Aéroport Roissy Charles de Gaulle, Paris, 4 Juillet 2008
-Votre passeport je vous prie, fit la jolie employée à l’embarquement.
Sans sourire ni même lui porter la moindre attention, Hitman lui tendit le papier, qu’elle lui prit rapidement des mains avec, quant à elle, un large sourire. Et lui rendit rapidement le document, après un léger coup d’œil.
-Bienvenue à bord, monsieur Zimmerman, vous êtes en première classe !
L’assassin silencieux ne fit pas un geste, prit le faux passeport et traversa le détecteur de métaux, qui ne fit aucun bruit. Sa corde à piano était indétectable, et il avait une capsule de cyanure cachée dans le talon de sa chausse gauche. Il était en avance, l’un des premiers dans l’appareil, et c’était tant mieux. Il se trouvait sur un des sièges de l’aile droite, direction couloir, parfait pour observer les passagers entrer. Pour cette fois, Beldingford avait effectué un travail exemplaire. Il attendit quelques minutes, pensif, scrutant le vide et pensant aux détails de la mission jusqu’à ce qu’une passagère d’âge moyen, empruntant le couloir, le force à rester sur ses gardes. Il prit un journal qui se trouvait dans la poche arrière du siège qui se trouvait devant lui, l’ouvrit et fit mine de le lire, son esprit dévisageant chaque passager qui entrait dans l’appareil. Neill n’était toujours pas en vue, et l’avion était presque plein. Était-il en retard ? Ca valait mieux pour Beldingford, si celui-ci avait encore commis une erreur, Hitman se chargerait de lui personnellement, et se contenterait de l’argent du contrat Petersen. Il grogna, et dut encore se lever pour laisser passer un homme, côté fenêtre. Puis il arriva, à bout de souffle, à l’entrée de l’avion, le visage rouge et l’air encore plus gros que sur la photo. Alors que l’image du Roi de la Viande lui traversait furtivement l’esprit, il remarqua également ses deux gardes deux corps, un Blanc et un Noir, tous deux plus massifs l’uns que l’autre. 47 se rassit, pris son journal et observa du coin de l’œil Gregory Neill s’asseoir une rangée devant lui, allée centrale, entouré par ses deux gorilles, tous deux portant un costume noir. On ferma la porte de l’avion, et il commença à se positionner sur la piste alors qu’une hôtesse expliquait les règles de sécurité. Quelques minutes plus tard, l’appareil s’élevait du sol, et on commença à parler un peu partout. Hitman tendit l’oreille, tentant de distinguer la voix de l’agent de la CIA des autres qui envahissaient son esprit.
« … restez sur vos gardes surtout, je ne veux pas que tout ça finisse en bain de sang. »
C’était lui, et d’après ce qu’il avait compris, ses gardes du corps étaient armés. Aucune issue pour lui en cas de pépin.
« Chef, nous sommes dans un avion, qui pourrait savoir tout ça ? »
« Je n’en sais rien… mais on n’est jamais trop prudent. Vous l’avez vu ? »
« Vu qui ? » fit l’autre garde.
Neill jura entre ses dents.
« Notre contact bon Dieu, qui d’autre ?! »
Un contact ? Hitman resta pensifs quelques instants, il se passait quelque chose ici, et il sentait bien que Beldingford n’y était pas totalement étranger.
« Non, pas vu » répondit l’un des gardes
« Très bien, ouvrez l’œil, vous savez à quoi il ressemble. Quand vous le verrez, demandez-lui s’il a en sa possession un jeu de cartes »
« Mais… on est là pour vous protéger non ? »
Cette fois-ci, l’agent ne put s’empêcher de hurler un ignoble juron au travers de l’appareil, et mettre un claque sur la tête de son garde.
« C’est un code merde ! » siffla-t-il entre ses dents.
« D’accord… autre chose ? »
« Oui, un cognac ! »
L’un des agents se leva et commencer à observer les passagers de l’appareil, tandis que l’autre partait en direction d’une hôtesse pour le cognac. Ce serait parfait pour le cyanure, se dit Hitman, mais c’était encore trop risqué. Le vol venait de débuter, il valait mieux le tuer vers sa fin. Durant quelques instants, il ne vit plus les deux gorilles, qui étaient chacun partis dans un côté opposé de l’appareil, jusqu’à ce que le Noir revienne dans sa direction. Il s’arrêta net aux côtés de l’assassin silencieux, se tourna vers lui et demanda :
-Bonjour, monsieur, auriez-vous un jeu de cartes à nous prêter ?
47 en eut le souffle coupé, la mâchoire serrée, se demandant encore ce que cet imbécile de Beldindford avait manigancé, quand soudain un simple jeu de cartes accompagné d’une main lui passa sous le nez. Gardant son calme, il attendit que le garde du corps le prenne entre ses doigts avec un sourire faux ; et tourna la tête vers le passager côté fenêtre. C’était donc lui le contact ! Il le dévisagea : la trentaine, des cheveux châtains, portant un costume clair et une carrure assez athlétique. Celui-ci se tourna vers cet étrange homme au crâne rasé avec cravate rouge, lui fit un petit sourire poli et observa le ciel depuis le hublot. Hitman resta calme. Il ne pouvait rien faire dans l’avion, il fallait attendre qu’il bouge, ou change de position. On lança un film américain de seconde zone, et alors que tout le monde mettait un casque sur ses oreilles, 47 faisait encore semblant de lire son journal, observant du coin de l’œil le massif agent qui revenait vers lui. Il tendit le paquet de cartes à son contact et lui dit :
-Il me semble qu’il manque une carte… le huit de carreau.
