale colombienne

Il était maintenant temps de passer à l’action. Lyndon Myster était en train de ranger ses affaires, et le flot de spectateurs se levait et partait vers la sortie de la pièce. Hitman se mit calmement debout, son attention toujours portée avec finesse sur Petersen, et son étrange garde du corps, Lenny James. Celui-ci avait l’air d’avoir totalement oublié Code 47, mais le tueur savait bien qu’il le soupçonnait toujours d’être dans le coin. Il avait fait la grandissime erreur de se faire repérer dans le hall de l’hôtel, il faudrait désormais en accepter les conséquences. Le pistolet à silencieux était toujours sous le costume Armani de l’assassin silencieux, qui glissa furtivement sa main à l’intérieur pour décrocher le bouton du holster et permettre ainsi de sortir l’arme à tout moment. Il suivit calmement les deux hommes le long de la rangée de sièges, puis dans le hall, et jusqu’au premier étage où, dans une petite pièce agréablement éclairée par de grandes fenêtres pourvues de rideaux en soie bordeaux, se tenait un petit apéritif. Pour ne pas paraître en reste, 47 prit dans sa main une flûte de champagne, sans pour autant le consommer, et partit observer les rues de la capitale écossaises à travers une fenêtre, guettant néanmoins sa cible dans le reflet de la vitre. Il parlait encore avec Lenny James, et il semblait ne pas vouloir s’arrêter. Hitman n’était pas un professionnel en la matière, mais il arrivait à comprendre quelque peu ses paroles en lisant sur ses lèvres. Ils parlaient d’un trafic, d’une cargaison, et d’une arrestation. Le whisky de Beldingford ? Possible, si c’était le cas, alors celui-ci avait bien fait de faire appel à ses services, bien que ce ne fût pas de la meilleure manière possible. Un homme s’approcha de lui, en se présentant comme un investisseur pétrolier. 47 était asocial à souhait, mais il dut se forcer à ne pas user de son regard de tueur et se présenta comme Bradley Kyle, promoteur immobilier. Durant cinq minutes, il l’écouta parler de la crise pétrolière en orient et ailleurs dans le monde, la bouche sèche, la mâchoire serrée, ses doigts crispés dans sa poche, résistants à l’envie de descendre cet individu qui l’ennuyait tant. Heureusement, après cinq minutes, Petersen sortit de la salle, bien que toujours suivi par Lenny James. Bradley Kyle s’excusa auprès de son interlocuteur et sortit de la pièce, versant à la première occasion le champagne dans une plante verte et mettant le verre vide sur un plateau de service qui traînait dans un couloir. Sa cible était au bout du couloir et tournait à un angle. Hitman s’approcha calmement et se plaqua contre le mur, tendant l’oreille. Petersen et le traqueur de l’assassin silencieux parlaient à voix basse. Soudain, les paroles s’arrêtèrent et 47 entendit des pas feutrés se rapprocher de lui, il était repéré. Il se tourna vers la première porte à disposition et abaissa la poignée : la porte resta fermée, évidemment. Il sortit rapidement son passe-partout, l’enfonça dans la serrure et la crocheta le plus rapidement possible, mais il tremblait fortement. Lenny James continuait de s’approcher silencieusement de l’angle du mur pour vérifier que 47 n’était pas là, et celui-ci faisait tourner rapidement ses outils dans la serrure, qui ne semblait pas vouloir céder. Les bruits de pas s’intensifièrent, plus rapidement et plus proches, tout comme ceux des bouts de métal glissant dans la poignée de la porte. Si 47 était repéré maintenant, il devrait faire feu sur James qui n’était pas sa cible, et d’un certain côté, même si cela pourrait l’aider, Interpol ne serait que plus féroce envers lui. D’un coup sec, alors qu’un crochet soutenait un bout de métal à l’intérieur de la serrure, un autre tourna rapidement le verrou pour lui permettre de s’ouvrir et, au moment où Lenny James tournait à l’angle du couloir, la porte de la chambre où s’était caché 47 se referma. Celui-ci s’appuya contre le bois de la porte et respira un grand coup, il faudra désormais se montrer prudent. Il entendit un homme chanter la Traviata alors que le bruit des douches résonnait dans la chambre d’hôtel. L’eau tombant avec force, dégoulinant sur un visage en furie, une arme pointée dans son dos.
-Alors c’est toi, le tueur de Fournier, fit Lenny James avec une voix neutre.
Il s’était mis à pleuvoir dans la forêt colombienne. James et Hitman étaient seuls sur le sol désormais dégoulinant et boueux. Les feuilles des arbres pliaient sous le poids des gouttes qui s’étaient soudain mises à tomber du ciel avec fracas. Le contrat Del Cosa était terminé, mais dans les détails tout pouvait désormais tourner du mauvais côté de la roue.
-On t’a engagé pour tuer Del Cosa ?
Hitman ne cilla même pas, laissant à James le seul plaisir d’observer son code barre sur sa nuque.
-Réponds !
Aucune parole ne sortit la bouche du tueur, toujours impassible.
-Qui est ton employeur ? Réponds !
