-Ici l’unité 2, nous avons la cible en visuel… sur un balcon… attendons instructions.
L’hélicoptère avait fini de survoler l’immeuble, et on venait de repérer l’homme. Tueur à gages selon l’avis de recherche. Dans l’équipe, certains disaient qu’il avait couvert sa propre mort quelques années auparavant pour continuer son métier. Jefferson, le chef de l’unité 2, n’en avait pas vraiment souci. Pour lui, c’était une cible, une simple cible. Il fallait le chasser, et l’attraper. Il aurait certainement vomi ou aurait jeté son uniforme à terre en sachant que l’assassin agissait selon les mêmes règles, sauf que celui-ci finissait son travail par la sentence fatale. Jefferson préférait ses menottes à son M4, mais il fallait avouer que celui-ci était parfois bien plus utile.
-Ici central, vous avez ordre de l’intercepter.
Le pilote entendait la conversation, et finit de contourner un gratte-ciel pour repartir en direction de Code 47.
-Très bien, fit Jefferson. Vif j’imagine.
-De préférence, lui répondit la voix du central avec un petit grésillement. Mais vous êtes autorisé à tirer. Il est dangereux, d’après nos renseignements.
L’hélicoptère s’approchait de l’immeuble, quand Jefferson remarqua qu’un fusil sniper était disposé contre la barrière. Ce satané tueur semblait encore en activité, et sur un coup. Jefferson ajusta son casque et ses lunettes, puis changea le mode de tir de sa mitraillette, de sécurité vers automatique.
-Préparez les cordes ! Il semble nous avoir repéré.
Alors que le tueur laissait tomber une radio sur le sol et qu’il s’élançait à l’intérieur de l’immeuble, le chef de l’équipe attachait son harnais au système de descente en rappel de l’appareil.
-La cible vient de rentrer dans l’immeuble. Je répète : la cible vient de rentrer dans l’immeuble.
L’hélicoptère se stabilisa, et avant même que la corde qui tombait sur le toit de l’immeuble ne touchât le toit, Jefferson sautait déjà au-dehors de l’appareil, la main serrée sur sa corde en nylon. Durant ces quelques secondes où son corps était balancé le long de la corde, où le fort vent qui longeait les immeuble le frappait de plein fouet, il profita simplement de la vue sur l’Hudson River, du calme et du bleu du ciel ainsi que des jeux de miroirs des immeubles de Manhattan, reflétant la beauté de ce coin qui paraissait si tranquille.
-L’unité 1 a bloqué les ascenseurs et est en train de passer par les escaliers, informa le central alors que les pieds de Jefferson tombaient sur béton du toit avec force. Où en êtes-vous ?
-On débarque. 78e étage c’est ça ?
-Affirmatif.
Jefferson ne dit pas un mot de plus, et courut en direction des rebords. Des barrières de deux mètres de hauts empêchaient les dépressifs suicidaires à tenter l’expérience, mais ce n’était aucunement un problème pour l’unité. Les six membres de l’équipe se mirent rapidement en position sur les lieux, et accrochèrent les harnais en acier autour des sorties de la climatisation, rambardes et autres pythons installés ici on ne sait trop pourquoi. Ca n’avait pas d’importance. Jefferson fit cliqueter son harnais, vérifia son matériel et escalada la barrière, puis attendit que le reste de l’équipe ait fini. Huit secondes. Huit secondes de paix le haut d’un gratte-ciel. Le roi du monde…
-Ici central, l’unité 1 a des problèmes !
Le standardiste semblait stressé, il y avait des emmerdes. Jefferson avait entendu quelques crépitements au loin, et avait eu le secret espoir que c’étaient une télévision ou autre radio. La réalité les rattrapait : leur ennemi était on ne peut mieux entraîné.
-Ici unité 2, nous sommes prêts à descendre, dit Jefferson en adressant un coup d’œil au reste de l’équipe.
Le central ne répondit pas. Jefferson tourna la tête de chaque côté, observant ses hommes assis sur la rambarde. Il hocha la tête et tira la culasse de son M4 en arrière, avec ce bruit sec et caractéristique précédant un massacre proche, et chacun fit de même, comme dans un funeste ballet.
Il prit une dernière respiration, laissa pendre son arme dans son dos et s’élança en direction du vide.
-Nom de Dieu nous avions bien précisé à vos services de ne pas intervenir ! Vous deviez seulement nous fournir vos informations !
Lenny James connaissait bien New York. Il y avait passé un peu de temps en tant qu’agent dans les années 90, et avait probablement aidé à faire fortement baissé la moyenne de crime. La seule différence entre lui et Forthy, qui restait de marbre devait la fureur du molosse, c’était que celui-ci y allait à l’arme de service et au fusil à pompe lors de descentes, alors que l’agent d’Interpol faisait des planques de plusieurs jours pour coincer un suspect.
-Ecoutez mon gars… foutez-moi la paix, je sais faire mon boulot, lui répondit Forthy d’un ton sec.
Ils étaient au pied de l’immeuble, se dirigeant vers son large hall. Les passants regardaient avec attention le camion des Swats garé devant l’immeuble, qu’aucun policier n’avait pris la peine de déplacer. Quant à Forthy, même s’il faisait au bas mot vingt centimètres de moins que James, il n’en était que plus dur à cuire.
-Justement, NON ! Lui hurla Lenny James, lui postillonnant quasiment au visage. Ou alors vous ne savez pas lire, espèce de….
Mike, qui s’était tenu tacite jusque là, lui donna une tape sur l’épaule. James tourna son visage enragé vers lui, quand il se rendit compte que c’était juste pour le calmer. Son cou musclé se détendit soudain et il reprit d’un ton plus calme, devant un Forthy qui n’avait pas l’air intimidé le moins du monde :
-Cet homme est intelligent. Il a déjà tué des dizaines de fois à travers le monde… certains cas tiennent presque de la science-fiction. Vous avez entendu parler de Fournier, le commissaire de Paris assassiné dans une ruelle sans que personne ne s’en aperçoive avant des heures ? Ou alors Hayamoto, ce mafieux japonais qui tient presque du mythe tellement il travaille dans l’ombre ? Les exemples tiennent dans un dictionnaire, et ce n’est pas, excusez-moi, un simple flic de New York qui va lui mettre le grappin dessus aujourd’hui !
Forthy fit la grimace. Même s’il avait un mental en fer forgé, le souvenir de la mort du commandant Chanders et de l’humiliation qu’il avait vécues lui revinrent en mémoire. Mais il n’était pas du tout du genre à laisser tomber. Ç’aurait été trop facile.
-J’ai envoyé deux unités spéciales en haut, pour le prendre par surprise. Je peux vous assurer que…
Sa radio grésilla. Il cligna des yeux, lentement, inutilement, sachant pertinemment que c’était le canal réservé aux mauvaises nouvelles. James le savait aussi, et fit peser sur lui un regard réprobateur. Forthy appuya sur le bouton de la radio.
-Ici Forthy, fit-il après un silence.
-Ici central… nom de Dieu, on a perdu deux hommes !
Il lâcha le bouton de la radio, et observa Lenny James dans le fond des yeux.
-Je vous écoute. Qu’est-ce que vous proposez ?
James eut un sourire.
Toutes les vitres du 78e étage volèrent en éclat alors que les six hommes pénétraient à l’intérieur de l’appartement. Dans le même mouvement, alors que leurs pieds n’avaient pas encore touché terre et que les éclats brillants des baies vitrées virevoltaient dans l’air, ils décrochèrent leurs harnais et atterrirent au sol avec bruit, les bris de verre crissant sous leurs bottes noires. Aussitôt, leurs M4 furent levés vers le vide et l’inconnu, vers une cible potentielle qui serait rapidement transformée en passoire. Durant quelques secondes, les membres de l’unité 2 restèrent ainsi, immobiles, leurs formes découpées par la lumière du puissant soleil de juillet qui filtrait à travers ce qui restait des fenêtres et des bouts de verres qui étaient encore raccrochés aux cadres. Puis, lentement, Jefferson leva une main et fit signe à chacun de s’avancer deux par deux. Sans un bruit (sauf peut-être le verre qui crissait à nouveau sous ses pas), il commença à avancer et à vérifier les pièces. L’appartement était spacieux, et les rayons solaires faisaient briller les œuvres d’art anciennes sur les étagères et les tableaux sur les murs. Un appartement de riche… et une porte ouverte, trouée de quatre trous qui s’étendaient à l’horizontale à la hauteur des yeux. Et des tirs. Trois tirs, de pistolet, suivis rapidement par des crépitements rapides d’armes automatiques. Jefferson, son arme toujours levée devant lui, gloussa, puis fit un pas de plus et ouvrit la porte d’un grand coup de pied, alors que son coéquipier braquait inutilement ce qui aurait pu se trouver dans son encadrement. Celui-ci jeta un coup d’œil à Jefferson, lui indiquant de vérifier la droite. Rapidement, chacun sortit de l’appartement, se positionnant à genoux dans le couloir, dos à dos, visant de leur côté. Puis encore deux tirs de pistolets dans les environs, et un gémissement, suivis à nouveau de tirs de mitraillettes, dont on entendait clairement les ricochets des balles dans la cage d’escalier, contiguë à l’ascenseur.
-Ici unité 2, articula Jefferson dans son casque, en tentant de rester calme. Où est en la situation ?
Un silence. Puis…
-MERDE !!! hurla le standardiste du central. Merde, merde, merde, merde !
-Bon sang, qu’est-il arrivé à l’unité 1 ?!
Les autres membres de l’équipe avaient fini de fouiller l’appartement et sortirent de la porte, les armes pointées vers le sol, s’avançant lentement de la cage d’escalier, dont un duo en tête. Jefferson leur fit signe de ne pas s’approcher, mais les deux hommes étaient déjà en train de s’avancer.
-On vient de perdre un homme… non deux !!!
Soudain, trois autres coups de feu déchirèrent le calme moyen du couloir et le premier homme qui s’avançait vers l’escalier fut éjecté contre le mur, laissant tomber son arme au sol. Jefferson coupa net la conversation, et alors que le soldat glissait contre le mur ensanglanté et que son coéquipier commençait à tirer vers l’ennemi invisible, il sauta sur celui-ci et l’attira à terre. Juste à temps d’ailleurs, car alors que des tirs confus de son M4 faisaient voler en éclats la lampe au-dessus d’eux dans une nuée d’étincelles, le mur qui se situait derrière eux fut troué par ce qui restait de la fin du chargeur de 47, qui lança une grenade fumigène dans le couloir, puis se cacha rapidement derrière un pan de mur. Jefferson, empli d’un puissant stress, le dos en sueur et la bouche sèche, hurla un repli à travers le couloir. Alors que sa cible, qui venait de faire cliqueter son arme d’un chargeur neuf, tentait de tirer à nouveau, il leva sa mitraillette vers le mur et pressa la détente sans lâcher. Le mur fut troué verticalement dans une nuée de plâtre volant dans les airs à travers la fumée épaisse du fumigène. Les soldats avaient sorti leur masque à gaz et se repliaient dans l’appartement, tandis que Jefferson vidait son chargeur par tirs réguliers en direction du tueur, terré dans son abri. Il entra dans l’appartement, essoufflé, jeta son M4 au sol et s’écroula contre le mur. Difficilement, il prit contact avec le central :
-Je… ici… ici Jefferson. Enfin, je… je veux dire, l’uni… l’unité 2. Nous avons… avons perdu un homme.