Toujours la tête dans son journal, Hitman observa le jeu passer devant lui. Le contact les feuilleta, jusqu’à ce qu’il trouve la carte en question qui était bien sûr présente dans le jeu. Il sortit un stylo, nota quelque chose et rendit le paquet en disant d’un air minable :
-Désolé… elle a dû tomber !
Le garde reprit le paquet de cartes et retourna s’asseoir.
« C’est bon, on a nos infos » fit Neill.
« Je vais lui rendre le jeu ? » demanda un garde.
« Tu as fini de recopier les infos ? »
« Oui »
« Alors vas-y »
À nouveau, le manège continua, le garde se leva, arriva près de la rangée où était assis l’assassin silencieux et rendit le jeu de cartes au contact en le remerciant.
« Maintenant, on a plus qu’à profiter du vol » dit Neill avec un air heureux. « Johnny, va me chercher un autre cognac »
Le garde du corps blanc se leva, et alla chercher le verre d’alcool, selon les ordres de l’agent de la CIA. 47 était, quant à lui, perdu dans ses pensées. Est-ce que ce petit tour de passe-passe avait un rapport avec l’ami de Bedingford ? C’était possible, et la CIA était on ne peut mieux placée pour les magouilles en tout genre. Mais son esprit méthodique lui disait le contraire ; si quelqu’un leur posait problème, l’éliminer n’en était pas un. Non, le problème était ailleurs, ça semblait ressembler à un échange d’informations, entre habitués. Il était encore en train de penser à tout cela quand le contact se leva, se dirigeant vers les toilettes. C’était le moment où jamais. Code 47 se leva également calmement et suivit l’homme avec précaution. Le contact entra derrière un petit rideau, dans une partie de couloir qui séparait les classes de l’avion. Hitman le suivit rapidement, les rideaux étaient tirés des deux côtés, il fallait agir maintenant. Alors que l’homme entrait dans les toilettes, 47 lui poussa violemment la tête contre le mur. Il y eut un bruit sourd, et la masse corporelle de l’individu tomba avec un bruit mat sur le sol. Le tueur entra dans la cabine et ferma la porte, puis vérifia que sa victime était encore en vie ; et elle l’était. Il fouilla dans la poche interne de sa veste, jusqu’à trouver les cartes en question. Il les feuilleta, et trouva les inscriptions sur le huit de carreau : « Cible n°42, 08.11.08, 14 :20 GMT ». Des informations simples : une cible à trouver, ou éliminer, une heure, une date. Aucun lieu. Hitman observa toutes les autres cartes mais sans succès, il n’y avait rien. C’était totalement illogique ! Le garde était revenu pour lui demander le huit de carreau, mais il était bien plus simple pour le contact d’avoir noté les informations auparavant, avant de donner le jeu de cartes ! Ca ne collait pas, vraiment pas. 47 grogna, et, dans sa colère, laissa tomber une des cartes sur le sol. C’est seulement en la prenant qu’il remarqua comme une ondulation sur sa surface, comme si la lumière la transperçait. Il la mit à la lueur de la lampe des toilettes : il n’y avait rien, mais elle était fabriquée dans un matériau transparent à la lumière. Voilà donc le secret de ces petits joujoux ! Il les leva toutes vers la lumière, et finit par en trouver trois qui correspondaient. Le huit de cœur, le huit de trèfle et le huit de pique. On y voyait précisément des photos, et quelle ne fut pas la surprise de 47 en les découvrant. L’une d’elle représentait une personne très maigre, une autre une personne que Hitman ne connaissait pas non plus, et la dernière… Petersen ! Il y avait un rapport entre ces personnes.
-Beldingford, espèce de chien, tu m’as encore manipulé !!!
Il tapa du poing comme le miroir des toilettes qui se brisa en toile d’araignée. De rage, il prit sa chaussure et en sortit la capsule de cyanure, se demandant s’il ne devait pas l’user sur sa propre personne pour enfin tout arrêter. Mais il se calma bientôt, et la rangea dans son Armani. Il savait désormais qu’il y avait anguille sous roche. Tranquillement, il remit le jeu de cartes dans la poche de l’homme encore évanoui, dans le même ordre qu’en les sortant, et lui versa de l’eau sur la tête. Il saignait du nez, et l’eau dilua son hémoglobine tout en ouvrant faiblement ses yeux. Il cria, et porta la main à sa tête. Pour ne pas paraître suspect, Hitman rouvrit rapidement la porte, comme s’il venait à son secours.
-Nom de Dieu, qu’est-ce qui s’est passé ?
-Il y a eu quelques turbulences, fit Hitman. On dirait que vous avez percuté le miroir de plein fouet…
L’homme tourna sa tête vers le miroir brisé, puis vers le tueur, et le dévisagea longuement.
-Merci… je ne vous aurais pas déjà rencontré par hasard ?
-J’étais assis à côté de vous, et j’ai vu que vous ne reveniez pas des toilettes.
-Ah, merci, fit-il d’un air faible.
Hitman se leva, et repartit s’asseoir avec calme alors que le contact de Neill essuyait le sang qui coulait sur son visage. Il garda en mémoire les photos, la date du 8 Novembre 2008 à 14 heures 20 GMT, et se demanda ce que préparaient ces hommes. Ils semblaient faire partie d’un groupe, et également continuer leurs activités même après la mort de Petersen. Beldingford ne lui disait pas tout, il ne jouait pas cartes sur table. Tant pis pour lui, il en subirait les conséquences.
samedi 15 décembre 2007
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