Il poussa le bout du canon du fusil dans le dos de 47, et c’est ce qu’il attendait. D’un geste parfaitement préparé, Hitman tourna sur lui-même, poussant de son dos le côté du canon de l’arme, si bien que le temps que l’agent d’Interpol appuie sur la gâchette, les rafales mortelles n’eurent aucun effet. Exploitant cet instant de surprise, le tueur pris l’arme de ses deux mains, la tira en avant puis en arrière, la crosse du fusil percutant la mâchoire de Lenny James de plein fouet. Du sang coulant sur sa bouche, ses mains lâchèrent la mitraillette dans un grognement, Hitman s’en saisit et lui donna un deuxième coup de crosse qui le fit tomber à terre, les yeux mis clos. Ne perdant pas une seconde ni même pour observer que son adversaire était bien évanoui, le tueur se remit aussitôt en route, bien que les détonations qui avaient dû alerter l’armée et le Delta Force rendraient l’extraction très difficile. Toujours en courant à perdre haleine à travers la pluie et le brouillard, sautant par-dessus branches et troncs renversés, 47 sortit le chargeur de l’arme, le jeta dans une direction et fit de même avec le fusil de l’autre, puis ressortit ses Colts .45, fit tomber les chargeurs vides dans l’herbe dégoulinante et en sortit deux autres d’une poche externe qu’il enfonça rapidement dans les crosses, et les remit en place dans leurs holsters initiaux sous ses aisselles pour finir. Il continua de courir ainsi, épuisé, sous la pluie qui lui martelait le visage et le corps, son camouflage était mouillé de fond en comble et de la buée sortait désormais à chacun de ses souffles éphémères. Il n’était plus très loin, il pouvait même entendre les pales de l’hélicoptère d’ici, dans quelques minutes tout serait fini. C’est du moins ce qu’il pensait quand, en sortant de la forêt et débarquant dans la clairière, il vit que celle-ci était déjà occupée par huit jeeps de l’armée colombienne. Il se stoppa net, tous les soldats se tournant vers lui, intrigués d’abord, puis criant des ordres et mettant leurs fusils à l’épaule. Il n’était plus question de faire dans la finesse, désormais la seule issue était la mort, et la mort uniquement, brutale et vitale. Alors que le premier soldat avait pressé la détente de son arme, les deux Silverballers de Hitman étaient déjà entre ses mains. Alors que le deuxième soldat avait pressé la détente de son arme, il enlevait la sécurité. Alors que le troisième soldat avait pressé la détente de son arme, il sautait de côté tout en visant ses cibles. Le quatrième soldat n’eut pas le temps d’appuyer sur la détente de son arme et fut projeté en arrière, comme attiré par un câble invisible. 47 tomba dans l’herbe en continuant de faire feu, et se mit à rouler sur lui-même, déversant les balles sur les soldats colombiens qui s’écroulaient comme des masses, du sang volant autour d’eux et éclaboussant leurs vêtements. Il n’osa pas compter combien de victimes il avait déjà fait, éjecta les deux chargeurs de son arme qui tombèrent en fumant dans l’herbe froide, et en remit rapidement deux autres tout en se remettant debout. Il tourna rapidement sur lui-même, ses pistolets droits et prêts à tirer, quand le bruit du moteur de la jeep qui lui fonçait dessus l’obligea à sauter sur le côté au dernier moment. Sa main effleura la surface du pneu, il sentit le souffle provoqué par le passage du véhicule qui freina et fit un demi-tour, bien que difficilement sur le sol humide. Autour de lui, on continuait à tirer de toutes parts, il fallait rester mobile. 47, même à bout de souffle, pris ses jambes et courut vers la jeep. De sa main droite, il leva un de ses Silverballers et tira deux balles dans la tête du chauffeur, qui s’affaissa sur son siège, la vitre éclaboussée de son sang ; de sa main gauche, il glissa son arme sous son épaule et fit feu sur les ennemis qui se trouvaient dans son dos. Ca lui était égal qu’il n’en ait aucun, l’important était que lui ne soit pas touché. Sentant que la culasse de son pistolet était mise en arrière, ce qui traduisait le manque de munitions, il rangea rapidement ses armes dans ses holsters et ouvrit brutalement la porte de la jeep, laissant le corps du chauffeur tomber dans l’herbe humide de la clairière. Il prit rapidement sa place, espérant atteindre l’hélicoptère plus rapidement. Le pilote de celui-ci, ayant eu peur à cause des tirs ou ayant profité de l’agitation pour fuir, avait fait décoller l’appareil, qui se trouvait à quelques mètres au-dessus du sol et semblait déjà vouloir quitter la zone. Hitman écrasa le pied de l’accélérateur et tira trois coups de semonces, mais le pilote partait dans le sens opposé, c’était un trouillard, et Hitman se promit de lui en coller une en arrivant dans l’appareil, s’il y arriverait. Les pneus qui avaient failli le réduire en bouillie patinèrent dans le sol, puis la jeep démarra dans une secousse. 47 fit rapidement avancer les vitesses. Il se rapprochait de l’endroit où les derniers soldats continuaient de tirer, et baissa instinctivement la tête. Le pare-brise fut complètement explosé par les tirs des soldats colombiens, ce qui n’était pas pire étant donné que celui-ci était entièrement tâché de sang, réduisant la visibilité au degré zéro. Il dépassa rapidement les sept autres jeeps qui étaient parquées auparavant autour de l’hélicoptère, et vida le reste de son chargeur sur l’attroupement de soldats d’un œil vif, délaissant la route durant quelques instants. Deux tombèrent ; un seul continua de tirer. Avant que les autres n’aient ce réflexe, 47 était déjà reparti à la poursuite de l’hélicoptère qui s’était éloigné de la clairière. La pluie s’était arrêtée, mais la brume était encore présente… la brume, épaisse et oppressante.
-Mais… qu’est-ce que vous faites ici ?!
L’homme était assez gros, les cheveux gris, enveloppé dans une serviette de bain. Il regardait incrédule l’assassin silencieux encore appuyé le dos à sa porte, entouré de restes de vapeur.
-Hum… je fais partie du service Morphée.
-Le service Morphée ? Mais qui êtes-vous en plus ! C’est une blague ou qu…
Le portemanteau que 47 venait d’empoigner lui percuta violemment la tempe droite et il s’écroula aussitôt, les yeux fermés, au beau milieu du couloir. Hitman reposa calmement le portemanteau à son endroit initial.
-Fais de beaux rêves dans les bras de Morphée, répliqua le tueur comme s’il s’agissait d’une voix dans une publicité de seconde zone.
Il lui fallait maintenant trouver Petersen. Ses quelques instants d’inattention au cœur de la jungle colombienne lui avaient peut-être fait perdre la trace de sa cible. Il sortit furtivement dans le couloir, referma la porte avec précaution et se colla au coin de mur d’où Lenny James avait failli le repérer. Ils n’étaient plus là. De manière toute à fait naturelle, il avança dans le couloir, prêtant l’oreille à chaque bruit. Il devait y avoir au moins deux autres personnes qui prenaient leur douche, quatre personnes écoutant les infos, un couple en train de faire de voluptueuses galipettes, une homme qui ronflait fort et un autre qui faisait quasiment autant de bruit en mangeant. Petersen n’était pas dans le couloir, ou alors n’importe où dans l’une de ces chambres, du moins c’était peu probable. Si Lenny James le protégeait, il ne prendrait jamais le risque de le laisser ici. Ils devaient déjà être dehors, mais pas par la sortie principale, par une sortie secondaire. Aussitôt, il se mit à courir, suivant le plan qu’il avait mémorisé dans le hall de l’hôtel, à cet endroit précis. Il bouscula au passage un élégant homme d’affaire et un serveur qui laissa tomber son plateau, mais ne s’excusa pas et se rua sur la porte de sortie. Petersen, avec son costume quadrillé, était déjà en train de s’enfuir, et Lenny James avait dégainé un pistolet à silencieux en direction de l’assassin silencieux.
-Je savais que je retrouverais ta trace !
L’hélicoptère s’éloignait de plus en plus.