-Ici central, compris. Des blessés.
Jefferson tourna la tête vers ses hommes qui le regardaient hébétés, debout dans l’appartement. « Des blessés ? », hurla-t-il d’une exécrable voix haute. Quatre têtes se secouèrent.
-Non, aucun.
-Où est la cible ?
Jefferson prit une grande respiration, se leva, et demanda à un de ces hommes d’aller jeter un coup d’œil. Celui-ci, prévoyant, tint sa mitraillette d’une main et tira une rafale à travers la porte, puis ouvrit celle-ci et observa le couloir avec intérêt : les portes de l’ascenseur étaient ouvertes, laissant apparaître les câbles qui pendaient dans la pénombre.
-Il vient de… pénétrer dans la cage d’ascenseur, dit-t-il d’un air étrange. En ouvrant la porte manuellement apparemment. Mais… les ascenseurs sont hors service !!!
Il était malin. Jenkins était mort ; il ne le serait pas inutilement.
-Ici central, je répète : où est la cible ?
Jefferson sortit son Glock 17 du holster de sa cuisse, tira la culasse en arrière, huma le goût du sang dans la bouche, et répliqua d’un ton qui n’avait que peu d’humain :
-Dans un aller simple vers l’Enfer.
-Monsieur… monsieur, que faites-vous ?
Aaron Dougall avait l’habitude de travailler dans son bureau sans être dérangé. Quand un bruit trop pesant ou quelque chose d’inhabituel se passait dans Manhattan, il ne pouvait s’empêcher d’aller regarder au balcon se qui se passait, délaissant son appartement à plusieurs millions de dollars pour la vue des gratte-ciel.
-Eh bien… pour tout vous dire, Edward, ce sont ces hommes qui m’intriguent.
Dougall était toujours habillé à la perfection. Un costume Armani, bleu royal, et des mocassins qui coûtaient le prix d’une voiture. Son appartement était également au top ; tables en bois de qualité importé d’Europe de l’Est, cheminée dont l’antre était gigantesque et composée de solides briques rouges, tapis de première qualité et moquette qui l’était tout autant. Les femmes de ménage passaient l’aspirateur sans rien omettre de nettoyer quand il dormait dans sa chambre, insonorisée, dans un lit moelleux et qui sentait le neuf 365 jours par an, parfois en compagnie de filles de joie de luxe. Il avait huit gardes du corps, armés de Uzi silencieux, et son maître d’hôtel, Edward, un jeune Noir qui faisait le tiers de son âge. Mais Dougall, malgré ses 74 ans, restait en pleine forme, toujours autant aigri et égoïste, dangereux et méprisant. C’était un monstre, et mieux valait lui baiser les pieds pour ne pas que ceux-ci ne vous bottent le cul de manière définitive.
-Quels hommes ?
-Bon sang, vous êtes aveugle ou quoi ? Être Noir dans cette ville et avoir grandi dans un quartier où les gens côtoient les merdes, si c’est bien différent de là où vous venez, ne vous a pas suffi ? Vous voulez encore avoir des yeux d’une qualité plus que mauvaise ? Je vous demande encore pourquoi je vous garde ici !
Edward gloussa. Dougall était en plus raciste confirmé, et maniait le verbe avec brio.
-Je parle de ces hommes qui descendent l’immeuble avec des cordes… Ils viennent de se faire déposer il y a à peine quelques instants par un hélicoptère… de la police, figurez-vous !
-Je vois monsieur… ils viennent de briser les fenêtres !
-Je l’ai vu, que croyez-vous ? Mes yeux sont encore suffisamment performants pour leur âge, contrairement aux vôtres. Et puis… que faites-vous encore ici ? Vous avez mes affaires à préparer pour notre voyage à Berlin, vous souvenez-vous ?
-Bien sûr… heu, j’y vais.
-J’espère bien.
Le regard mauvais et perçant de Dougall fut attiré vers l’étage 78, alors qu’il s’appuyait un peu plus sur la rambarde.
-Il faut en premier boucler toutes les issues, dit Lenny James en pointant du doigts le plan du rez-de-chaussée de l’immeuble. Faites installer des snipers sur les immeubles alentours, demandez aux employés d’être vigilants, de nous informer de tout comportement suspect de la part de n’importe qui, et surtout… vérifiez toutes les personnes qui sortent dans l’immeuble, et ne laissez plus rentrer personne.
-Mais vous êtes malade ! lui répondit Forthy sur un ton plus que méprisable. Dans un immeuble pareil, c’est impossible !
-Il le faudra bien, fit Lenny James en fronçant les sourcils. Il est peut-être déjà dehors…
Un autre grésillement dans la radio de Forthy. Le nombre de morts était désormais de trois.
-Bordel mais que font nos hommes ?! hurla celui-ci tellement fort que tout le monde dans le hall de l’immeuble s’arrêta pour lui jeter un regard inquiet.
-Heu… ils semblent être partis à leur poursuite, du mois l’unité 2, lui répondit le central.
-Parfait. Ordonnez à l’unité 1 de redescendre pour surveiller le périmètre, et envoyez des hommes supplémentaires pour surveiller les caméras.
-En fait, toutes les caméras de l’hôtel semblent hors service. On ne sait pas trop pourquoi…
Forthy serrait les dents, le visage écarlate, la radio craquant entre ses doigts tellement sa poigne était puissance. Lenny James, quant à lui, se demandait s’il devait les aider ou leur mettre bien en face leurs erreurs, en premier celle d’avoir fait intervenir les forces spéciales.
-Mike, va nous prendre trois cafés, fit-il en se tournant vers son jeune cadet. Et de rajouter en chuchotant : moi et ce monsieur avons à parler…
Mike hocha la tête, et tourna rapidement les talons, cherchant un distributeur de café. Lentement, James décrocha son pistolet de son holster, puis appuya sur le bouton à côté de la crosse, laissant glisser le chargeur entre ses doigts osseux.
-Je crois, dit-il avant de replacer celui-ci, plein, que nous nous comportons mal. Surtout avec cet homme qui tente de nous échapper… Mieux vaut faire équipe.
Forthy acquiesça, son regard malin aux yeux brun foncés offrant enfin un peu de lucidité.
-J’espère que votre arme est chargée, lui dit le molosse sans un sourire.
Le silence s’abattit tandis que Jefferson s’enfonçait dans les profondeurs de la cage d’ascenseur, sa main vérifiant sa vitesse, son pistolet vérifiant son chemin. Après une descente d’une vingtaine d’étage, ses pieds touchèrent enfin le toit de l’ascenseur, et il décrocha son harnais avec précaution. Le panneau supérieur était déjà enlevé, et la cabine vide. Il se laissa brutalement tomber d’une main, fixant le vide de son pistolet de l’autre, prêt à faire feu, la respiration haletante : la porte était ouverte. Il se laissa tomber avec précaution, quand un grésillement se fit entendre dans son casque.
-Unité 2, où êtes-vous ?
Jefferson observa les chiffres notés au-dessus de la porte, sans pour autant détacher son attention du bout de couloir, ses doigts tâtant lentement son arme.
-Ici Jefferson, étage 62.
-Très bien unité 2. Continuez à patrouiller, nous allons réactiver les ascenseurs pour que l’unité 1 puisse descendre.
-NON ! Surtout pas !
-Vous n’avez pas l’autorité pour empêcher un ordre direct.
-Bon sang, il se trouve ici ! À l’étage 62 !!! Si les ascenseurs se remettent en route, il va…
-Unité 2, je répète : surveillez l’étage.
-L’unité 2 est au 78e.
-Mais… ?
-Je suis parti seul.
Un silence. Il n’avait toujours pas bougé de la cage d’ascenseur. Lentement, il observa le couloir à gauche, puis à droite. Aucune trace. Mais, lorsque son regard se posa sur le sol, il vit un chargeur vide, sur sa droite.
-Vous êtes dingue ! Vous savez que vous n’avez aucun protection ni tir de couverture ! Remontez immé…
Sans un mot, Jefferson cliqua sur le bouton de sa radio, à la hauteur de son épaule, et s’avança dans le couloir. Une porte était ouverte. Et il perçut une respiration. Faible. Très faible. Sans un mot, il tourna dans l’encadrement de la porte, arme levée, et observa la pièce en un clin d’œil. Un mouvement. Nom de Dieu, un mouvement, derrière le canapé !!! Son doigt pressa six fois la détente, trouant le canapé de cuir de parts et d’autres. Puis le silence revint. Un silence pesant, presque effrayant. Lentement, Jefferson s’avança en direction du canapé, puis braqua ce qui aurait dû se trouver derrière, inerte et baignant dans son sang. Un chien, la bouche ouverte, gémissant, ses poils ensanglantés plaqués sur son petit corps.
-What the fuck ?
Il se retourna, son arme baissée, et n’eut pas le temps de voir la crosse du M4 lui arriver dans le visage.
Ding !
-Ah, les voilà, fit Forthy sans un sourire alors que l’unité 1 entrait, morose, dans le rez-de-chaussée. Toutes mes sincères condoléances pour vous coéquipiers. Maintenant, mettez-vous en position !
Les hommes grognèrent, puis commencèrent à sécuriser les entrées. Le regard de Lenny James, un café à la main, se posa sur chaque soldat qui lui passait devant ; il observait leurs insignes et leurs noms avec grande attention. Johnson, Tornado, Waser, Jeffe…
-Bien, d’accord, fit Forthy en hochant la tête, parlant dans sa radio. Lenny, l’unité 2 vient de faire une découverte. Le corps de leur chef, en caleçon, à l’étage 62…
Même si Forthy était petit et dénué de charme, il n’en était pas moins insensible à la peur. Mais ce jour-là, les yeux exorbités de Lenny James, son coup plus tendu que celui d’une girafe et la puissance destructrice avec laquelle sa voix articula ces quelques mots ne put que le faire frémir.
-SON NOM !!!
Un frisson parcourut l’échine du policier, qui lui répondit d’une voix qu’il tenta de garder neutre :
-Jefferson.
En moins de deux secondes, le molosse avait sorti et pointé son arme en direction du soldat d’élite le plus proche.
-PERSONNE NE BOUGE ! PERSONNE ! Forthy, allez vérifier tous vos hommes. Braquez-les, n’hésitez pas à leur coller une balle dans la cuisse pour tout comportement suspect.
-Mais… ce sont nos hommes !
-Qu’importe ! Vérifiez-les tous ! Toi, avance.
L’homme s’avança. Tornado.
-TOI ! Fit-il en en braquant un autre. Avance !
