samedi 15 décembre 2007

Chapitre XII: Connexion

Hong Kong, 7 Juillet 2008

La planque de Hong Kong était, comme quasiment toutes les planques de l’Agence, au dernier endroit où l’on penserait fouiller. Ni dans les milieux riches, ni dans les trop défavorisés, ni trop dans la lumière, ni trop dans l’ombre, partout et nulle part. Cela faisait un bout de temps que Code 47 n’était plus revenu dans la cité asiatique, et il lui fallut un peu plus de temps que prévu pour dénicher la planque, calée quelque part entre une petite boulangerie et des immeubles locatifs, sous le couvert d’un dépôt de fournitures immobilières, des banderoles au couleurs vives et des lampions projetant une faible lumière pendant à ses côtés. Pour ne pas éveiller les soupçons, le tueur partit s’asseoir sur un banc de l’autre côté de la rue pour l’observer minutieusement, au-dehors d’un petit parc, qui cachait malgré lui une étrange camionnette, au milieu de quelques arbres.
-Mike, il est là depuis combien de temps ? fit Lenny James en refermant la porte arrière du véhicule, deux cafés entre les doigts.
-Sans sucre hein…
-Oui oui ! dit James en posant si fort le gobelet à côté de l’informaticien que le breuvage coula sur le petit bureau, pour finir par goutter sur le sol.
-Bordel fais attention ! s’écria Mike. C’est un équipement de pointe, si on bousille tout ça, on va nous…
Mike était l’une des rares personnes sur terre à ne pas craindre Lenny James, probablement parce que c’était l’un des meilleurs spécialistes en informatique d’Interpol et que James ne pouvait se passer de lui. Celui-ci lança son implacable regard noir vers l’homme aux lunettes, qui s’était légèrement détourné de ses écrans pour tenter de lui faire la morale, et il ne put que s’arrêter de parler en gloussant, pour finir par prononcer quelque minable excuse. Ils avaient envoyé leur troisième élément à l’extérieur pour filmer Code 47 depuis un immeuble des environs, et il semblait n’avoir rien remarqué.
-Il est sur ce banc depuis une heure et demie, avec une large casquette sur la tête.
-Sûrement pour éviter qu’on ne le démasque avec son crâne et son code barre, fit James, buvant une gorgée de café.
-Mais ce n’est pas tout… il a changé au moins six fois de position depuis ce matin ; il surveille le coin depuis huit heures maintenant.
-Il doit être sur un nouveau contrat.
-Le boulanger peut-être ? fit Mike avec un sourire niais.
James ne cilla pas, et se contenta d’hocher la tête, l’air idiot, avec un sourire large et faux sur le visage. Le sourire de l’informaticien s’effaça alors rapidement, comme d’habitude.
Il faisait froid sur le banc, et la nuit n’allait peut-être pas tarder à tomber. Tout comme à Moscou, les gardes de la planque ne sortaient que quelquefois par jour, pour acheter de quoi manger, et rentraient aussitôt dans le dépôt. Depuis ce matin, il y avait trois différentes personnes qui étaient venues acheter de quoi se nourrir, toutes semblaient armées d’un petit pistolet sous leur veste, du moins vu de loin, et chacun avait cet air sérieux et professionnel typique de l’Agence. Quand, pour la quatrième fois de la journée, un homme sortit du dépôt, la crosse de son arme bien visible sous sa veste ouverte (et 47 s’étonna de voir que l’Agence n’engageait plus avec autant de sévérité qu’avant), l’assassin silencieux se leva lentement de son banc, attendit avec un calme exemplaire que l’homme fût entré dans la boulangerie, puis traversa la route déserte.
-On dirait qu’il se dirige vers la boulangerie… je te l’avais bien dit ! s’écria Mike.
James était sur le point d’exploser, mais se contenta de se saisir du café de l’informaticien et de le vider d’un trait.
-Hé, mais c’était mon café !
-Plus maintenant. Regarde, il entre dans le dépôt de meubles. On a des infos là-dessus ?
Rapidement, Mike se tourna vers un deuxième clavier, et se connecta sur la base de données d’Interpol, ayant en quelques secondes confirmation.
-Hum, non, rien.
-Même dans le trafic de drogue, un crime dans le coin… ?