47 roulait désormais fébrilement sur une corniche en pierre mais à moitié boueuse. La forêt se trouvait, toujours aussi dense, en amont à sa gauche, et à sa droite, l’océan Pacifique, dont les vagues s’écrasaient avec fracas contre les rochers. Étrangement, l’hélicoptère n’était pas parti vers la mer, mais longeait la côte, ce qui prouvait à Hitman que le pilote avait toujours en tête de venir le chercher. Soudain, une balle explosa le pneu de secours de la jeep, et 47 ne fut pas surpris en voyant trois jeeps qui étaient à ses trousses, qui devaient être suivies par les quatre autres derrière. Mieux valait s’en débarrasser avant d’arriver à l’hélicoptère. Il enleva avec précaution une main du volant, sortit l’un de ses Silverballers et le jeta sur le siège passager, puis, toujours avec la même main, pris un chargeur dans une poche. Il fallait faire vite, car bien que les tirs qui provenaient des voitures derrière lui étaient peu précis, une balle qui perfore un pneu peut autant bien perforer un crâne. Rapidement, il enleva l’autre main du volant et le stabilisa avec ses genoux, fit tomber le chargeur vide, mit le chargeur dans la crosse du pistolet avec aisance et tira la culasse en arrière. Puis il remit sa main sur le volant alors que la voiture tanguait, tourna la tête vers l’arrière, après avoir bien vérifié que la corniche était dégagée et, la main bien tendue, tira deux coups vers une jeep. Le premier tir brisa le phare, le deuxième la tête du conducteur, par l’intermédiaire du pare-brise qui se fissura en une irrégulière toile d’araignée. Le visage du pauvre homme tomba sur le volant, inerte, et la voiture s’immobilisa au milieu du passage, forçant les autres véhicules à la contourner. En voilà déjà une de faite… mais la suivante se montrait bien plus coriace, et bien que le conducteur ne soit pas armé, ses prouesses au volant étaient indéniables. Prenant le véhicule de 47 depuis le côté forêt, il percuta la carrosserie de sa jeep. Celui-ci perdit momentanément le contrôle, mais remit sa voiture en position, quand un deuxième coup fit légèrement lever les roues du côté gauche et failli le faire basculer dans les eaux du Pacifique. La carrosserie de la voiture était désormais bosselée, et Hitman avait du mal à rester concentré en étant sans cesse secoué. Le troisième essai fut le bon… mais pas pour le soldat colombien. Alors qu’il s’apprêtait à nouveau à percuter la jeep du tueur, celui-ci freina brusquement, laissant de lourdes marques dans la pierre, puis remit les gaz, mais il était déjà trop tard pour son ennemi. Ne pouvant pas freiner à temps, la jeep avait fait un aller simple vers l’océan. Le pilote poussa un cri d’horreur, mais le véhicule, qui entraîna avec lui une nuée de poussière, le fit taire en s’écrasant contre un rocher avant de s’enfoncer lourdement dans l’onde déchaînée. Profitant, avec son freinage, d’être à la hauteur d’un autre véhicule, 47 dégaina à nouveau son Silverballer, mais tira cette fois-ci dans le réservoir d’essence. Ecrasant encore une fois la pédale des freins, il profita du même instant pour tirer l’ultime cartouche dans le réservoir. Deux jeeps le dépassèrent sans comprendre, jusqu’à ce qu’une boule de feu les ravage complètement. L’arrière du véhicule vola littéralement en éclats, projetant de toutes part des milliers de pièces de métal ardentes ; le conducteur et le passager furent tués sur le coup, et la jeep fit une embardée en avant, ses pneus ne touchant terre. Le pare-chocs avant percuta le sol de plein fouet, puis la voiture rebondit et fit de nombreux tonneaux, toujours embrasée, faisant voler la terre en tous sens, avant de (*)s’immobiliser sur le bord de la corniche, l’arrière du véhicule totalement consumé, une épaisse fumée noire commençant à monter au ciel qui s’était pourtant éclairci. Les deux autres jeeps qui avaient dépassé Hitman n’eurent pas plus de chance. L’une d’elle eut le pare-brise soufflé par l’explosion et le capot se releva sous la puissance de l’impulsion. Le conducteur, aveuglé par la forte lumière et le capot qui lui bouchait la vue, heurta de plein fouet un arbre à la lisière de la forêt. Le moteur fut complètement embouti et le pilote, qui n’avait pas mis sa ceinture de sécurité, s’écrasa contre le volant, peut-être de manière fatale. L’autre jeep, la plus proche, fut carrément soulevée de terre par l’explosion. Elle fit plusieurs tonneaux vers l’arrière que Hitman réussit à éviter de justesse, ce qui n’était pas le cas d’un autre véhicule qui le suivait et qui s’emboutit lourdement contre dans un terrible bruissement de tôle. Malheureusement, l’un des conducteurs semblait conduire tout autant bien que 47, et évita également le choc mortel. En jetant un coup d’œil, il le reconnut rapidement et comprit rapidement pourquoi il était aussi tenace, c’était Lenny James. Il décida d’en finir avec cet importun, et reprit son pistolet d’une main. James ne le voyait pas cet œil et percuta à son tour le côté de la jeep de l’assassin silencieux, et le pistolet tomba sur la corniche. L’hélicoptère était tout proche à présent, dans une autre clairière à moins de 200 mètres, qui l’attendait au ras du sol. Le tout était de survivre à Lenny « le molosse » James durant encore 200 mètres… Au deuxième coup, la jeep de 47 fut poussée si fort près du ravin que les pneus du côté droit firent tomber de petits rochers et du gravier dans les vagues qui s’écrasaient encore aux pieds de la corniche. Hitman reprit rapidement le contrôle, et écrasa la pédale d’accélération. Lenny James, qui pensait anticiper son mouvement, le même que celui dont il s’était servi pour envoyer la première jeep dans le vide, avait freiné quelques mètres avant, et fut pris au dépourvu. 47 avait déjà remis les gaz, et avait laissé son adversaire bien trop loin derrière lui. La jeep de Hitman avait déjà pénétré dans la clairière et le tueur avait, d’un élégant bond, sauté vers l’hélicoptère et s’était accroché à son pied. La voiture s’était arrêtée au milieu des hautes herbes, tout comme celle de James, qui cria avec hargne à l’adresse de 47 alors que celui-ci ouvrait la porte de son nouveau moyen de transport :
-Je retrouverai ta trace !
Hitman effectua une roulade juste assez rapidement pour éviter le premier tir de Lenny James qui perfora un carreau d’une vitre. Il était maintenant assez proche de James pour éjecter son pistolet de sa main d’un puissant coup de poing et le pousser violemment dehors de l’épaule. James s’écroula dans la ruelle, inerte, sa tête ayant frappé contre un mur. L’assassin le regarda un instant, pensant à s’en débarrasser une bonne fois pour toutes. Mais ce n’était pas sa cible, ce n’était pas sa mission, et il ne tenait pas à créer des problèmes supplémentaires, et tuer un ennemi potentiel dans son sommeil n’était pas dans ses habitudes, ce n’était pas une cible…
47 regarda rapidement dans toutes les directions. Petersen n’était plus là, il s’était enfui. Soudain, un détail fit déclic dans le cerveau du tueur. Non… c’était une ruse, la personne qui était sortie avant Lenny James n’était pas Petersen, celui-ci portait un costume avec des rayures alors que la personne qui était sortie avait un costume quadrillé. James avait dû le payer pour ce subterfuge… Il devait s’être rendu au parking de l’hôtel, c’était ce qu’il y avait de plus logique. Même si l’agent d’Interpol avait prévu autre chose, c’était pour l’instant la seule piste valable, et sûrement la plus juste. Il n’y avait pas un instant à perdre, et il se dirigea à toute vitesse en direction de la sortie du parking… mais à peine fut-il arrivé au devant que Petersen, au volant d’une berline noire, défonça violemment la barrière de sécurité blanche et rouge, ne perdant pas de temps à la faire lever en appuyant simplement sur la commande qui le permettait. A nouveau face à un véhicule en furie, Hitman dut effectuer au dernier moment une roulade pour éviter son agresseur. Il se retourna rapidement et tira trois coups dans la vitre arrière de la voiture, mais sans succès. Petersen partait vers le sud. 47 se mit à courir à perdre haleine dans la ruelle, puis courut vers le parking, non pas celui de l’hôtel, mais celui où son contact l’attendait. Il arriva essoufflé près de la voiture, ouvrit brutalement la portière et poussa le chauffeur sur la banquette passager.