Johnson. Puis Waser. Du côté de Forthy, tout était vérifié : aucun intrus. James avait la mâchoire plus que serrée, si bien que certaines de ses dents craquèrent. Il lui était passé à moins de trente centimètres, il avait dû le regarder derrière ses lunettes sans un sourire. A moins de trente centimètres…Alors que le cri de rage du molosse emplissait le rez-de-chaussée, Jefferson se réveillait en se massant le nez au 62e étage. Ses habits, quant à eux, étaient déjà dans une poubelle, quelque part entre lui et le building de Dougall.
vendredi 22 février 2008
Chapitre XIII: Manhattan
Hong Kong, 8 Juillet 2008
-47, j’ai une nouvelle mission pour vous.
-La ligne est sécurisée ?
-Bien sûr…
Hong Kong, minuit et demi. La fenêtre était encore ouverte, laissant entrer dans la petite chambre plongée dans le noir une odeur de vieille friture qu’on avait jetée dans la rue et de gaz carbonique. Le Beretta dont s’était servi 47 était quelque part dans les égouts, le garde de l’Agence qu’il avait anesthésié le jour même probablement encore en train de dormir dans l’armoire, ou alors à raconter sa mésaventure à ses supérieur. De toute façon, pour eux, il était trop tard pour le retrouver.
-Vous avez un numéro de fax ? fit la voix de Beldingford
-Oui, je crois, répondit l’assassin d’une voix calme.
Il se leva, alluma sa lampe de chevet et partit en direction du fax, revenant quelques instants après pour donner son numéro à Beldingford.
-Qui est la cible ?
-Un requin de la finance… il a déjà coulé des dizaines d’entreprises pour sa fortune personnelle, estimée à six milliards de dollars. Je vous envoie sa photo.
Alors que le fax commençait à cracher le visage de l’homme, Hitman se rendit compte rapidement et avec un dégoût non retenu que ce n’était autre que la troisième personne qu’il avait aperçue sur le jeu de l’homme dans l’avion ; le huit de cœur, l’homme au visage maigre et squelettique.
-Un nom ? fit 47 en fronçant les sourcils, le combiné de l’appareil collé à ses oreilles sur son épaule.
-Aaron Dougall, qui tient une agence de placement à Wall Street.
Durant un instant, Hitman arrêta de faire le moindre geste, la bouche légèrement ouverte, les yeux écarquillés.
-Wall Street ? J’espère que notre contrat ne va pas se passer en plein Manhattan !
-Je crains que si…
-Non. La police de New York doit avoir ma photo sur tous leurs placards depuis que je me suis infiltré dans le commissariat de Brooklyn pour mettre une balle entre les yeux de leur chef corrompu!
Il se sentait à nouveau comme une petite marionnette dont les fils étaient de véritables chaînes. Le client était probablement bidon, la cible devait avoir été choisie pour une raison quelconque par son nouveau patron, comme pour Petersen. Une raison encore inconnue que ce dernier ne semblait pas être prêt à donner… Et il n’était pas idiot, et devait se douter que 47 était en train de se rendre compte de quelque chose. Mais d’autres pensées retentirent dans l’esprit du tueur : Gregory Neill, où était le lien avec lui ou Beldingford ? C’était simplement son contact qui avait en sa possession la photo cachée de deux des cibles du tueur… et aucun lien direct ! Et Lenny James qui accompagnait Petersen il y avait encore trop peu de temps ! Fronçant les sourcils, 47 se mit à penser qu’il aurait peut-être dû coller une balle dans le crâne de ce rat de Beldingford en Floride, quand il n’était pas trop tard…
-47, vous êtes là ?
-Oui.
-Vous avez encore le passeport de Bradley Kyle en votre possession ?
-Oui.
-Utilisez-le pour vous payer un vol à New York. Je vous retrouverai à l’hôtel Four Season, chambre 428, et vous donnerai un briefing en profondeur ainsi que votre équipement.
Alors que Beldingford s’apprêtait à raccrocher au nez du tueur, le combiné commença déjà à biper l’appel absent à son oreille.
-Une ligne sécurisée, mon cul oui ! s’écria Mike, enlevant son casque des oreilles.
-On dirait bien que mon vieil ami ne s’est pas rangé, ajouta Lenny James, un café noir et puissamment aromatisé entre ses doigts.
-On avertit la police de Manhattan ? demande l’informaticien avec un regard franc.
Le molosse réfléchit un instant, puis déclara d’un air sérieux :
-Non, fais simplement passer son portrait robot et dis-leur de nous fournir toutes leurs infos. Prends un vol pour New York.
New York City, 9 Juillet 2003
La chambre était d’une blancheur éclatante, et que ce fussent les murs candides ou les draps couleur crème, toute la suite resplendissait de cette pureté que seul l’Armani noir de Code 47 venait briser. Les mains dans le dos, il observait les immeubles de Manhattan, gris, ternes ; le meilleur endroit pour se cacher de ses poursuivants. Mais pour Dougall, ce n’était pas un poursuivant comme un autre. C’était Hitman.
-Le ciel est d’une pureté extraordinaire aujourd’hui, n’est-ce pas ? déclara soudain Beldingford, qui se servait un verre de whisky d’un petit buffet en bois fin.
-Vous savez très bien que je n’aime pas travailler dans ces conditions, répondit 47 avec une voix grave.
Le ciel était vraiment bleu. Et alors ?
-Vous êtes un professionnel pourtant.
-Quand un professionnel a la moitié des polices du monde a ses trousses, mieux vaut ne pas se jeter ainsi dans la gueule du loup. Vous avez d’autres infos ?
L’Anglais ne semblait pas être pressé. Un costume bleu marin et une cravate turquoise ne semblaient pas vouloir dire le contraire, tout comme le whisky qu’il n’avait pas encore porté à ses lèvres.
-À peu près, fit-il en donnant une enveloppe à 47.
Le tueur la prit avec un grand calme, son regard se portant droit dans les yeux de Beldingford. Un de ses doigts l’entrouvrit ; elle contenait trois photos de Dougall, des plans de l’immeuble et des photos prises par les caméras.
-Mieux vaut ne pas s’en occuper dans l’immeuble où il travaille. Même si c’est un requin, les petits poissons ont une grande gueule dans le coin.
Il commença à sourire pour inciter 47 à rire, ou alors simplement paraître amusé, mais celui-ci ne put que le stopper net avec son regard venu tout droit des plaines fantomatiques et effrayantes de son esprit.
-Bref, continua-t-il. On a pensé à mettre une bombe sous sa voiture, mais notre client ne désire pas attirer l’attention, ni ne faire de dommages collatéraux.
-Du poison ? demanda Hitman.
-Nous vous en fournirons si vous voulez… mais il ne boit que de l’eau, qui doit probablement venir de distributeurs, et nous ne tenons pas non plus à empoisonner la citerne, ce serait de la folie pure, nous ne sommes pas là pour annihiler son entreprise en tuant tous ses employés. Ah, j’allais oublier, fit-il avec de grands gestes, il y a quelques détecteurs de métaux, donc évitez de vous y jeter avec vos Ballers. Nous vous laissons donc le champ libre sur cette affaire… mais en vous fournissant tout de même de quoi vous aider ! Peter !
Beldingford claqua des doigts, et un jeune homme d’une trentaine d’années entra dans le salon, une mallette noire à la main. Les cheveux brun clair coupés court, une légère barbe sur le visage et un costume en soie lui donnaient l’air autant ingénieux que secrètement dangereux. Il jeta un regard étrange à 47, comme s’il voulait bien être sûr qu’il était face au célèbre assassin silencieux, puis posa la mallette sur une petite table.
-C’est une nouvelle recrue très prometteuse, fit Beldingford en guise d’écho.
Peter ouvrit la mallette avec assurance, et en sortit plusieurs pièces d’une singulière arme qu’Hitman avait l’habitude d’utiliser, autrefois.
-Vous connaissez bien ce modèle, je crois, dit Beldingford alors que Peter arrangeait les différentes pièces du W2000 sur la petite table. Si vous voulez, on peut arriver à vous trouver un bureau qui donne vue sur les quartiers de Dougall, et il vous suffira de tranquillement l’abattre à distance.
47 ne dit plus mot, prenant le temps de réfléchir à chaque problème qui pourrait se poser à lui, et déclara finalement dans un ton très posé :
-Ca devrait pouvoir se faire, oui… Mais trouvez-moi une fausse carte d’identité en béton, les flics de Manhattan sont des durs à cuir depuis le 11 Septembre. Je ne vais pas arriver à passer dans les bureaux sans passer cette mallette dans un détecteur de métaux si je n’ai pas de carte d’identité adéquate.
Beldingford fit la grimace, et Peter continuait d’observer 47 d’un œil étrange.
-Ca va être dur… Dougall doit partir demain pour un congrès quelque part en Europe, et je ne pourrai probablement pas vous avoir de laissez-passer d’ici-là…
-C’est vous le patron, déclara Code 47. Si vous voulez que je prenne des risques, c’est d’accord. Mais ne venez pas vous plaindre si demain le Times annonce qu’une demi-douzaine de policiers se sont fait abattre en tentant d’arrêter une homme avec un fusil de sniper dans une mallette.
Personne ne dit plus mot, et Hitman jeta à nouveau un coup d’œil aux photos des caméras, dans l’enveloppe. Elles ne permettaient quasiment aucun angle mort ; il faudrait espérer qu’il en était autrement dans les immeubles alentours.
-Son vol pour Berlin décolle demain à 17h34, dit Beldingford d’un ton noir. Poursuivez-le jusqu’en Allemagne si l’envie vous en prend, mais débarrassez-nous de lui.
Il claqua des doigts, et Peter le suivit alors qu’il sortait de la pièce. Hitman resta seul dans la chambre lumineuse, observant la porte se fermer, et le verre de whisky sur la table, dont Beldingford n’avait pas bu une seule goutte.
Le capitaine Forthy était une tête connue au commissariat principal du NYPD, à Manhattan. Il avait traqué un nombre incroyable de criminels et autant dire que tous les malfrats du coin se terraient sur son passage. Il n’hésitait pas à se servir de son arme de service au moindre petit ennui, et avait déjà à son tableau de chasse une trentaine de têtes, autant des délinquants que de sombres tueurs. Étonnamment, il n’était pas particulièrement massif, même plutôt gros, dégarni et mal rasé. Mais quand il entrait dans une pièce, si ce n’était son regard qui vous fusillait, c’était lui-même. Aussi, lorsqu’il vint prendre son café ce jour-là dans la petite salle de détente du commissariat et laissa tomber sa tasse au sol, ébahi, en voyant à une affiche placardée au mur que Code 47 était recherché par Interpol sur Manhattan même, le reste du service ne tarda pas à faire grand bruit de tout cela. Forthy avait eu affaire à 47 ; il était lieutenant dans le commissariat de Brooklyn quand l’assassin avait abattu le commandant Chanders dans son bureau même, en plein jour. Et la chose qui rendait Forthy encore plus hargneux, c’était probablement que 47 était allé le tuer avec la propre arme de service qu’il tenait à sa ceinture, avec ses habits, pendant que lui était dans les toilettes, dans ses songes, une bosse de la taille d’un œuf sur le crâne.
Le téléphone de l’assassin sonna.
Ses doigts étaient tendus. Sa respiration et sa position parfaites. Il observait les appartements de Dougall à la lunette de son W2000 depuis trois heures.