-Non, rien.
-C’est un peu trop immaculé pour que 47 s’y pointe.
-On agit ?
James fit une grimace.
-C’est hors de notre juridiction… et on n’a pas de preuve évidentes ! D’après la base de donnée, n°640509-040147, alias Hitman, est mort en 2000 ! J’ai beau avertir Scotland Yard ou Interpol, rien n’y fait. On attend, donc.
Mike garda la mâchoire serrée, l’air interdit, et ajouta dans un micro, comme pour donner de l’importance à une situation qui leur échappait :
-Lily, tente de trouver un autre endroit d’où filmer, on n’aura plus beaucoup de résultats d’où tu es.

Le dépôt était petit, mais suffisamment large pour qu’on y case de nombreuses caisses et autres meubles sous de larges protections en plastique transparent. La halle était faiblement éclairée, et quelques larges lampes au plafond suffisaient pour voir où l’on mettait les pieds, tout en augmentant de manière fantomatique les ombres de tout ce qui se trouvait dans la large pièce. Lentement, Hitman observa les environs, cherchant une caméra de surveillance, et en trouva deux, qui pointaient dans la même direction, chacune cachées derrière un tas de caisses. Il se risqua à jeter un coup d’œil, mais n’entraperçut rien d’autre qu’une simple armoire… sans aucune protection. L’entrée avait changé depuis sa dernière visite, mais l’Agence était toujours aussi ingénieuse. Rapidement, il partit se placer derrière le battant de la porte, toujours ouvert, puis sortit de sa poche un large mouchoir blanc, qu’il plia dans le but d’y verser du sédatif, trouvé dans une quelconque pharmacie en ville. Il rangea la bouteille, et attendit calmement dans l’ombre que sa cible s’approche. Au bout de quatre ou cinq minutes, il entendit des bruits de pas pressés venir du trottoir, au dehors. 47 se glissa alors rapidement derrière une caisse, accroupi, et tout en dévissant le bouchon de la bouteille, observa l’homme entrer, poser le paquet rempli de croissants et autres pâtisseries sur le sol, et commencer à fermer la porte. Il n’entendit pas l’ombre se glisser derrière lui, et sentit juste une douce sensation de légèreté quand on lui pressa le mouchoir sur le nez et la bouche. Il tenta de crier, de se débattre, mais ne put que parvenir à tomber dans l’agréable inconscience d’un sommeil forcé. Hitman traîna le corps du jeune asiatique dans un coin du hangar, puis le laissa tomber et s’approcha d’une large armoire entourée d’une protection en plastique uniforme, totalement identique aux autres, comme un clone. D’un geste précis, il l’enleva, ouvrit la porte et y déposa l’agent, avant de lui prendre ses vêtements. Puis il referma la porte de l’armoire, sans toutefois remettre la protection ; le pauvre bougre serait bien obligé de s’enfuir. Si on l’oubliait là-dedans ou qu’il asphyxiait, il aurait l’Agence sur le dos. L’homme avait un bonnet, et 47 fut heureux de le caler sur sa tête nue, affalé d’une simple veste en cuir cachant son 9mm et d’un pantalon en jean tout ce qu’il y avait de plus normal. Puis il se dirigea vers l’entrée du dépôt, ferma la porte et saisit le paquet du boulanger, se mettant ensuite à marcher jusque vers l’armoire visée par les caméras. D’une main experte, il saisit la poignée ronde, pour se rendre compte que la porte ne s’ouvrait pas. Il était devant les caméras ; il était un agent de l’Agence en faction dans la planque qui savait comment entrer. S’il ne l’était pas, sa couverture et sa seule chance de trouver la taupe de Beldingford étaient foutues. Mais il remarqua bientôt qu’il suffisait de la tourner, et en moins de quelques secondes, il s’était engouffré dans l’armoire, la porte lentement refermée derrière lui. À l’intérieur, c’était le noir total, et il se demanda s’il n’avait pas à nouveau commis une bourde quand il trouva, en tâtonnant au bout de trente secondes, un interrupteur au plafond. Il l’activa, et une lampe s’alluma bientôt, alors que toute l’armoire semblait se mettre à bouger ; un ascenseur. 47 faillit esquisser un sourire devant cette situation inhabituelle, mais il se ravisa dès que l’étrange cage se fut stoppée et que la porte à deux battants s’ouvrit devant lui. La planque s’était modernisée. Le sol était fait d’un vieux parquet, mais les murs étaient désormais en briques neuves et rougeoyantes, de larges lampes à néon éclairant parfaitement la petite fourmilière qui se dressait face à lui. La salle devait faire dix mètres de long sur six, avec une hauteur d’au moins trois mètres, d’où partaient une multitude de couloirs. Le tout aurait été parfait, si des caméras supplémentaires n’étaient pas venues s’ajouter, ainsi qu’une rangée d’ordinateurs et de techniciens. La pensée des sous-sols soviétiques de St Petersbourg ne put s’empêcher de lui traverser l’esprit, alors qu’il posait le paquet des mets du boulanger à côté d’un ordinateur, et que tous les agents se ruaient déjà dessus. Il se dirigea rapidement dans un couloir à sa droite, et passa sous une petite caméra, une caméra comme il en avait déjà vu des tonnes, une de ces caméras comme celle qui l’avait coincé un jour au Portugal.