-Alors, c’est fait ? demanda celui-ci.
-Presque… fit Hitman en embrayant la voiture.
-Comment ça presque ?
-Encore un petit détail à régler…Il fit rapidement marche arrière, puis s’incrusta dans la circulation à la recherche de Petersen.

Chapitre VII: Meurtre parfait

Hitman secoua la tête. Il sentait encore autour de lui cette odeur de mousse et de terre boueuse colombienne, les bruits de rafales qui l’entouraient de toutes parts lors de la fuite. Presque tous les gens étaient entrés dans la salle de réunion désormais, et il était toujours accroupi dans l’ombre. Il se leva, se mêla à la foule des derniers invités et trouva une place d’où il pouvait observer Petersen et James. Sur une estrade devant la foule se tenait un homme en complet marron, l’air sérieux et autoritaire. Un petit verre d’eau était disposé sur une table à côté de lui, ainsi que des dossiers et un ordinateur, dont les images étaient lancées sur le mur grâce à un projecteur adjacent. Les derniers arrivés se mirent en place, tandis que l’assassin silencieux observait avec attention Petersen qui parlait avec l’agent d’Interpol. Après deux minutes d’agitation, l’homme qui se tenait sur l’estrade prit la parole, les lumières de la salle s’éteignirent et l’auditoire reporta son attention vers les images de l’ordinateur projetées contre le mur et plus encore sur cet étrange individu.
-Bonjour, dit l’homme avec sobriété. Vous me connaissez peut-être, mon nom est Lyndon Myster, professeur de criminologie à l’université de St Andrews…
Hitman s’enfonça dans son siège avec lourdeur. Il avait plusieurs heures devant lui pour surveiller les faits et geste de Petersen : Myster semblait, rien qu’à voir les expressions de son visage, être un adepte du langage raffiné et surtout élaboré.
-Je vais vous parler d’une chose que la plupart des policiers et enquêteurs de police pensent impossible, un acte dont la polémique traite de plus en plus, et dont les moyens actuels le mettent de plus en plus comme une théorie dépassée : le meurtre parfait.
Il avait stoppé son discours juste avant de dire ces quelques mots, comme pour capturer le public dans son regard puissant et supérieur.
-En premier lieu, poursuivi-t-il, le meurtre parfait, si il existe bien, n’est pas à la portée de tout le monde. C’est avant tout un geste précis, tactique, sans faille, calculé de bout en bout et effectué par une personne au sang plus froid que la mer de Béring…
Quelques rires légers éclatèrent dans la salle, mais Myster resta de marbre, ce n’était pas son but. Code 47 l’écoutait attentivement, non pas pour voir s’il avait bien raison ou si ses paroles étaient similaires à son mode de travail, mais simplement pour la curiosité. Il observait son regard, qui était aussi impitoyable que celui d’un chasseur engagé sur une proie faible. Myster avait tout l’air d’un lâche, mais un lâche très, très intelligent. 47 jeta un coup d’œil sur Petersen et Lenny James qui écoutaient attentivement le conférencier.
-Tout dépend également du meurtre… un clochard abattu par un policier véreux dans sa ronde de nuit et jeté dans un fleuve pourrait est autant professionnel qu’un crime digne des plus grands roman de Agatha Christie ! Le mobile du crime… l’arme… le tueur lui-même, la victime… tous ces éléments se confondent entre eux, en apportent à de nouveaux qui eux-mêmes mèneront à de nouvelles preuves contre l’assassin. Un meurtre parfait est avant tout un meurtre où tout, absolument tout, est envisagé. Si l’arme est un pistolet, il faudra le jeter là où personne ne pourra le trouver, enlever tout rapport direct ou indirect avec le tueur ou bien faire rejeter la faute sur autrui, ce qui ne serait que plus judicieux et intelligent. Le fait qu’une personne soit accusée à tort permet au vrai criminel de sortir de la spirale pour un certain temps, car les autorités se rendront bien vite compte que la personne est innocente, même si certains ont tout de même fini sur la chaise électrique à cause d’avocats qui maîtrisaient leurs dossiers comme des chaussettes et quelques enquêteurs minables. Mais là n’est pas la question, notre sujet se situant sur le meurtre lui-même. Le mobile, s’il est important quand on assassine une personne proche, est plutôt abstrait pour des tueurs en série qui agissent sur leur proie selon des critères, ou des tueurs à gages.
47 eut presque envie de sourire, mais il resta froid et distant comme à son habitude. Cet homme était un expert du meurtre selon les livres qui se trouvaient dans sa bibliothèque et les individus questionnés sur le vif, mais il n’avait sûrement jamais ressenti au fond de lui cette sensation étrange après avoir volé une vie. Hitman ne les volait pas, il faisait juste l’intermédiaire entre la proie et le chasseur, mais quand la proie devenait personnelle, il arrivait qu’il ressente un soulagement à exterminer quelqu’un. Jamais personne ne pourrait l’expliquer avec des paroles ou dans une conférence. Myster n’était qu’un bouffon déguisé en orateur.
-Comme je l’ai dit auparavant, reprit Lyndon Myster avec un regard plus pointu que jamais, un crime parfait, si tant et bien qu’il existe, est un crime où tout est prévu, absolument tout. De la position du vent en passant par un témoin gênant ou un empêchement de dernière minute, tout doit être prévu. En général, quand une personne intelligente veut faire assassiner une autre, elle ne se gêne pas des témoins, si cela ne l’affecte pas au premier plan. Une personne qui s’écroulera dans la foule deux heures après avoir bu un café empoisonné aura été observée en train de gémir dans ses derniers instants par une dizaine de témoins, mais aucun d’eux ne pourra prédire sur le moment ce qui lui arrive, sauf si l’un d’eux est un médecin qui reconnaît un poison rien qu’aux effets à l’extérieur du corps. Mais, encore une fois, ce détail doit être pris en compte. Si la personne en question se sera écroulée dans la rue à deux mètres d’un hôpital, il pourrait être sauvé et dire avec qui il a bu son café, révélant ainsi son meurtrier qui aura raté son coup, ou alors des indices pour la police. Si la personne a eu entre-temps la possibilité de fuir pour ne jamais être retrouvée, le meurtre n’est pas techniquement parfait, mais tout proche… Si elle s’est faite arrêter avant, tout tombe alors à l’eau. Tout est une question d’intelligence et de sang-froid. Si le meurtrier est une personne inconnue, un tueur à gages par exemple, le problème ne se pose même pas. Mais par contre, si la cible connaissait son agresseur…
Hitman observa Myster, qui continuait de parler, pris dans ses propres paroles. Dans le fond il avait raison, le crime parfait n’existe peut-être pas. Mais un crime reste un crime. 47 tourna son regard vers Petersen, qui ignorait sûrement jusqu’à même son existence. Mais la personne qui était assise à côté de lui le connaissait bien, peut-être même trop bien.