Son téléphone sonna à nouveau. Un tintement autant énervant que déconcentrant.
-Nom de Dieu !
Posté en équilibre parfaite sur la rambarde, il posa la crosse du fusil au sol pour le laisser appuyer contre la barre et mit calmement une jambe à terre, puis empoigna avec rage le téléphone portable qui continuait de grésiller sur la table de la terrasse.
-QUOI ? Hurla-t-il en ouvrant le combiné.
-On a un problème.
C’était Peter. 47 tourna la tête et observa l’immeuble d’en face ; personne, du moins il lui semblait. Seul le reflet d’un hélicoptère survolant l’île était visible sur les parois de l’immeuble.
-Qu’est-ce qu’il y a ? demanda l’assassin.
-Eh bien, il semble que Lenny James ait envoyé votre portrait robot aux polices de New York.
-On se demande bien comment il sait que je suis à New York, grommela l’assassin entre ses dents.
Peter avait entendu, mais ne répondit rien. 47 tourna sa tête vers le ciel d’un puissant bleu, et sa tête fut fouettée par une petite brise. Quelque chose le dérangeait. Le vent pourrait fausser la trajectoire de la balle, c’est vrai, et à plus de cinquante mètres de distance ce sera corsé, même s’il avait toujours été doué en tir. Ou alors est-ce que c’était le manque de discrétion de Beldingford ?
-Et alors, où est le véritable problème ? finit par demander Hitman après un petit silence.
Chaque seconde à parler avec ce bleu pouvait être l’unique seconde de la journée où Dougall partirait observer la ville à une fenêtre. C’était peut-être ça le problème… il ne viendrait pas.
-Vous avez dû passer devant des gardes de sécurité avant de prendre l’ascenseur, observa Peter d’une voix forte.
-Oui. Il n’y avait aucun détecteur de métaux dans ce bâtiment.
Le problème venait peut-être des infos de Beldingford… non, en fait non. Même s’il n’était pas très efficace, toutes les informations qu’il lui avait fournies étaient plus ou moins exactes. Ou alors est-ce que c’était simplement le fait qu’il se savait vieux et qu’il tirerait moins bien qu’avant ? Mais où était ce putain de problème qui était bordé par les vagues de son inconscient ?
-Eh bien le garde a dû vous…
-NYPD.
-Quoi ?
Le reflet. Sur l’immeuble. Un hélicoptère. Un hélicoptère de la police.
-47, un problème ?
Hitman tourna sa tête avec effroi pour apercevoir l’hélicoptère s’avancer vers le toit de l’immeuble, les sombres forces d’intervention déjà dans l’encadrement des portes, prêtes à descendre en rappel, en train de vérifier leur armement.
-47, est-ce que vous… ?
La communication coupa aussi sec.
-47, j’ai une nouvelle mission pour vous.
-La ligne est sécurisée ?
-Bien sûr…
Hong Kong, minuit et demi. La fenêtre était encore ouverte, laissant entrer dans la petite chambre plongée dans le noir une odeur de vieille friture qu’on avait jetée dans la rue et de gaz carbonique. Le Beretta dont s’était servi 47 était quelque part dans les égouts, le garde de l’Agence qu’il avait anesthésié le jour même probablement encore en train de dormir dans l’armoire, ou alors à raconter sa mésaventure à ses supérieur. De toute façon, pour eux, il était trop tard pour le retrouver.
-Vous avez un numéro de fax ? fit la voix de Beldingford
-Oui, je crois, répondit l’assassin d’une voix calme.
Il se leva, alluma sa lampe de chevet et partit en direction du fax, revenant quelques instants après pour donner son numéro à Beldingford.
-Qui est la cible ?
-Un requin de la finance… il a déjà coulé des dizaines d’entreprises pour sa fortune personnelle, estimée à six milliards de dollars. Je vous envoie sa photo.
Alors que le fax commençait à cracher le visage de l’homme, Hitman se rendit compte rapidement et avec un dégoût non retenu que ce n’était autre que la troisième personne qu’il avait aperçue sur le jeu de l’homme dans l’avion ; le huit de cœur, l’homme au visage maigre et squelettique.
-Un nom ? fit 47 en fronçant les sourcils, le combiné de l’appareil collé à ses oreilles sur son épaule.
-Aaron Dougall, qui tient une agence de placement à Wall Street.
Durant un instant, Hitman arrêta de faire le moindre geste, la bouche légèrement ouverte, les yeux écarquillés.
-Wall Street ? J’espère que notre contrat ne va pas se passer en plein Manhattan !
-Je crains que si…
-Non. La police de New York doit avoir ma photo sur tous leurs placards depuis que je me suis infiltré dans le commissariat de Brooklyn pour mettre une balle entre les yeux de leur chef corrompu!
Il se sentait à nouveau comme une petite marionnette dont les fils étaient de véritables chaînes. Le client était probablement bidon, la cible devait avoir été choisie pour une raison quelconque par son nouveau patron, comme pour Petersen. Une raison encore inconnue que ce dernier ne semblait pas être prêt à donner… Et il n’était pas idiot, et devait se douter que 47 était en train de se rendre compte de quelque chose. Mais d’autres pensées retentirent dans l’esprit du tueur : Gregory Neill, où était le lien avec lui ou Beldingford ? C’était simplement son contact qui avait en sa possession la photo cachée de deux des cibles du tueur… et aucun lien direct ! Et Lenny James qui accompagnait Petersen il y avait encore trop peu de temps ! Fronçant les sourcils, 47 se mit à penser qu’il aurait peut-être dû coller une balle dans le crâne de ce rat de Beldingford en Floride, quand il n’était pas trop tard…
-47, vous êtes là ?
-Oui.
-Vous avez encore le passeport de Bradley Kyle en votre possession ?
-Oui.
-Utilisez-le pour vous payer un vol à New York. Je vous retrouverai à l’hôtel Four Season, chambre 428, et vous donnerai un briefing en profondeur ainsi que votre équipement.
Alors que Beldingford s’apprêtait à raccrocher au nez du tueur, le combiné commença déjà à biper l’appel absent à son oreille.
-Une ligne sécurisée, mon cul oui ! s’écria Mike, enlevant son casque des oreilles.
-On dirait bien que mon vieil ami ne s’est pas rangé, ajouta Lenny James, un café noir et puissamment aromatisé entre ses doigts.
-On avertit la police de Manhattan ? demande l’informaticien avec un regard franc.
Le molosse réfléchit un instant, puis déclara d’un air sérieux :
-Non, fais simplement passer son portrait robot et dis-leur de nous fournir toutes leurs infos. Prends un vol pour New York.
New York City, 9 Juillet 2003
La chambre était d’une blancheur éclatante, et que ce fussent les murs candides ou les draps couleur crème, toute la suite resplendissait de cette pureté que seul l’Armani noir de Code 47 venait briser. Les mains dans le dos, il observait les immeubles de Manhattan, gris, ternes ; le meilleur endroit pour se cacher de ses poursuivants. Mais pour Dougall, ce n’était pas un poursuivant comme un autre. C’était Hitman.
-Le ciel est d’une pureté extraordinaire aujourd’hui, n’est-ce pas ? déclara soudain Beldingford, qui se servait un verre de whisky d’un petit buffet en bois fin.
-Vous savez très bien que je n’aime pas travailler dans ces conditions, répondit 47 avec une voix grave.
Le ciel était vraiment bleu. Et alors ?
-Vous êtes un professionnel pourtant.
-Quand un professionnel a la moitié des polices du monde a ses trousses, mieux vaut ne pas se jeter ainsi dans la gueule du loup. Vous avez d’autres infos ?
L’Anglais ne semblait pas être pressé. Un costume bleu marin et une cravate turquoise ne semblaient pas vouloir dire le contraire, tout comme le whisky qu’il n’avait pas encore porté à ses lèvres.
-À peu près, fit-il en donnant une enveloppe à 47.
Le tueur la prit avec un grand calme, son regard se portant droit dans les yeux de Beldingford. Un de ses doigts l’entrouvrit ; elle contenait trois photos de Dougall, des plans de l’immeuble et des photos prises par les caméras.
-Mieux vaut ne pas s’en occuper dans l’immeuble où il travaille. Même si c’est un requin, les petits poissons ont une grande gueule dans le coin.
Il commença à sourire pour inciter 47 à rire, ou alors simplement paraître amusé, mais celui-ci ne put que le stopper net avec son regard venu tout droit des plaines fantomatiques et effrayantes de son esprit.
-Bref, continua-t-il. On a pensé à mettre une bombe sous sa voiture, mais notre client ne désire pas attirer l’attention, ni ne faire de dommages collatéraux.
-Du poison ? demanda Hitman.
-Nous vous en fournirons si vous voulez… mais il ne boit que de l’eau, qui doit probablement venir de distributeurs, et nous ne tenons pas non plus à empoisonner la citerne, ce serait de la folie pure, nous ne sommes pas là pour annihiler son entreprise en tuant tous ses employés. Ah, j’allais oublier, fit-il avec de grands gestes, il y a quelques détecteurs de métaux, donc évitez de vous y jeter avec vos Ballers. Nous vous laissons donc le champ libre sur cette affaire… mais en vous fournissant tout de même de quoi vous aider ! Peter !
Beldingford claqua des doigts, et un jeune homme d’une trentaine d’années entra dans le salon, une mallette noire à la main. Les cheveux brun clair coupés court, une légère barbe sur le visage et un costume en soie lui donnaient l’air autant ingénieux que secrètement dangereux. Il jeta un regard étrange à 47, comme s’il voulait bien être sûr qu’il était face au célèbre assassin silencieux, puis posa la mallette sur une petite table.
-C’est une nouvelle recrue très prometteuse, fit Beldingford en guise d’écho.
Peter ouvrit la mallette avec assurance, et en sortit plusieurs pièces d’une singulière arme qu’Hitman avait l’habitude d’utiliser, autrefois.
-Vous connaissez bien ce modèle, je crois, dit Beldingford alors que Peter arrangeait les différentes pièces du W2000 sur la petite table. Si vous voulez, on peut arriver à vous trouver un bureau qui donne vue sur les quartiers de Dougall, et il vous suffira de tranquillement l’abattre à distance.
47 ne dit plus mot, prenant le temps de réfléchir à chaque problème qui pourrait se poser à lui, et déclara finalement dans un ton très posé :
-Ca devrait pouvoir se faire, oui… Mais trouvez-moi une fausse carte d’identité en béton, les flics de Manhattan sont des durs à cuir depuis le 11 Septembre. Je ne vais pas arriver à passer dans les bureaux sans passer cette mallette dans un détecteur de métaux si je n’ai pas de carte d’identité adéquate.
Beldingford fit la grimace, et Peter continuait d’observer 47 d’un œil étrange.
-Ca va être dur… Dougall doit partir demain pour un congrès quelque part en Europe, et je ne pourrai probablement pas vous avoir de laissez-passer d’ici-là…
-C’est vous le patron, déclara Code 47. Si vous voulez que je prenne des risques, c’est d’accord. Mais ne venez pas vous plaindre si demain le Times annonce qu’une demi-douzaine de policiers se sont fait abattre en tentant d’arrêter une homme avec un fusil de sniper dans une mallette.