« 47, votre contrat d’aujourd’hui est plutôt simple : notre cible est un cuisiner, nommé Rùben Danilo. »
Ce jour-là, installé dans une petite maison de campagne au bord de la mer, observant la vidéo sous le bruit des vagues et des oiseaux, Hitman ne s’attendait pas à finir hors de l’Agence. C’était quelques semaines après la fin de ses ennuis avec le père Vittorio ; c’était sa première rencontre avec Lenny James.
-Il est cuisinier en chef dans un restaurant de Lisbonne, et semble profiter de sa position privilégiée pour faire main basse sur ses ennemis et ensuite racheter leurs établissements, augmentant ainsi de manière astronomique sa fortune. On lui attribue la mort accidentelle de quatre célèbres cuisiniers européens… dont deux liquidés par nos agents, il est donc connu de nos services, mais comme client. Cette fois-ci, il semble que ce soit l’inverse, mais ce n’est pas notre problème, comme toujours. Notre commanditaire nous donne un bonus plutôt agréable s’il meurt devant les yeux de tous, lors d’une conférence entre les grands noms de la cuisine européenne, qui doit avoir lieu ici même, dans la capitale. Pour ce, nous vous avons préparé de quoi vous aider… Bonne chance, 47.
Hitman avait tourné la tête vers le sachet qui contenait une poudre étrange. De la drogue, du poison ? Il s’était approché de l’étiquette, l’avait lue et s’était soudain demandé qui était le sadique qui avait donné de l’argent pour ce contrat.
Il s’était glissé comme invité, sans armes à feu, lors de la conférence. Un chef italien était alors en train de préparer un met bien de chez lui, mais Hitman ne s’en souciait guère. Après quelques repérages, il avait repéré les cuisines. Remarquant que les serveurs avaient le droit de s’y introduire, il en avait assommé un dans un coin sombre. En quelques dizaines de seconde, il s’était habillé de son costume rouge sombre avec chemise blanche et nœud papillon noir, des gants étincelants au bout des doigts. Parfaitement méconnaissable, un plateau entre les mains, il s’était introduit dans les cuisines, là où les ingrédients de la recette de Danilo étaient préparés. Après s’être assuré que personne ne regardait, il avait trafiqué la salière, et remplacé le sel en question par la poudre qu’on lui avait donnée. La chose qu’il n’avait pas vue, c’était cette caméra au-dessus de lui. Lorsqu’il était reparti, et que Danilo avait commencé sa recette devant la foule, on s’était aperçut trop tard que quelqu’un était venu en cuisine. Hitman était déjà sorti quand la salière laissa tomber dans l’eau qui était en train de bouillir le concentré de potassium. D’après Diana, le commanditaire était ravi, et ce n’était pas le titre « La recette explosive de Rùben Danilo» du journal national qui avait paru le lendemain qui l’avait déçu ; la prime du tueur avait doublé. Hitman serait bien reparti de Lisbonne si, le jour suivant, un homme aux cheveux gris n’avait pas frappé à sa porte…
« -Qui est-ce ? demanda le tueur au travers du battant.
-J’ai quelques questions à vous poser, fit la voix.