Janvier 2008

-Il est par ici ! Vite, rattrapez-le !
Ses chaussures s’enfonçaient à chaque pas qui le faisait avancer vers l’hélicoptère. Les deux kilomètres avaient parus bien plus petits pour y venir, mais il faut dire que quand on a une vingtaine de soldats qui vous coursent dans des bois dont vous n’aviez pas même connaissance, cela peut-être déconcertant.
-Je le vois, il est là !
47 accéléra encore le pas, ses deux Silverballers chargés fermement serrés entre ses doigts. A l’écoute, entre sa propre respiration saccadée et le chant de quelques oiseaux, Hitman avait cru entendre deux, voire trois soldats à moins de vingt mètres de lui. Ce ne fut pas le coup de feu qui retentit dans la jungle et la souche de bois volant en éclats à ses pieds qui lui dit le contraire.
-Merde !
47 avait déjà repéré le soldat rien qu’au coup de feu. Celui-ci se mit à tirer en rafales, mais aucune n’atteint le meurtrier de Del Cosa. C’était peut-être un bleu, dans tous les cas c’était un homme mort. Profitant d’un arrêt de tir étrangement vif qui provenait du fait que le chargeur était épuisé, Hitman se stoppa sur la seconde, se retourna avec rapidité, la bouche encore ouverte d’épuisement, le visage dégoulinant, et aligna sa cible. Les deux culasses de ses pistolets .45 éjectèrent en arrière dans un geste unique et précis, et ce fut suffisant. Chacune des balles traversa l’air dans un bruit strident, la première atteignant le soldat colombien à la gorge dans un bruit sanglant, la deuxième lui frôlant la tête de si près qu’elle lui déchiqueta une partie de l’oreille. Avant que le corps du pauvre soldat ne s’écrase sur le sol humide, tel le gong qui annonce le sort funeste, l’assassin silencieux avait déjà repris son chemin entre les arbres, plus rapide que jamais. Un autre tenta de lui bloquer le passage, fusil à la hanche. Hitman effectua rapidement une roulade et évita la rafale inutile du soldat, profitant de son élan pour lui bondir dessus. Le soldat colombien s’écroula dans la terre humide, 47 lui arracha son M16A2 des mains et en profita pour lui balancer un coup de crosse qui, en plus de lui arracher au passage trois dents dans une gerbe de sang, l’emporta pour un instant aux pays des songes. Mais le répit fut de courte durée, le dernier des trois soldats qui le suivaient tirait bien mieux que les autres, et son tir fut si précis qu’il déchira une partie de la manche du camouflage de Code 47, lui blessant légèrement le bras. Celui-ci plongea à terre, et se mit à rouler sur le côté jusqu’à un arbre, où il s’y redressa vivement pour se protéger. Ce dernier soldat colombien était supérieur aux autres. Il tirait au coup par coup, chacun de ses tirs d’une précision mortelle, du moins pour une personne normale. Hitman n’était pas une personne normale. 47 ne bougeait pas, attendant que son ennemi fasse une erreur, mais il se rendit bien vite compte, surtout lorsque une balle déchiqueta le tronc de l’arbre à moins de cinq centimètres de sa tempe, qu’il n’aurait pas le temps de rechercher une quelconque faiblesse. Il fallait agir. Maintenant. Il se baissa, toujours contre l’arbre et évitant un autre tir qui aurait dû lui perforer le crâne, et réfléchit rapidement. Pas besoin de réfléchir. Tirer. Il sortit de sa cachette plus vite que l’éclair, ses deux pistolets parfaitement droits, le soldat dans sa ligne de mire. Il ne tremblait pas, il ne bougeait pas. Il tuait. Le premier tir l’atteint au bras et lui fit tomber son fusil, mais le deuxième le rata de très près, le soldat s’étant jeté à terre. Hitman ne le voyait plus, il était en amont… Ce fut seulement lorsqu’il vit un pistolet s’élever qu’il pensa à rouler sur le côté. La balle troua le sol humide dans un bruit déchirant, les deux autres tirs furent de Code 47, et cette fois-ci l’autre soldat n’avait aucune chance. Le premier l’atteint à la mâchoire, le faisant valser dans un geste ridicule, et le deuxième en pleine poitrine, le tuant définitivement dans une effusion mortelle d’hémoglobine. Hitman resta quelques secondes ses Silverballers en l’air, respirant fortement. Il y avait peut-être d’autres soldats, il fallait faire vite, et il se remit rapidement en route vers l’hélicoptère, qui devait normalement toujours être en train de l’attendre. Bien que le soleil était levé, la forêt dense et humide empêchait les rayons de passer, si bien qu’il finit par se perde dans une demi obscurité. Il ne pensait à rien d’autre que la fuite, que de fuir cette jungle, cette éternelle odeur d’humidité et de terre, cet éternel paysage qui n’en finissait pas. Il courait depuis presque dix minutes sans avoir repéré aucun ennemi, l’hélicoptère devait être à moins d’un kilomètre. L’idée que l’appareil fut détruit ou pris par l’armée colombienne lui traversa l’esprit, mais de toute façon c’était sa seule issue. Il se stoppa net, se mit à genoux, ses pistolets prêts à faire feu, et maîtrisa sa respiration pour ne pas être découvert, tendant cependant l’oreille pour repérer un éventuel ennemi. Après avoir tué deux soldats de sang-froid, on ne lui ferait plus de cadeaux, et ce n’était pas le Delta Force qui allait faciliter la tâche. Après quelques minutes, restant immobile parmi la monotone faune et flore locale, il finit par entendre des bruits de pas étouffés, et vit au loin un soldat en camouflage armé d’un M4 avancer prudemment, observant méticuleusement les alentours. D’après ses réflexes, ses mouvements et surtout sa morphologie d’américain, il devait faire partie du Delta Force. Mieux valait ne pas s’en prendre à lui. Hitman se coucha silencieusement dans l’herbe, la tête du commando dans sa ligne de mire. Celui-ci continuait à marcher dans la jungle, son œil regardant furtivement de tous côtés. Même avec son camouflage, 47 avait de fortes chances d’être repéré… il faudrait rester plus discret que jamais. Durant deux minutes, le tueur avait son regard pointé avec férocité vers l’homme qui continuait d’avancer à pas légers, et il finit par s’enfoncer dans le brouillard dense de la jungle inconnue. Code 47 leva les yeux vers les arbres qui lui bouchaient encore la vue du puissant soleil. Lentement, il se leva, et s’apprêta à repartir vers le point d’extraction quand le canon glacé d’une arme toucha sa nuque.
-Lâche tes flingues.
Hitman tenta de tourner légèrement la tête pour voir la personne qui le tenait en otage, mais celui-ci lui donna un coup de pied dans la jambe qui le fit légèrement plier. Une chose était sûre, avec son accent, il était forcément anglais. Lenny James.