Personne ne dit plus mot, et Hitman jeta à nouveau un coup d’œil aux photos des caméras, dans l’enveloppe. Elles ne permettaient quasiment aucun angle mort ; il faudrait espérer qu’il en était autrement dans les immeubles alentours.
-Son vol pour Berlin décolle demain à 17h34, dit Beldingford d’un ton noir. Poursuivez-le jusqu’en Allemagne si l’envie vous en prend, mais débarrassez-nous de lui.
Il claqua des doigts, et Peter le suivit alors qu’il sortait de la pièce. Hitman resta seul dans la chambre lumineuse, observant la porte se fermer, et le verre de whisky sur la table, dont Beldingford n’avait pas bu une seule goutte.
Le capitaine Forthy était une tête connue au commissariat principal du NYPD, à Manhattan. Il avait traqué un nombre incroyable de criminels et autant dire que tous les malfrats du coin se terraient sur son passage. Il n’hésitait pas à se servir de son arme de service au moindre petit ennui, et avait déjà à son tableau de chasse une trentaine de têtes, autant des délinquants que de sombres tueurs. Étonnamment, il n’était pas particulièrement massif, même plutôt gros, dégarni et mal rasé. Mais quand il entrait dans une pièce, si ce n’était son regard qui vous fusillait, c’était lui-même. Aussi, lorsqu’il vint prendre son café ce jour-là dans la petite salle de détente du commissariat et laissa tomber sa tasse au sol, ébahi, en voyant à une affiche placardée au mur que Code 47 était recherché par Interpol sur Manhattan même, le reste du service ne tarda pas à faire grand bruit de tout cela. Forthy avait eu affaire à 47 ; il était lieutenant dans le commissariat de Brooklyn quand l’assassin avait abattu le commandant Chanders dans son bureau même, en plein jour. Et la chose qui rendait Forthy encore plus hargneux, c’était probablement que 47 était allé le tuer avec la propre arme de service qu’il tenait à sa ceinture, avec ses habits, pendant que lui était dans les toilettes, dans ses songes, une bosse de la taille d’un œuf sur le crâne.
Le téléphone de l’assassin sonna.
Ses doigts étaient tendus. Sa respiration et sa position parfaites. Il observait les appartements de Dougall à la lunette de son W2000 depuis trois heures.
Son téléphone sonna à nouveau. Un tintement autant énervant que déconcentrant.
-Nom de Dieu !
Posté en équilibre parfaite sur la rambarde, il posa la crosse du fusil au sol pour le laisser appuyer contre la barre et mit calmement une jambe à terre, puis empoigna avec rage le téléphone portable qui continuait de grésiller sur la table de la terrasse.
-QUOI ? Hurla-t-il en ouvrant le combiné.
-On a un problème.
C’était Peter. 47 tourna la tête et observa l’immeuble d’en face ; personne, du moins il lui semblait. Seul le reflet d’un hélicoptère survolant l’île était visible sur les parois de l’immeuble.
-Qu’est-ce qu’il y a ? demanda l’assassin.
-Eh bien, il semble que Lenny James ait envoyé votre portrait robot aux polices de New York.
-On se demande bien comment il sait que je suis à New York, grommela l’assassin entre ses dents.
Peter avait entendu, mais ne répondit rien. 47 tourna sa tête vers le ciel d’un puissant bleu, et sa tête fut fouettée par une petite brise. Quelque chose le dérangeait. Le vent pourrait fausser la trajectoire de la balle, c’est vrai, et à plus de cinquante mètres de distance ce sera corsé, même s’il avait toujours été doué en tir. Ou alors est-ce que c’était le manque de discrétion de Beldingford ?
-Et alors, où est le véritable problème ? finit par demander Hitman après un petit silence.
Chaque seconde à parler avec ce bleu pouvait être l’unique seconde de la journée où Dougall partirait observer la ville à une fenêtre. C’était peut-être ça le problème… il ne viendrait pas.
-Vous avez dû passer devant des gardes de sécurité avant de prendre l’ascenseur, observa Peter d’une voix forte.
-Oui. Il n’y avait aucun détecteur de métaux dans ce bâtiment.
Le problème venait peut-être des infos de Beldingford… non, en fait non. Même s’il n’était pas très efficace, toutes les informations qu’il lui avait fournies étaient plus ou moins exactes. Ou alors est-ce que c’était simplement le fait qu’il se savait vieux et qu’il tirerait moins bien qu’avant ? Mais où était ce putain de problème qui était bordé par les vagues de son inconscient ?
-Eh bien le garde a dû vous…
-NYPD.
-Quoi ?
Le reflet. Sur l’immeuble. Un hélicoptère. Un hélicoptère de la police.
-47, un problème ?
Hitman tourna sa tête avec effroi pour apercevoir l’hélicoptère s’avancer vers le toit de l’immeuble, les sombres forces d’intervention déjà dans l’encadrement des portes, prêtes à descendre en rappel, en train de vérifier leur armement.
-47, est-ce que vous… ?
La communication coupa aussi sec.
vendredi 25 janvier 2008
Anachronismes réglés
Bonjour! Après une période un peu creuse, je reviens et vais me mettre plus rapidement à ma fiction.
Mais j'ai avant tout remarqué que les dates, qui se situaient en 2003, ne collaient pas réellement à la chronologie Hitman. Le coup raté de Hitman à Paris ne se situant pas en 2000, époque où il a assassiné le dr. Ort-Meyer, mais en 2007 (ou 2006, la mémoire m'échappe), après la mort du ténor dans l'opéra de Paris! La mission de Blood Money, que je n'avais pas terminé au moment de la création de la fiction. Après l'épisode Silent Assassin, la suite revient donc très directement à Blood Money. Pas de place pour les magouilles de Beldingford.
Pour ne pas créer d'autres dates qui pourraient correspondre mais risquer de faire des erreurs, j'ai tout simplement décidé de bouger la totalité des événements sur 2008... c'est-à-dire actuellement!^^ J'espère, ce serait avec un plaisir certain, terminer ma fiction le 8 Novembre 2008, date clé qui devrait vous rappeler quelque chose...
A très bientôt, donc.
Mais j'ai avant tout remarqué que les dates, qui se situaient en 2003, ne collaient pas réellement à la chronologie Hitman. Le coup raté de Hitman à Paris ne se situant pas en 2000, époque où il a assassiné le dr. Ort-Meyer, mais en 2007 (ou 2006, la mémoire m'échappe), après la mort du ténor dans l'opéra de Paris! La mission de Blood Money, que je n'avais pas terminé au moment de la création de la fiction. Après l'épisode Silent Assassin, la suite revient donc très directement à Blood Money. Pas de place pour les magouilles de Beldingford.
Pour ne pas créer d'autres dates qui pourraient correspondre mais risquer de faire des erreurs, j'ai tout simplement décidé de bouger la totalité des événements sur 2008... c'est-à-dire actuellement!^^ J'espère, ce serait avec un plaisir certain, terminer ma fiction le 8 Novembre 2008, date clé qui devrait vous rappeler quelque chose...
A très bientôt, donc.
jeudi 3 janvier 2008
[Hors-Fiction] Hitman: le film (mon avis)
Hello!

Petit message assez hors-sujet, pour vous dévoiler mes avis sur le film Hitman, que j'ai vu aujourd'hui même. Attention à ceux qui ne l'auraient pas vu, ce qui suit dévoile une bonne partie de la trame du film...
Tout d'abord, j'aimerais rappeler que l'une des raisons pour lesquelles j'ai déplacé cette fiction de son forum initial sur un blog est que le synopsis du film m'a très fortement fait penser à ma fiction: Hitman doublé, largué par l'Agence, poursuivi par des membres d'Interpol et dans la merde jusqu'au cou. Je ne dirai pas, en sortant du cinéma, que les deux sont au final foncièrement différents: certaines parties et détails du film ressemblent de manière étonnante à ma fiction: l'arrivée d'une équipe d'intervention dans un immeuble, de l'alcool empoisonné dans un restaurant, deux agents d'Interpol dont, apparemment, un professionnel de l'électronique et un vieux de la vieille (je ne dirai pas molosse, non!) qui tient jusqu'au bout. Rassurez-vous, messieurs de la 20th Century Fox et de EuropaCorp, je ne crie pas au plagiat! ^^ Je suis même plutôt flatté d'avoir eu les mêmes idées globales que vous.
Maintenant... venons-en au film lui-même! Après avoir vu Resident Evil (que le premier... encore heureux) et Tomb Raider (idem) portés à l'écran, j'avais vraiment peur pour ce Hitman. Silent Hill avait réussi à être bien porté à l'écran, mais ne connaissant pas la saga vidéoludique, je ne pouvais pas juger. Ici, Xavier Gens, pour une de ses premières réalisations, a bien su capter l'essence même du jeu, l'ambiance sombre et prenante nous prenant dès le début du film. Au lieu de prendre quelques éléments du jeu pour en faire un film blockbuster comme les autres, on voit ici que l'adaptation est bien dans l'esprit de l'oeuvre vidéoludique.
Les détails sont vraiment sympas à décoder pour les fans de 47. Les deux ados dans la chambre qui jouent au jeu, le petit canard dans le bain, identique à celui du célèbre atwork, et la position de sniper sur le toit, derrière des éclairages, avec un W-2000, comme ici à gauche. Les Ballers .45 sont gardés, et même s'il n'y a pas de corde à piano en vue, Hitman y va tout de même avec une cravatte... ingénieux. Son costume reste le même... tous les détails y sont, et c'est très agréable à voir.
Les scènes d'actions sont également rudement bien menées, notamment celle au couteau dans le train, qui s'éloigne un peu du jeu mais reste bluffante (Jenkins semble d'ailleurs se ballader avec deux couteaux sur lui et comprendre les notions de combats des autres tueurs, notez... hum hum, un traître parmi les frères originels de 47) et l'autre, dans la boîte de nuit, fait quelque peu John Woo, et reste un délice à observer, tant les étincelles volent en tous sens. Le montage est nerveux, la musique collant parfaitement à l'univers du personnage (elles ressemblent bien à celles de Jesper Kyd). Et, même si l'acteur principal n'a pas vraiment la tête de Hitman (Statham était absent, Vin Diesel aussi... ha non, il est producteur exécutif, tiens...), il a bien sa démarche, et son attitude en général.
Pour les puristes absolus qui ont pestiféré sur le trailer en voyant monsieur 47 déshabiller la jolie russe, le voir la repousser tout au long du film a dû probablement leur rendre le sourire. Personnellement, même si Hitman reste froid durant tout le film, je trouve bien de pouvoir déceler quelques traces d'humanité dans son regard de temps à autre. Bonne prestation de Timothy Olyphant.