Mauvais signe. Très mauvais signe.
Rapidement, Hitman prit son argent, les informations que Diana lui avait remises et son Silverballer silencieux, pour ensuite demander, la porte toujours fermée :
-À propos de ?
-Monsieur, ouvrez la porte, j’aimerais vous parler.
-Désolé mais je n’attends personne… répondit 47 d’une voix neutre, tout en étant légèrement stressé.
Il ouvrit un petit sac à dos noir dans lequel il fourra rapidement tous les papiers concernant la cible, qu’il aurait pourtant dû brûler dans la cheminée comme il le faisait d’habitude, ou les jeter dans un égout. Il y jeta également les liasses de billets qu’un contact de l’Agence lui avait donné quelques heures auparavant, les intérêts compris. Soudain il crut apercevoir une ombre dans le jardin, puis une deuxième, qui s’extirpait de la haie avec précaution.
-C’est une urgence, monsieur !
-Désolé, je ne…
-Ouvrez la porte monsieur, Interpol !
Code 47 étouffa un juron, et se rendit compte un peu trop tard que des forces d’intervention entouraient la maison. Lorsqu’un premier agent le vit, de l’extérieur, arme à la main, il cria quelque chose en portugais au reste de l’équipe et, en quelques secondes, une demi-douzaine de grenades fumigènes brisèrent les larges portes vitrées du salon pour tomber un peu partout, commençant à remplir l’air d’une âcre fumée volubile. La porte fut défoncée avec fracas, et avant que le premier agent d’intervention ait eu le temps de faire le moindre geste, sa tête était déjà perforée violemment par une balle de Silverballer. Il s’écroula aussitôt en arrière dans une gerbe de sang alors que l’agent qui le suivait criait d’horreur, sa combinaison remplie de l’hémoglobine de son coéquipier. Rapidement, Hitman sauta derrière un canapé en vidant son chargeur en direction de la porte alors que les fumigènes commençaient à envahir toute la pièce, éliminant ainsi deux ennemis qui entraient, MP5 à l’épaule. Anticipant les réactions du reste des forces spéciales, il se coucha à terre, le sac à dos fortement accroché autour de ses épaules, tandis que le canapé se faisait trouer de parts et d’autres par les rafales des soldats ennemis, faisant voler mousse et tissu à travers la pièce enfumée. 47 laissa tomber son chargeur sur le sol, en saisit rapidement un autre, et pointa son arme vers un agent qui venait de dégainer dans sa direction, ne lui laissant pas le temps de faire le moindre geste, son corps troué de quatre balles dans un râle aigu, les quatre douilles tourbillonnant devant les yeux du tueur ; l’homme tomba à terre, sembla voir un spasme, puis 47 détourna son regard, la fumée commençant réellement à lui démanger les yeux. D’autres ennemis allaient bientôt arriver, il fallait se dépêcher de sortir. 47 se leva, quitta rapidement sa cachette, leva son pistolet vers un autre agent et lui tira deux balles dans la jambe. L’homme tomba en criant, et tenta d’aligner l’assassin silencieux alors que celui-ci se ruait dans la cuisine ; les balles perforèrent avec puissance la porte et le mur alors que Hitman entrait de justesse. Il se dirigea rapidement vers le réservoir de gaz, et ouvrit la vanne au maximum ; cette odeur mélangée à celle des fumigènes le fit vaciller. Il ouvrit rapidement la fenêtre et sauta, puis se mit à courir sur quelques mètres… pour se stopper immédiatement sur sa lancée, se retrouvant nez à nez avec un homme habile, armé d’un MP5. Le canon était à moins de vingt centimètres de sa tête, il était fait comme un rat.
-Revenu d’entre les morts, très cher ? lui fit l’homme.
C’était l’homme qui lui avait parlé à travers la porte. Un peu moins de cinquante ans, des cheveux gris et un regard froid mais d’une intense intelligence.
-Passe-moi ton arme, fit-il en lui prenant le pistolet des mains. C’est toi qui a fait le coup du sel à Danilo ?
Hitman ne cilla pas, ne répondit pas, se contenta de le regarder dans le plus profond des yeux.
-Réponds ! C’est toi qui t’es introduit dans les cuisines pour mettre de la matière explosive dans la salière ?!