-En gros, un meurtre parfait, si cela reste possible par un professionnel, est un meurtre où tout, du début à la fin, est organisé ! En passant du milieu du meurtre, par l’arme du crime, un témoin gênant ou alors un alibi détruit par une preuve qui peut s’avérer inutile, le meurtre parfait existe bien ! Il suffit juste d’avoir toutes les cartes dans son jeu ! Mesdames et messieurs, merci d’avoir assisté à cette conférence.
La voix de Lyndon Myster le tira de ses réflexions et de sa rencontre avec Lenny James. Il étira sa mâchoire, et bâilla légèrement. Petersen se levait, James également, et Myster remballait rapidement ses affaires. Hitman se leva calmement de son siège, le regard pointé vers sa cible, son P220 silencieux toujours dans le holster sous son Armani. Il s’était presque assoupi, alors qu’il avait dormi quelques heures dans l’avion. Se faisait-il vieux ? Possible, mais une chose était certaine, son métier n’avait pas pris une ride, et le meurtre parfait, il y arriverait aujourd’hui même.

Chapitre VI: Nouvel employeur

Le bureau du yacht de Beldingford était plutôt grand, avec des cartes du golfe du Mexique sur les murs et un large bureau au bois d’ébène. Hitman entra après lui et son chauffeur qui paraissait être également son garde du corps, son pistolet toujours prêt à servir et attendit près de la porte alors que l’anglais allait se servir un verre de whisky. 47 assassina James du regard jusqu’à ce qui celui-ci sorte de la pièce, lui rendant néanmoins cet air noir et mauvais. Beldingford s’assit calmement à son bureau, posa le verre de whisky sur la table et invita Code 47 à s’asseoir dans un divan.
-Non merci, répondit-il. Je veux savoir pourquoi je suis ici.
-Vous êtes d’une impatience mon ami !
-C’est simple, j’ai un pistolet entre les doigts, vous pas. Soit vous me dites pourquoi vous voulez m’engager, soit le siège sur lequel vous êtes assis va s’assombrir très rapidement.
-Bien, dit Beldingford en haussant les sourcils. Vous le savez peut-être, mais j’ai un réseau de vente d’alcool illégale qui part d’Amérique du sud jusqu’en Angleterre, du whisky plus précisément, dont celui qui est en ce moment même dans le verre que je tiens.
Hitman ne broncha pas, et attendit la suite.
-J’ai un agent de Scotland Yard aux trousses depuis six mois, un certain Jeffery Petersen, et il a déjà découvert quatre de mes cargaisons et arrêté bon nombre de mes employés, dont certains ont craché le morceau quant à mon sujet. Vous n’aurez pas besoin de vous charger de ces minables qui sont déjà six pieds sous terres, mais Petersen est hors d’atteinte, pas pour vous bien sûr, et c’est pour cela que j’ai… « fait appel » à vous.
-Vous avez des photos ?
-Bien sûr, répondit Beldingford en sortant plusieurs clichés pris sur le vif d’un tiroir de son bureau. Trente deux ans, célibataire, ne lâche sa prise qu’après l’avoir mise derrière les barreaux ou dans un cimetière.
Code 47 observa attentivement son visage. Il avait une légère moustache rousse, des cheveux de la même couleur, et une carrure massive d’agent secret. Il était habillé en civil, mais on voyait très légèrement la marque d’un pistolet sous sa veste. Il avait des lunettes à soleil sur les yeux, et les photos devaient dater de cet été, car on voyait que la place où il se trouvait était fortement exposée aux rayons du soleil. Mais les lunettes à soleil ne cachent pas tout, et bien que son regard était porté sur le journal qu’il lisait, sa tête était tournée avec une précision chirurgicale vers l’homme qui avait dû prendre la photo. Un détail invisible pour n’importe qui. Hitman n’était pas n’importe qui.
-Une cible difficile, dit Beldingford comme s’il avait lu dans les pensées de son nouvel agent. Il a déjà décelé trois de mes hommes qui on essayé de l’abattre discrètement, et a survécu à l’attaque de mon meilleur sniper. Il sera sur ses gardes, mais je suis certain que vous saurez en venir à bout.
-Vous avez un endroit précis pour le crime ? demanda 47 en levant les yeux de la photo.
Il fut surpris, il avait dit le mot crime alors qu’il n’utilisait jamais ce vocabulaire, préférant les mots tels que « contrat » ou « travail ».
-Oui, bien sûr, répliqua Beldingford. Il assiste demain à une conférence sur le crime parfait à Edimbourg, dans un luxueux hôtel. J’aimerais que vous évitiez de faire trop de bruit, mais le descendre dans un coin désert ne pose aucun problème, j’ai d’ailleurs ceci pour vous…
Il ouvrit un autre tiroir de son bureau et en sortit un Sig Sauer P220 à silencieux. Il le posa sur le bureau et attendit que 47 le prenne entre les mains pour l’observer, posant comme en échange le Glock 17 sur le bois d’ébène.
-Hum, du 9mm… j’aurais préféré du .45, mais ça suffira.
Il sortit le chargeur de l’arme, puis, après avoir vérifié que tout était normal, le remit en place et rangea l’arme dans le holster de sa veste.
-Je crois que ceci vous fera également plaisir, dit Beldingford en ouvrant un énième tiroir de son bureau, et sortant une corde à piano.
Hitman la prit délicatement entre les doigts, puis la serra et imita le geste qu’il avait si souvent fait sur une cible, un petit sourire démoniaque aux lèvres.
-Je pars quand ?

L’avion atterrit brutalement sur le sol écossais ; assis à bord du jet privé de Beldingford, 47 avait fait un vol direct depuis l’aéroport de Miami, où il avait été déposé par hélicoptère. Il avait désormais avec lui tout le matériel qu’il utilisait à l’agence : armes à feu, corde à piano, seringue d’anesthésiant, jumelles, passe-partout et lunettes de vision nocturne. Il sentait déjà en lui monter le goût du meurtre et de la mort, le geste subtilement létal d’appuyer sur la gâchette d’un pistolet et envoyer valser les tripes d’une cible, de le couper de son air vital ou encore de le voir agoniser, gisant quelques ultimes instants à terre. L’appareil s’immobilisa ensuite calmement, et la porte de l’appareil se déploya. 47 sortit dans la chaleur du mois de juillet, qui étouffait même en Ecosse. La conférence devait commencer dans deux heures pile. Hitman suivit les hommes de Beldingford jusqu’à une limousine et y entra. Il y avait sur le siège une enveloppe que le tueur ouvrit lorsque la voiture commença à rouler. Il y trouva encore quelques photos de Petersen, une fausse carte d’identité au nom de Bradley Kyle et une avance de deux mille dollars en liquide, le contrat lui en rapportant cent mille. Il y avait également quelques instruction sur la place que devait occuper Petersen –un siège au premier rang- et sur ses gardes du corps, deux gorilles que 47 éviterait de descendre inutilement… enfin, seulement s’ils restaient calme. Il observa encore quelques instants les photos, puis les remit dans l’enveloppe qu’il laissa sur le siège. Son regard se porta sur les arbres du bord de routes et le ciel d’un bleu éclatant. C’était rare en Ecosse, belle journée pour mourir. Hitman sortit encore une fois son P220, enleva puis remit les balles une par une, puis enfonça violemment le chargeur dans le pistolet et tira la culasse en arrière, mettant néanmoins la sécurité pour ne pas être surpris par un tir non voulu. Il plaça calmement le pistolet dans le holster de sa veste, et se mit à réfléchir. S’il y avait des gardes qui fouillaient les invités ou un détecteur de métaux il serait difficile d’avoir Petersen avec discrétion et rapidité… S’il y avait un détecteur, il jetterait son arme quelque part, en cas de fouille il ferait feu sur les gardes et liquiderait sa cible dans la foule. Les données de Beldingford n’étaient pas autant complètes que celles de l’Agence, et c’était uniquement sa faute, le boulot de 47, c’était la mort, pas les détails.