Et les acteurs, tiens!^^ Ce n'est pas le casting du siècle, mais je les ai tous trouvés plus ou moins à la hauteur, dans leurs rôles respectifs. Timothy Olyphant, même si parfois trop expressif pour un 47 (allez demander à un acteur qui a appris durant dix ans à simuler des expressions à jouer un tueur qui bouge à peine un muscle facial...) le fait plutôt pas mal, Dougray Scott s'en sort bien aussi, mais son rôle (l'agent Mike Whittier) n'est pas vraiment étoffé, de toute manière. Idem pour Nika, la jolie demoiselle russe. Les fans de séries américaines auront reconnu Robert Knepper, l'agent du FSB dont j'ai oublié le nom, qui est T-Bag dans Prison Break, et Henri Ian Cusick, le frère de Belickoff, qui joue Desmond dans Lost.
Dommage par contre (petit paragraphe rajouté après avoir vu que je n'avais pas mis d'argument négatif... alors que le film n'est pas parfait) que l'ensemble ait justement plus tendance à jouer sur quelques détails et clins d'oeils que sur le fond en général. Effectivement, Hitman ne se gêne pas de flinguer une troupe entière de forces d'élites juste pour repartir avec un seul homme... Pas très 47 tout ça, blockbuster oblige... Dommage, mais bon, ça ne casse quasiment rien au reste du film.
Le scénario est sympa, et rempli de bonnes idées... Un coup qui foire en Russie, l'Agence qui se retourne contre Hitman et son exil pour retrouver la vérité... faudrait en faire une fiction, tiens, ça serait une bonne idée! <]:o) Si vous êtes assez large d'esprit et avez aimé le jeu vidéo, allez le voir, évidemment. Il respecte bien l'univers de 47, nous offre un casting pas mal du tout et des scènes d'actions rondement menées, le plus au montage et la musique qui collent impec. Rien à redire, un bon film.

Petit message assez hors-sujet, pour vous dévoiler mes avis sur le film Hitman, que j'ai vu aujourd'hui même. Attention à ceux qui ne l'auraient pas vu, ce qui suit dévoile une bonne partie de la trame du film...
Tout d'abord, j'aimerais rappeler que l'une des raisons pour lesquelles j'ai déplacé cette fiction de son forum initial sur un blog est que le synopsis du film m'a très fortement fait penser à ma fiction: Hitman doublé, largué par l'Agence, poursuivi par des membres d'Interpol et dans la merde jusqu'au cou. Je ne dirai pas, en sortant du cinéma, que les deux sont au final foncièrement différents: certaines parties et détails du film ressemblent de manière étonnante à ma fiction: l'arrivée d'une équipe d'intervention dans un immeuble, de l'alcool empoisonné dans un restaurant, deux agents d'Interpol dont, apparemment, un professionnel de l'électronique et un vieux de la vieille (je ne dirai pas molosse, non!) qui tient jusqu'au bout. Rassurez-vous, messieurs de la 20th Century Fox et de EuropaCorp, je ne crie pas au plagiat! ^^ Je suis même plutôt flatté d'avoir eu les mêmes idées globales que vous.
Maintenant... venons-en au film lui-même! Après avoir vu Resident Evil (que le premier... encore heureux) et Tomb Raider (idem) portés à l'écran, j'avais vraiment peur pour ce Hitman. Silent Hill avait réussi à être bien porté à l'écran, mais ne connaissant pas la saga vidéoludique, je ne pouvais pas juger. Ici, Xavier Gens, pour une de ses premières réalisations, a bien su capter l'essence même du jeu, l'ambiance sombre et prenante nous prenant dès le début du film. Au lieu de prendre quelques éléments du jeu pour en faire un film blockbuster comme les autres, on voit ici que l'adaptation est bien dans l'esprit de l'oeuvre vidéoludique.

Les scènes d'actions sont également rudement bien menées, notamment celle au couteau dans le train, qui s'éloigne un peu du jeu mais reste bluffante (Jenkins semble d'ailleurs se ballader avec deux couteaux sur lui et comprendre les notions de combats des autres tueurs, notez... hum hum, un traître parmi les frères originels de 47) et l'autre, dans la boîte de nuit, fait quelque peu John Woo, et reste un délice à observer, tant les étincelles volent en tous sens. Le montage est nerveux, la musique collant parfaitement à l'univers du personnage (elles ressemblent bien à celles de Jesper Kyd). Et, même si l'acteur principal n'a pas vraiment la tête de Hitman (Statham était absent, Vin Diesel aussi... ha non, il est producteur exécutif, tiens...), il a bien sa démarche, et son attitude en général.
Pour les puristes absolus qui ont pestiféré sur le trailer en voyant monsieur 47 déshabiller la jolie russe, le voir la repousser tout au long du film a dû probablement leur rendre le sourire. Personnellement, même si Hitman reste froid durant tout le film, je trouve bien de pouvoir déceler quelques traces d'humanité dans son regard de temps à autre. Bonne prestation de Timothy Olyphant.
Et les acteurs, tiens!^^ Ce n'est pas le casting du siècle, mais je les ai tous trouvés plus ou moins à la hauteur, dans leurs rôles respectifs. Timothy Olyphant, même si parfois trop expressif pour un 47 (allez demander à un acteur qui a appris durant dix ans à simuler des expressions à jouer un tueur qui bouge à peine un muscle facial...) le fait plutôt pas mal, Dougray Scott s'en sort bien aussi, mais son rôle (l'agent Mike Whittier) n'est pas vraiment étoffé, de toute manière. Idem pour Nika, la jolie demoiselle russe. Les fans de séries américaines auront reconnu Robert Knepper, l'agent du FSB dont j'ai oublié le nom, qui est T-Bag dans Prison Break, et Henri Ian Cusick, le frère de Belickoff, qui joue Desmond dans Lost.
Dommage par contre (petit paragraphe rajouté après avoir vu que je n'avais pas mis d'argument négatif... alors que le film n'est pas parfait) que l'ensemble ait justement plus tendance à jouer sur quelques détails et clins d'oeils que sur le fond en général. Effectivement, Hitman ne se gêne pas de flinguer une troupe entière de forces d'élites juste pour repartir avec un seul homme... Pas très 47 tout ça, blockbuster oblige... Dommage, mais bon, ça ne casse quasiment rien au reste du film.
Le scénario est sympa, et rempli de bonnes idées... Un coup qui foire en Russie, l'Agence qui se retourne contre Hitman et son exil pour retrouver la vérité... faudrait en faire une fiction, tiens, ça serait une bonne idée! <]:o) Si vous êtes assez large d'esprit et avez aimé le jeu vidéo, allez le voir, évidemment. Il respecte bien l'univers de 47, nous offre un casting pas mal du tout et des scènes d'actions rondement menées, le plus au montage et la musique qui collent impec. Rien à redire, un bon film.
samedi 15 décembre 2007
Chapitre XII: Connexion
Hong Kong, 7 Juillet 2008
La planque de Hong Kong était, comme quasiment toutes les planques de l’Agence, au dernier endroit où l’on penserait fouiller. Ni dans les milieux riches, ni dans les trop défavorisés, ni trop dans la lumière, ni trop dans l’ombre, partout et nulle part. Cela faisait un bout de temps que Code 47 n’était plus revenu dans la cité asiatique, et il lui fallut un peu plus de temps que prévu pour dénicher la planque, calée quelque part entre une petite boulangerie et des immeubles locatifs, sous le couvert d’un dépôt de fournitures immobilières, des banderoles au couleurs vives et des lampions projetant une faible lumière pendant à ses côtés. Pour ne pas éveiller les soupçons, le tueur partit s’asseoir sur un banc de l’autre côté de la rue pour l’observer minutieusement, au-dehors d’un petit parc, qui cachait malgré lui une étrange camionnette, au milieu de quelques arbres.
-Mike, il est là depuis combien de temps ? fit Lenny James en refermant la porte arrière du véhicule, deux cafés entre les doigts.
-Sans sucre hein…
-Oui oui ! dit James en posant si fort le gobelet à côté de l’informaticien que le breuvage coula sur le petit bureau, pour finir par goutter sur le sol.
-Bordel fais attention ! s’écria Mike. C’est un équipement de pointe, si on bousille tout ça, on va nous…
Mike était l’une des rares personnes sur terre à ne pas craindre Lenny James, probablement parce que c’était l’un des meilleurs spécialistes en informatique d’Interpol et que James ne pouvait se passer de lui. Celui-ci lança son implacable regard noir vers l’homme aux lunettes, qui s’était légèrement détourné de ses écrans pour tenter de lui faire la morale, et il ne put que s’arrêter de parler en gloussant, pour finir par prononcer quelque minable excuse. Ils avaient envoyé leur troisième élément à l’extérieur pour filmer Code 47 depuis un immeuble des environs, et il semblait n’avoir rien remarqué.
-Il est sur ce banc depuis une heure et demie, avec une large casquette sur la tête.
-Sûrement pour éviter qu’on ne le démasque avec son crâne et son code barre, fit James, buvant une gorgée de café.
-Mais ce n’est pas tout… il a changé au moins six fois de position depuis ce matin ; il surveille le coin depuis huit heures maintenant.
-Il doit être sur un nouveau contrat.
-Le boulanger peut-être ? fit Mike avec un sourire niais.
James ne cilla pas, et se contenta d’hocher la tête, l’air idiot, avec un sourire large et faux sur le visage. Le sourire de l’informaticien s’effaça alors rapidement, comme d’habitude.
Il faisait froid sur le banc, et la nuit n’allait peut-être pas tarder à tomber. Tout comme à Moscou, les gardes de la planque ne sortaient que quelquefois par jour, pour acheter de quoi manger, et rentraient aussitôt dans le dépôt. Depuis ce matin, il y avait trois différentes personnes qui étaient venues acheter de quoi se nourrir, toutes semblaient armées d’un petit pistolet sous leur veste, du moins vu de loin, et chacun avait cet air sérieux et professionnel typique de l’Agence. Quand, pour la quatrième fois de la journée, un homme sortit du dépôt, la crosse de son arme bien visible sous sa veste ouverte (et 47 s’étonna de voir que l’Agence n’engageait plus avec autant de sévérité qu’avant), l’assassin silencieux se leva lentement de son banc, attendit avec un calme exemplaire que l’homme fût entré dans la boulangerie, puis traversa la route déserte.
-On dirait qu’il se dirige vers la boulangerie… je te l’avais bien dit ! s’écria Mike.
James était sur le point d’exploser, mais se contenta de se saisir du café de l’informaticien et de le vider d’un trait.
-Hé, mais c’était mon café !
-Plus maintenant. Regarde, il entre dans le dépôt de meubles. On a des infos là-dessus ?
Rapidement, Mike se tourna vers un deuxième clavier, et se connecta sur la base de données d’Interpol, ayant en quelques secondes confirmation.
-Hum, non, rien.
-Même dans le trafic de drogue, un crime dans le coin… ?
-Non, rien.
-C’est un peu trop immaculé pour que 47 s’y pointe.
-On agit ?
James fit une grimace.
-C’est hors de notre juridiction… et on n’a pas de preuve évidentes ! D’après la base de donnée, n°640509-040147, alias Hitman, est mort en 2000 ! J’ai beau avertir Scotland Yard ou Interpol, rien n’y fait. On attend, donc.