Le tueur détourna les yeux. Aucun regard. Aucune réaction.
-RÉPONDS !
Aucun souffle. Pas une once de vie dans les gestes du tueur.
-Bien… fit James, pensant pouvoir utiliser les mêmes méthodes sur 47 que sur les malfrats avec qui il traitait la plupart du temps, voulant lui administrer une balle dans le pied.
Mais alors qu’il baissait son arme en direction des jambes de Code 47, celui-ci avait écarté la mitraillette d’un puissant coup avec sa main, et Lenny James avait malencontreusement mis le doigt sur la détente. De la rafale, une balle avait atteint le rebord de la fenêtre de la cuisine, provoquant ainsi une minuscule étincelle ; celle de trop. Avant que l’assassin silencieux ou l’agent d’Interpol ait pu faire le moindre geste, une intense lumière les aveugla, et un souffle puissant les projeta à terre. L’impulsion fit littéralement s’envoler tous les soldats d’élite qui se trouvaient à moins de dix mètres avant même que le feu ne commençât à consumer les murs. L’explosion ravagea la moitié de la maison, provoquant une boule de feu rougeoyante au niveau de la cuisine ; les murs furent soufflés, le toit se perça de manière étrange pour laisser sortir les vagues de feu et toutes les vitres de la maison furent éparpillées au quatre vents. Lorsque la boule de feu avait disparu, c’était pour rapidement laisser place à un trou béant, une colonne de fumée noire et des débris tombant par dizaines autour de la maison. Quand Lenny James se réveilla, la tête lourde, Hitman était parti, et il ne restait plus qu’un beau ciel bleu et de la fumée s’élevant jusqu’au lointain. »
Une autre caméra.
Hitman haïssait les caméras depuis ce jour-là. Diana s’était montrée furieuse : neuf agents d’intervention de la police de Lisbonne avaient été tués, et il avait depuis Lenny James sur le dos. Et ici, les caméras étaient omniprésentes. Il y en avait sur tous les murs de brique, et il espérait que sa venue ne serait pas trop remarquée, car de toute façon elle ne passerait pas inaperçue. Il trouva une porte, sur sa gauche, et se mit difficilement dans l’angle mort d’une caméra pour observer la pièce depuis la serrure. Un genre de dortoir, avec trois lits, peut-être une pièce de repos. Un seul homme dormait, il était inutile d’entrer ici. Continuant sa route parmi le labyrinthe dans les sous-sols de Hong Kong, il finit par remarquer que tous les fils accrochés au murs convergeaient vers une même pièce. Passant sous la caméra qui filmait la porte de la pièce en question, Hitman en profita pour débrancher le fil qui la maintenait en vie. Il s’approcha alors rapidement de la porte, et mis son oreille contre le battant, pour entendre le bruit caractéristique d’ordinateurs en chauffe. La porte était fermée ; la serrure était trop étroite pour regarder. Il sortit vite de sa poche son matériel de crochetage, et commença l’opération. Au bout de quelques secondes seulement, l’antique serrure céda. Il ouvrit légèrement le battant, pour s’assurer qu’il n’y avait personne, et c’était le cas. Alors qu’il fermait doucement la porte, un garde venait rebrancher la caméra, à son insu.
À l’intérieur, la pièce était remplie de serveurs, mieux valait ne pas y toucher. Mais ils contenaient également toutes les infos dont l’ex-meilleur homme de l’Agence pourrait avoir besoin. Il sortit de sa poche un CD qu’il inséra dans un ordinateur, et commença à copier tous les fichiers qui l’intéressaient depuis la base de donnée, du moins c’est ce qu’il comptait faire.