-On arrive bientôt ? lança l’assassin à l’adresse du chauffeur.
-Oui… bientôt.
Celui-ci se garda de tout commentaire, et continua à suivre la route avec rigueur. Ils entraient dans Edimbourg, une ville froide d’Europe, où le métal et la pierre se mélangeaient avec harmonie, mais ne laissant de place qu’au béton et au paysage urbain. Il y avait tout de même des arbres plantés régulièrement au bord de la route, et des parcs de temps à autres. 47 vit au loin un château au sommet d’une colline, celle-ci étant verdoyante et agréable à voir… une ville assez belle, spéciale, mortelle. La voiture continua ainsi de rouler au gré de la paisible circulation écossaise, avant de ralentir près dans une rue. Le chauffeur vira de bord, et la voiture se stoppa à moitié sur un trottoir, à côté d’un hôtel majestueux.
-Le Macdonald Roxburghe Hotel, précisa le chauffeur. Ne vous fiez pas au nom il est purement britannique et luxueux ! La conférence a lieu dans… une demi-heure, dit-il après avoir essuyé un regard sur sa montre. Je serai dans le parking qui se trouve à 30 mètres dans la rue au nord… je vous attend. Si vous n’êtes pas arrivé ce soir à 22 heures, vous êtes considéré comme mort ou capturé et…
-C’est bon, je connais les règles, l’interrompit Hitman. J’y serai, et à l’heure.
Le chauffeur le regarda un instant, puis hocha la tête et se retourna vers son volant. Code 47 sortit de la voiture, qui s’engouffra dans la circulation presque aussitôt. Le tueur observa avec attention les alentours… pas de systèmes de sécurité aux entrées de l’hôtel, ni gardes armés, ou alors ils étaient en civil. Seul un room qui gardait la tête haute saluait les gens en leur ouvrant la porte. Hitman entra avec l’empressement et le stress d’un homme d’affaire dans le hall de l’hôtel, pour que personne ne se doute de rien. Il y avait foule, principalement d’élégants hommes en costar et des femmes à l’air vif et intelligent, et qui paraissaient fusiller chaque invité du regard, comme si un traître sévissait dans l’assistance mondaine. 47 les évita tant bien que mal, et commença son travail en profondeur. Il s’arrêta près des ascenseurs, puis se mit à observer le plan de l’hôtel placardé sur un mur. La salle de réunion se trouvait sur sa gauche, derrière deux portes encore fermées et gardées par deux gorilles en habits noirs. Il les observa minutieusement un bref instant puis détourna les yeux. D’après les formes qui ondulaient légèrement sous leurs habits, à la hauteur de la poitrine, leurs pistolets devaient être silencieux, et sûrement assez petits. Mieux valait donc éviter de finir son contrat en plein milieu de la salle, si ceux-ci avaient un œil sur les convives. Code 47 tourna les talons et se mit à marcher calmement dans la foule, l’air hautain comme tous les gens qui l’entouraient, pour tenter de repérer Petersen. Il y arriva assez rapidement, et le surprit à parler avec un homme qu’il reconnut rapidement, un homme qui n’était autre que l’un des poids lourds d’Interpol, Lenny James. Instinctivement, Hitman lui tourna le dos et partit rapidement se cacher derrière un coin de mur. Lenny James connaissait son existence depuis qu’un mandat avait été lancé contre lui, et le cherchait depuis plusieurs années, à l’instar d’Albert Fournier. Mais Fournier était corrompu, alors que James avait au contraire de bonnes relations avec le MI-6 et la police britannique, ainsi que Scotland Yard. La cinquantaine, des cheveux grisonnants mais coiffés avec classe et affublé d’un complet gris avec cravate verte, tous ceux qui le trouvaient excentrique ne le connaissaient pas. Lenny James était un molosse, qui continue à mordre sa proie même si on lui ampute les jambes. Lenny James était une pieuvre dont la survie était impossible une fois entre ses membres mortels. Il était d’un calme surnaturel mais chacun connaissait sa puissance et ses relations énormes, ainsi que son flair extrêmement aiguisé. D’ailleurs, en cet instant-là, Hitman avait bien senti que James l’avait flairé et qu’il le suivait déjà, et il entendait sa respiration faiblarde ainsi que son pas régulier au travers des paroles incongrues de tous les invités. Le tueur se mit rapidement dos à lui, mais c’était déjà trop tard, il entendit James s’excuser auprès de Petersen, il le suivait. 47 se fraya rapidement un chemin vers les escaliers, pour tenter de fuir, quand la foule commença à bouger. La réunion commençait, et c’était la meilleure chance de semer l’agent d’Interpol. Les gardes près de la porte observaient le flux régulier d’hommes d’affaires qui entraient dans la salle. Hitman ne les regarda pas en entrant, et se glissa rapidement dans l’ombre de la salle, guettant l’arrivée de Petersen. Celui-ci entra quelques secondes plus tard, toujours en compagnie de Lenny James. Celui-ci jeta un bref coup d’œil dans la salle, mais 47 était parfaitement immobile dans l’ombre, son regard de tueur pointé non vers Peterson, mais vers James. Les gardes du corps de Peterson n’étaient pas là, mais semblaient remplacés par cet individu dont 47 aurait préféré ne jamais avoir rencontré.

Océan Pacifique, 28 Janvier 2008

-47, votre cible actuelle est un certain Del Cosa, trafiquant de drogue colombien, fit la voix de Diana.
A ce moment-là, Hitman était alors confortablement installé sur une caisse pourrie et miteuse, dans un bateau qui grinçait sous les vagues du Pacifique. La mer était agitée, et le bateau naviguait tant bien que mal en tanguant fortement.
-Il est actuellement dans un camp dans la jungle, avec son commando et sera donc armé, mais nous avons bien choisi notre coup. Dans la valise qui se tient devant vous se trouvent un camouflage adapté et votre précieux Walter 2000. Le camp doit être pris demain à l’aube par Interpol, qui sera aidé par l’armée colombienne et le Delta Force. Autant dire que tout va se finir en bain de sang… mais malheureusement pour nous Interpol veut Del Cosa vivant, contrairement au commanditaire de cette mission. Vous pourrez donc profiter de la fusillade et de l’agitation générale pour abattre votre cible sans problème. Des photos se trouvent également dans la valise, ainsi qu’un plan de son camp. Tentez de fuir assez rapidement, et une fois la cible hors d’était de nuire, un hélicoptère vous attendra à deux kilomètres au sud, à côté d’un pic rocheux, dans une clairière. Faites également attention à un certain Lenny James, qui doit diriger l’opération… Depuis votre fuite de Paris et la mort de Fournier, toutes les polices d’Europe sont à vos trousses, et James est bien placé à Interpol pour pouvoir vous causer des ennuis. Bonne chance 47, n’oubliez pas de rester discret.