Mike garda la mâchoire serrée, l’air interdit, et ajouta dans un micro, comme pour donner de l’importance à une situation qui leur échappait :
-Lily, tente de trouver un autre endroit d’où filmer, on n’aura plus beaucoup de résultats d’où tu es.
Le dépôt était petit, mais suffisamment large pour qu’on y case de nombreuses caisses et autres meubles sous de larges protections en plastique transparent. La halle était faiblement éclairée, et quelques larges lampes au plafond suffisaient pour voir où l’on mettait les pieds, tout en augmentant de manière fantomatique les ombres de tout ce qui se trouvait dans la large pièce. Lentement, Hitman observa les environs, cherchant une caméra de surveillance, et en trouva deux, qui pointaient dans la même direction, chacune cachées derrière un tas de caisses. Il se risqua à jeter un coup d’œil, mais n’entraperçut rien d’autre qu’une simple armoire… sans aucune protection. L’entrée avait changé depuis sa dernière visite, mais l’Agence était toujours aussi ingénieuse. Rapidement, il partit se placer derrière le battant de la porte, toujours ouvert, puis sortit de sa poche un large mouchoir blanc, qu’il plia dans le but d’y verser du sédatif, trouvé dans une quelconque pharmacie en ville. Il rangea la bouteille, et attendit calmement dans l’ombre que sa cible s’approche. Au bout de quatre ou cinq minutes, il entendit des bruits de pas pressés venir du trottoir, au dehors. 47 se glissa alors rapidement derrière une caisse, accroupi, et tout en dévissant le bouchon de la bouteille, observa l’homme entrer, poser le paquet rempli de croissants et autres pâtisseries sur le sol, et commencer à fermer la porte. Il n’entendit pas l’ombre se glisser derrière lui, et sentit juste une douce sensation de légèreté quand on lui pressa le mouchoir sur le nez et la bouche. Il tenta de crier, de se débattre, mais ne put que parvenir à tomber dans l’agréable inconscience d’un sommeil forcé. Hitman traîna le corps du jeune asiatique dans un coin du hangar, puis le laissa tomber et s’approcha d’une large armoire entourée d’une protection en plastique uniforme, totalement identique aux autres, comme un clone. D’un geste précis, il l’enleva, ouvrit la porte et y déposa l’agent, avant de lui prendre ses vêtements. Puis il referma la porte de l’armoire, sans toutefois remettre la protection ; le pauvre bougre serait bien obligé de s’enfuir. Si on l’oubliait là-dedans ou qu’il asphyxiait, il aurait l’Agence sur le dos. L’homme avait un bonnet, et 47 fut heureux de le caler sur sa tête nue, affalé d’une simple veste en cuir cachant son 9mm et d’un pantalon en jean tout ce qu’il y avait de plus normal. Puis il se dirigea vers l’entrée du dépôt, ferma la porte et saisit le paquet du boulanger, se mettant ensuite à marcher jusque vers l’armoire visée par les caméras. D’une main experte, il saisit la poignée ronde, pour se rendre compte que la porte ne s’ouvrait pas. Il était devant les caméras ; il était un agent de l’Agence en faction dans la planque qui savait comment entrer. S’il ne l’était pas, sa couverture et sa seule chance de trouver la taupe de Beldingford étaient foutues. Mais il remarqua bientôt qu’il suffisait de la tourner, et en moins de quelques secondes, il s’était engouffré dans l’armoire, la porte lentement refermée derrière lui. À l’intérieur, c’était le noir total, et il se demanda s’il n’avait pas à nouveau commis une bourde quand il trouva, en tâtonnant au bout de trente secondes, un interrupteur au plafond. Il l’activa, et une lampe s’alluma bientôt, alors que toute l’armoire semblait se mettre à bouger ; un ascenseur. 47 faillit esquisser un sourire devant cette situation inhabituelle, mais il se ravisa dès que l’étrange cage se fut stoppée et que la porte à deux battants s’ouvrit devant lui. La planque s’était modernisée. Le sol était fait d’un vieux parquet, mais les murs étaient désormais en briques neuves et rougeoyantes, de larges lampes à néon éclairant parfaitement la petite fourmilière qui se dressait face à lui. La salle devait faire dix mètres de long sur six, avec une hauteur d’au moins trois mètres, d’où partaient une multitude de couloirs. Le tout aurait été parfait, si des caméras supplémentaires n’étaient pas venues s’ajouter, ainsi qu’une rangée d’ordinateurs et de techniciens. La pensée des sous-sols soviétiques de St Petersbourg ne put s’empêcher de lui traverser l’esprit, alors qu’il posait le paquet des mets du boulanger à côté d’un ordinateur, et que tous les agents se ruaient déjà dessus. Il se dirigea rapidement dans un couloir à sa droite, et passa sous une petite caméra, une caméra comme il en avait déjà vu des tonnes, une de ces caméras comme celle qui l’avait coincé un jour au Portugal.
« 47, votre contrat d’aujourd’hui est plutôt simple : notre cible est un cuisiner, nommé Rùben Danilo. »
Ce jour-là, installé dans une petite maison de campagne au bord de la mer, observant la vidéo sous le bruit des vagues et des oiseaux, Hitman ne s’attendait pas à finir hors de l’Agence. C’était quelques semaines après la fin de ses ennuis avec le père Vittorio ; c’était sa première rencontre avec Lenny James.
-Il est cuisinier en chef dans un restaurant de Lisbonne, et semble profiter de sa position privilégiée pour faire main basse sur ses ennemis et ensuite racheter leurs établissements, augmentant ainsi de manière astronomique sa fortune. On lui attribue la mort accidentelle de quatre célèbres cuisiniers européens… dont deux liquidés par nos agents, il est donc connu de nos services, mais comme client. Cette fois-ci, il semble que ce soit l’inverse, mais ce n’est pas notre problème, comme toujours. Notre commanditaire nous donne un bonus plutôt agréable s’il meurt devant les yeux de tous, lors d’une conférence entre les grands noms de la cuisine européenne, qui doit avoir lieu ici même, dans la capitale. Pour ce, nous vous avons préparé de quoi vous aider… Bonne chance, 47.
Hitman avait tourné la tête vers le sachet qui contenait une poudre étrange. De la drogue, du poison ? Il s’était approché de l’étiquette, l’avait lue et s’était soudain demandé qui était le sadique qui avait donné de l’argent pour ce contrat.
Il s’était glissé comme invité, sans armes à feu, lors de la conférence. Un chef italien était alors en train de préparer un met bien de chez lui, mais Hitman ne s’en souciait guère. Après quelques repérages, il avait repéré les cuisines. Remarquant que les serveurs avaient le droit de s’y introduire, il en avait assommé un dans un coin sombre. En quelques dizaines de seconde, il s’était habillé de son costume rouge sombre avec chemise blanche et nœud papillon noir, des gants étincelants au bout des doigts. Parfaitement méconnaissable, un plateau entre les mains, il s’était introduit dans les cuisines, là où les ingrédients de la recette de Danilo étaient préparés. Après s’être assuré que personne ne regardait, il avait trafiqué la salière, et remplacé le sel en question par la poudre qu’on lui avait donnée. La chose qu’il n’avait pas vue, c’était cette caméra au-dessus de lui. Lorsqu’il était reparti, et que Danilo avait commencé sa recette devant la foule, on s’était aperçut trop tard que quelqu’un était venu en cuisine. Hitman était déjà sorti quand la salière laissa tomber dans l’eau qui était en train de bouillir le concentré de potassium. D’après Diana, le commanditaire était ravi, et ce n’était pas le titre « La recette explosive de Rùben Danilo» du journal national qui avait paru le lendemain qui l’avait déçu ; la prime du tueur avait doublé. Hitman serait bien reparti de Lisbonne si, le jour suivant, un homme aux cheveux gris n’avait pas frappé à sa porte…
« -Qui est-ce ? demanda le tueur au travers du battant.
-J’ai quelques questions à vous poser, fit la voix.
Mauvais signe. Très mauvais signe.
Rapidement, Hitman prit son argent, les informations que Diana lui avait remises et son Silverballer silencieux, pour ensuite demander, la porte toujours fermée :
-À propos de ?
-Monsieur, ouvrez la porte, j’aimerais vous parler.
-Désolé mais je n’attends personne… répondit 47 d’une voix neutre, tout en étant légèrement stressé.
Il ouvrit un petit sac à dos noir dans lequel il fourra rapidement tous les papiers concernant la cible, qu’il aurait pourtant dû brûler dans la cheminée comme il le faisait d’habitude, ou les jeter dans un égout. Il y jeta également les liasses de billets qu’un contact de l’Agence lui avait donné quelques heures auparavant, les intérêts compris. Soudain il crut apercevoir une ombre dans le jardin, puis une deuxième, qui s’extirpait de la haie avec précaution.
-C’est une urgence, monsieur !
-Désolé, je ne…
-Ouvrez la porte monsieur, Interpol !
Code 47 étouffa un juron, et se rendit compte un peu trop tard que des forces d’intervention entouraient la maison. Lorsqu’un premier agent le vit, de l’extérieur, arme à la main, il cria quelque chose en portugais au reste de l’équipe et, en quelques secondes, une demi-douzaine de grenades fumigènes brisèrent les larges portes vitrées du salon pour tomber un peu partout, commençant à remplir l’air d’une âcre fumée volubile. La porte fut défoncée avec fracas, et avant que le premier agent d’intervention ait eu le temps de faire le moindre geste, sa tête était déjà perforée violemment par une balle de Silverballer. Il s’écroula aussitôt en arrière dans une gerbe de sang alors que l’agent qui le suivait criait d’horreur, sa combinaison remplie de l’hémoglobine de son coéquipier. Rapidement, Hitman sauta derrière un canapé en vidant son chargeur en direction de la porte alors que les fumigènes commençaient à envahir toute la pièce, éliminant ainsi deux ennemis qui entraient, MP5 à l’épaule. Anticipant les réactions du reste des forces spéciales, il se coucha à terre, le sac à dos fortement accroché autour de ses épaules, tandis que le canapé se faisait trouer de parts et d’autres par les rafales des soldats ennemis, faisant voler mousse et tissu à travers la pièce enfumée. 47 laissa tomber son chargeur sur le sol, en saisit rapidement un autre, et pointa son arme vers un agent qui venait de dégainer dans sa direction, ne lui laissant pas le temps de faire le moindre geste, son corps troué de quatre balles dans un râle aigu, les quatre douilles tourbillonnant devant les yeux du tueur ; l’homme tomba à terre, sembla voir un spasme, puis 47 détourna son regard, la fumée commençant réellement à lui démanger les yeux. D’autres ennemis allaient bientôt arriver, il fallait se dépêcher de sortir. 47 se leva, quitta rapidement sa cachette, leva son pistolet vers un autre agent et lui tira deux balles dans la jambe. L’homme tomba en criant, et tenta d’aligner l’assassin silencieux alors que celui-ci se ruait dans la cuisine ; les balles perforèrent avec puissance la porte et le mur alors que Hitman entrait de justesse. Il se dirigea rapidement vers le réservoir de gaz, et ouvrit la vanne au maximum ; cette odeur mélangée à celle des fumigènes le fit vaciller. Il ouvrit rapidement la fenêtre et sauta, puis se mit à courir sur quelques mètres… pour se stopper immédiatement sur sa lancée, se retrouvant nez à nez avec un homme habile, armé d’un MP5. Le canon était à moins de vingt centimètres de sa tête, il était fait comme un rat.