« Données réservés. Veillez entrer le nom d’utiliser et le mot de passe »
47 ne put s’empêcher de jurer. BRO4887 était probablement désactivé, et même si ce n’était pas le cas, c’était trop risqué. Il avait vite appris à maîtriser l’informatique, mais le système de l’Agence était rudement corsé, néanmoins il n’était pas venu jusqu’ici pour tout abandonner. Rapidement, en quelques coups de codes informatiques, il arriva sur un menu, et arriva à accéder au système qui traitait les données, et la protection de données du système. Bien qu’ayant grandi toute sa vie sous les yeux attentifs des scientifiques à la solde de Ort-Meyer, et sans ordinateurs, il fallait avouer qu’il s’était montré très doué dans la manipulation de programmes et de systèmes, réussissant à entrer dans les recoins informatiques les plus complexes. Ici aussi, le codage était complexe, et Hitman commença à suer. Ses doigts tapaient frénétiquement sur le clavier, et faire une erreur maintenant serait fatale. Il tenta de désactiver le mot de passe des dossiers auquel il avait accès, mais c’était impossible depuis l’ordinateur de la planque de Hong Kong. Il dut se contenter de rentrer dans le système administrateur, chose qu’il réussit à faire au bout de huit minutes, en alignant avec ingéniosité les lignes de codes, pour créer un nouveau compte, ayant accès à tous les dossiers. Il serait rapidement découvert, en quelques minutes probablement, mais c’était le mieux à faire. Une fois qu’il put entrer le nouveau nom d’utilisateur, il désigna rapidement tous les dossiers qui les intéressaient ; le sien, celui de Gregorovitch, tous ceux des chauffeurs et autres agents secondaires de l’Agence, celui qui contenait les informations relatives aux planques dans le monde, et même celui de Crooney, le trafiquant de drogue liquidé à Detroit. Le dossier de Diana ? Hitman y avait accès, et il ne put s’empêcher de pointer la souris dessus, il ne suffisait plus qu’à cliquer, pour savoir qui elle était réellement. Mais pourquoi ? La vengeance ? S’il voulait avoir l’occasion de prouver son innocence et de retourner à l’Agence, mieux valait ne pas y toucher. L’ordinateur chauffait fortement, et l’enregistrement du CD arrivait à sa fin, quand un message s’afficha en rouge sur l’écran :
« PIRATAGE, ACCES INTERDIT A DONNEES CONFIDENTIELLES »
-Merde !
47 appuya rapidement sur une touche, et le CD sortit du compartiment. Alors qu’il ouvrait la porte pour s’enfuir, une alarme résonna dans les couloirs. Rapidement, l’assassin plongea sa main dans la veste, pour en sortir son Beretta silencieux et le pointer vers la caméra. A l’autre bout des souterrains, dans la salle de sécurité, le technicien ne vit ensuite plus que des parasites sur l’écran de contrôle, bientôt suivis par d’autres sur un second écran. En quelques secondes, quatre caméras furent hors service, et il pouvait ainsi aisément, grâce aux caméras détruites, suivre la direction que prenait le tueur, qui courait à en perdre haleine à travers les sombres couloirs. Soudain, la porte de la salle de repos s’ouvrit, et l’agent qui y dormait en sortit, arme à la main. Avant qu’il n’ait pu faire le moindre geste, Hitman, qui arrivait dans sa direction en courant, lui claqua la porte au nez, et l’homme tomba dans l’ouverture, le visage en sang. Deux autres agents arrivèrent face à lui, également armé, et dégainèrent. Il ne restait plus beaucoup de munitions dans le Beretta, et il suffit d’une balle pour détruire le néon au-dessus de l’homme, plongeant une partie du couloir dans la pénombre. Hitman put ainsi éviter les tirs très peu précis d’un des deux agents, et lui envoyer un puissant coup de coude en passant à son niveau, puis poussant violemment l’autre ennemi contre le mur, qui s’écroula dans un grognement.
Il arriva enfin face à l’ascenseur et s’y engouffra, haletant. Alors que les agents en factions commençaient à tirer, les portes se refermèrent à temps, faisant ricocher en éclats lumineux quelques balles provenant de tirs précipités. Dans le noir de l’ascenseur-armoire, 47 respira un grand coup, et mit la main dans sa poche pour s’assurer que le CD était encore là, et c’était bel et bien le cas. Il profita de ces quelques secondes dans le noir total pour lui aussi fermer les yeux, et faire le vide dans sa tête et sa vie. Quelques instants de paix. En sortant, il utilisa ses deux dernières balles pour annihiler les deux caméras, puis repartit rapidement en direction de son hôtel, sous l’œil attentif de James, encore aux aguets, empli de nervosité dans sa petite camionnette. Le molosse avait les crocs acérés, et sa proie devenait de moins en moins prudente… mieux valait pour lui en profiter tant que c’était le cas.

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