Code 47 observa la petite télévision s’éteindre et plonger la cale du bateau dans les ténèbres légèrement éclairées par les grésillements de l’écran vide. Hitman attendit encore quelques instants, le visage plongé dans le noir, se reposant avant les heures qui allaient suivre, puis il ouvrit la valise, sortit les photos, le camouflage et le W2000. Il était prêt.

Lenny James suivit Petersen dans la rangée de sièges au milieu de la salle. 47 l’observait avec une effrayante attention, cet étrange individu vieillissant avec une cravate verte. Il ne fallait pas faire foirer cette mission. Même si Beldingford lui avait tendu un piège, 47 travaillait à nouveau pour un employeur qui lui fournirait quasiment autant de moyens et de protection que l’Agence. Son travail avait repris.

Le tueur était resté couché dans la jungle durant la moitié de la nuit. Il avait marché dans la forêt en habits de camouflage, tout en suivant la carte fournie par l’Agence. Un hélicoptère civil l’avait amené dans la clairière et l’attendrait le temps qu’il faudrait. Après une heure de marche dans la nuit et l’humidité, avançant dans la terre boueuse, entre les serpents et les araignées venimeuses, 47 avait finalement trouvé le camp en aval, dans une prairie, il était alors trois heures du matin. Il s’était allongé dans l’herbe, en position de tireur embusqué, ne bougeant pas un muscle, attendant l’aurore. Il avait néanmoins mis ses lunettes de vision nocturne et repéré Del Cosa dans une tente au nord du camp, en train d’observer une carte. Il était désormais couché, et profiterait bientôt d’un long sommeil dont il ne sortirait pas indemne… Il y avait également quatre soldats armés de Kalachnikov qui faisaient la garde autour du camps, et d’autres également armés qui buvaient au coin d’un feu. À cinq heures du matin, le ciel commença à s’éclaircir, restant néanmoins lugubre. Les étoiles étaient embourbées dans un brouillard matinal, qui entourait tout le camp, semblant l’étouffer. Le feu était presque éteint, certains guérilleros étaient partis se coucher, d’autres jouaient aux cartes, mais toujours aucun signe du commando annoncé par Diana. A cinq heures et demie, le ciel était désormais illuminé d’une teinte rose orange, une beauté céleste qui illuminait la jungle et la mort imminente. Hitman vérifia son fusil sniper, puis le mit à l’épaule et observa les alentours du camp désormais éclairés par une faible lueur matinale. Après dix minutes resté dans bouger à attendre un mouvement, il vit enfin des hommes armés de fusils M4 ; c’était le Delta Force. Les unités se mirent en positions, suivies de près par l’armée colombienne. Lenny James devait être dans le coin… L’assassin silencieux plongea son regard sur un soldat qui semblait être le chef, et qui donna rapidement des ordres dans un micro. Soudain, des grenades fumigènes tombèrent par dizaines dans le camp, et rebondirent dans les tentes et entre les trafiquants de drogue. L’assaut était donné. Les guérilléros réagirent mais trop tard. Les deux unités Delta Force prirent le camp par l’Est et l’Ouest, suivis par l’armée colombienne qui semblait plus être ici pour avoir leur place diplomatique dans les journaux que pour réellement capturer Del Cosa. Del Cosa… Hitman zooma avec la lunette de visée et positionna le réticule à l’entrée de la tente du trafiquant. Les guérilléros n’avaient aucune chance. Ceux qui étaient près du feu s’étaient fait fusiller directement par les Delta Force et l’armée colombienne était entrée dans les tentes pour abattre froidement ceux qui s’étaient réveillés au rythme effréné des rafales. Presque tous les soldats ennemis y étaient restés, mais Del Cosa semblait toujours dans sa tente… s’il ne sortait pas bientôt, il serait capturé et la mission tomberait à l’eau, et c’est ce qui arriva. Les deux équipes de Delta Force se positionnèrent aux deux entrées de la tente, dans la ligne de mire de 47 qui ne devait pas les tuer. L’un des commando tira une grenade qui se révéla être aveuglante à la déflagration, puis le reste de l’équipe fit irruption dans la tente. Ils devaient être en train de passer les menottes à Del Cosa.
-Merde ! laissa échapper Code 47.
Il se mit à trembler plus fortement. Il était couché sur le sol mouillé et inconfortable depuis plus de deux heures, il avait froid et ses mains, même gantées, étaient engourdies. Il ne fallait pas commettre d’erreur maintenant. Puis soudain un visage familier apparut dans la ligne de mire du tueur : c’était Lenny James, il entrait dans la tente, et en ressortit avec Del Cosa, l’air éméché, mains menottées dans le dos, suivi par plusieurs soldats. 47 vida sa tête de toutes pensées, bloqua sa respiration et concentra sa visée sur sa cible. Son doigt pressa la détente, la crosse du W2000 s’enfonça dans son épaule et la douille éjecta sur le sol boueux. Malheureusement pour l’assassin, Del Cosa, encore ivre, avait soudain tourné vers la droite pour suivre un militaire, et ce fut un membre de la Delta Force qui se prit la balle destinée au trafiquant. Elle lui éclata la gorge, et il n’eut pas le temps de réagir, sombrant en arrière dans une giclée de sang. Hitman s’affola. Le tir n’avait fait aucun bruit grâce au silencieux du fusil, mais James s’était retourné et, voyant le corps inerte en ensanglanté du soldat, se mit à crier des ordres en anglais en pointant les alentours du doigts, et les militaires colombiens escortèrent alors plus rapidement Del Cosa. Il n’y avait pas une seconde à perdre. 47, qui commençait à trembler de plus en plus, redirigea le réticule vers Del Cosa et fit feu par trois fois. Le premier tir atteint un militaire colombien qui cachait la cible à la jambe. Celui-ci pencha instinctivement et les deux autres balles transpercèrent le dos de Del Cosa qui tituba puis tomba dans l’herbe, immobile. Pour être sûr d’avoir bien accompli son travail, il tira encore deux fois dans son corps qui tressauta, puis le fleuve de sang qui se dessina autour du corps prouva à Hitman que son contrat était rempli. Malheureusement pour lui, Lenny James avait trouvé la provenance des tirs et pointé du doigt la petite colline sur laquelle 47 se trouvait. Celui-ci, voyant les militaires colombiens lever leurs fusils, roula sur le côté à temps pour éviter les rafales qui trouèrent le sol humide. Il jeta son W2000 sur le côté et sortit d’un geste synchronisé ses deux Silverballers des holsters se trouvant sous ses aisselles. Il attendit deux secondes, écoutant les soldats courant vers lui, les tirs accrus et sa respiration forte, puis serra les dents, plongea son regard dans l’épaisse forêt colombienne et commença à courir. Les deux prochains kilomètres risqueraient d’être mouvementés…