-Revenu d’entre les morts, très cher ? lui fit l’homme.
C’était l’homme qui lui avait parlé à travers la porte. Un peu moins de cinquante ans, des cheveux gris et un regard froid mais d’une intense intelligence.
-Passe-moi ton arme, fit-il en lui prenant le pistolet des mains. C’est toi qui a fait le coup du sel à Danilo ?
Hitman ne cilla pas, ne répondit pas, se contenta de le regarder dans le plus profond des yeux.
-Réponds ! C’est toi qui t’es introduit dans les cuisines pour mettre de la matière explosive dans la salière ?!
Le tueur détourna les yeux. Aucun regard. Aucune réaction.
-RÉPONDS !
Aucun souffle. Pas une once de vie dans les gestes du tueur.
-Bien… fit James, pensant pouvoir utiliser les mêmes méthodes sur 47 que sur les malfrats avec qui il traitait la plupart du temps, voulant lui administrer une balle dans le pied.
Mais alors qu’il baissait son arme en direction des jambes de Code 47, celui-ci avait écarté la mitraillette d’un puissant coup avec sa main, et Lenny James avait malencontreusement mis le doigt sur la détente. De la rafale, une balle avait atteint le rebord de la fenêtre de la cuisine, provoquant ainsi une minuscule étincelle ; celle de trop. Avant que l’assassin silencieux ou l’agent d’Interpol ait pu faire le moindre geste, une intense lumière les aveugla, et un souffle puissant les projeta à terre. L’impulsion fit littéralement s’envoler tous les soldats d’élite qui se trouvaient à moins de dix mètres avant même que le feu ne commençât à consumer les murs. L’explosion ravagea la moitié de la maison, provoquant une boule de feu rougeoyante au niveau de la cuisine ; les murs furent soufflés, le toit se perça de manière étrange pour laisser sortir les vagues de feu et toutes les vitres de la maison furent éparpillées au quatre vents. Lorsque la boule de feu avait disparu, c’était pour rapidement laisser place à un trou béant, une colonne de fumée noire et des débris tombant par dizaines autour de la maison. Quand Lenny James se réveilla, la tête lourde, Hitman était parti, et il ne restait plus qu’un beau ciel bleu et de la fumée s’élevant jusqu’au lointain. »
Une autre caméra.
Hitman haïssait les caméras depuis ce jour-là. Diana s’était montrée furieuse : neuf agents d’intervention de la police de Lisbonne avaient été tués, et il avait depuis Lenny James sur le dos. Et ici, les caméras étaient omniprésentes. Il y en avait sur tous les murs de brique, et il espérait que sa venue ne serait pas trop remarquée, car de toute façon elle ne passerait pas inaperçue. Il trouva une porte, sur sa gauche, et se mit difficilement dans l’angle mort d’une caméra pour observer la pièce depuis la serrure. Un genre de dortoir, avec trois lits, peut-être une pièce de repos. Un seul homme dormait, il était inutile d’entrer ici. Continuant sa route parmi le labyrinthe dans les sous-sols de Hong Kong, il finit par remarquer que tous les fils accrochés au murs convergeaient vers une même pièce. Passant sous la caméra qui filmait la porte de la pièce en question, Hitman en profita pour débrancher le fil qui la maintenait en vie. Il s’approcha alors rapidement de la porte, et mis son oreille contre le battant, pour entendre le bruit caractéristique d’ordinateurs en chauffe. La porte était fermée ; la serrure était trop étroite pour regarder. Il sortit vite de sa poche son matériel de crochetage, et commença l’opération. Au bout de quelques secondes seulement, l’antique serrure céda. Il ouvrit légèrement le battant, pour s’assurer qu’il n’y avait personne, et c’était le cas. Alors qu’il fermait doucement la porte, un garde venait rebrancher la caméra, à son insu.
À l’intérieur, la pièce était remplie de serveurs, mieux valait ne pas y toucher. Mais ils contenaient également toutes les infos dont l’ex-meilleur homme de l’Agence pourrait avoir besoin. Il sortit de sa poche un CD qu’il inséra dans un ordinateur, et commença à copier tous les fichiers qui l’intéressaient depuis la base de donnée, du moins c’est ce qu’il comptait faire.
« Données réservés. Veillez entrer le nom d’utiliser et le mot de passe »
47 ne put s’empêcher de jurer. BRO4887 était probablement désactivé, et même si ce n’était pas le cas, c’était trop risqué. Il avait vite appris à maîtriser l’informatique, mais le système de l’Agence était rudement corsé, néanmoins il n’était pas venu jusqu’ici pour tout abandonner. Rapidement, en quelques coups de codes informatiques, il arriva sur un menu, et arriva à accéder au système qui traitait les données, et la protection de données du système. Bien qu’ayant grandi toute sa vie sous les yeux attentifs des scientifiques à la solde de Ort-Meyer, et sans ordinateurs, il fallait avouer qu’il s’était montré très doué dans la manipulation de programmes et de systèmes, réussissant à entrer dans les recoins informatiques les plus complexes. Ici aussi, le codage était complexe, et Hitman commença à suer. Ses doigts tapaient frénétiquement sur le clavier, et faire une erreur maintenant serait fatale. Il tenta de désactiver le mot de passe des dossiers auquel il avait accès, mais c’était impossible depuis l’ordinateur de la planque de Hong Kong. Il dut se contenter de rentrer dans le système administrateur, chose qu’il réussit à faire au bout de huit minutes, en alignant avec ingéniosité les lignes de codes, pour créer un nouveau compte, ayant accès à tous les dossiers. Il serait rapidement découvert, en quelques minutes probablement, mais c’était le mieux à faire. Une fois qu’il put entrer le nouveau nom d’utilisateur, il désigna rapidement tous les dossiers qui les intéressaient ; le sien, celui de Gregorovitch, tous ceux des chauffeurs et autres agents secondaires de l’Agence, celui qui contenait les informations relatives aux planques dans le monde, et même celui de Crooney, le trafiquant de drogue liquidé à Detroit. Le dossier de Diana ? Hitman y avait accès, et il ne put s’empêcher de pointer la souris dessus, il ne suffisait plus qu’à cliquer, pour savoir qui elle était réellement. Mais pourquoi ? La vengeance ? S’il voulait avoir l’occasion de prouver son innocence et de retourner à l’Agence, mieux valait ne pas y toucher. L’ordinateur chauffait fortement, et l’enregistrement du CD arrivait à sa fin, quand un message s’afficha en rouge sur l’écran :
« PIRATAGE, ACCES INTERDIT A DONNEES CONFIDENTIELLES »
-Merde !
47 appuya rapidement sur une touche, et le CD sortit du compartiment. Alors qu’il ouvrait la porte pour s’enfuir, une alarme résonna dans les couloirs. Rapidement, l’assassin plongea sa main dans la veste, pour en sortir son Beretta silencieux et le pointer vers la caméra. A l’autre bout des souterrains, dans la salle de sécurité, le technicien ne vit ensuite plus que des parasites sur l’écran de contrôle, bientôt suivis par d’autres sur un second écran. En quelques secondes, quatre caméras furent hors service, et il pouvait ainsi aisément, grâce aux caméras détruites, suivre la direction que prenait le tueur, qui courait à en perdre haleine à travers les sombres couloirs. Soudain, la porte de la salle de repos s’ouvrit, et l’agent qui y dormait en sortit, arme à la main. Avant qu’il n’ait pu faire le moindre geste, Hitman, qui arrivait dans sa direction en courant, lui claqua la porte au nez, et l’homme tomba dans l’ouverture, le visage en sang. Deux autres agents arrivèrent face à lui, également armé, et dégainèrent. Il ne restait plus beaucoup de munitions dans le Beretta, et il suffit d’une balle pour détruire le néon au-dessus de l’homme, plongeant une partie du couloir dans la pénombre. Hitman put ainsi éviter les tirs très peu précis d’un des deux agents, et lui envoyer un puissant coup de coude en passant à son niveau, puis poussant violemment l’autre ennemi contre le mur, qui s’écroula dans un grognement.
Il arriva enfin face à l’ascenseur et s’y engouffra, haletant. Alors que les agents en factions commençaient à tirer, les portes se refermèrent à temps, faisant ricocher en éclats lumineux quelques balles provenant de tirs précipités. Dans le noir de l’ascenseur-armoire, 47 respira un grand coup, et mit la main dans sa poche pour s’assurer que le CD était encore là, et c’était bel et bien le cas. Il profita de ces quelques secondes dans le noir total pour lui aussi fermer les yeux, et faire le vide dans sa tête et sa vie. Quelques instants de paix. En sortant, il utilisa ses deux dernières balles pour annihiler les deux caméras, puis repartit rapidement en direction de son hôtel, sous l’œil attentif de James, encore aux aguets, empli de nervosité dans sa petite camionnette. Le molosse avait les crocs acérés, et sa proie devenait de moins en moins prudente… mieux valait pour lui en profiter tant que c’était le cas.
La planque de Hong Kong était, comme quasiment toutes les planques de l’Agence, au dernier endroit où l’on penserait fouiller. Ni dans les milieux riches, ni dans les trop défavorisés, ni trop dans la lumière, ni trop dans l’ombre, partout et nulle part. Cela faisait un bout de temps que Code 47 n’était plus revenu dans la cité asiatique, et il lui fallut un peu plus de temps que prévu pour dénicher la planque, calée quelque part entre une petite boulangerie et des immeubles locatifs, sous le couvert d’un dépôt de fournitures immobilières, des banderoles au couleurs vives et des lampions projetant une faible lumière pendant à ses côtés. Pour ne pas éveiller les soupçons, le tueur partit s’asseoir sur un banc de l’autre côté de la rue pour l’observer minutieusement, au-dehors d’un petit parc, qui cachait malgré lui une étrange camionnette, au milieu de quelques arbres.
-Mike, il est là depuis combien de temps ? fit Lenny James en refermant la porte arrière du véhicule, deux cafés entre les doigts.
-Sans sucre hein…
-Oui oui ! dit James en posant si fort le gobelet à côté de l’informaticien que le breuvage coula sur le petit bureau, pour finir par goutter sur le sol.
-Bordel fais attention ! s’écria Mike. C’est un équipement de pointe, si on bousille tout ça, on va nous…
Mike était l’une des rares personnes sur terre à ne pas craindre Lenny James, probablement parce que c’était l’un des meilleurs spécialistes en informatique d’Interpol et que James ne pouvait se passer de lui. Celui-ci lança son implacable regard noir vers l’homme aux lunettes, qui s’était légèrement détourné de ses écrans pour tenter de lui faire la morale, et il ne put que s’arrêter de parler en gloussant, pour finir par prononcer quelque minable excuse. Ils avaient envoyé leur troisième élément à l’extérieur pour filmer Code 47 depuis un immeuble des environs, et il semblait n’avoir rien remarqué.
-Il est sur ce banc depuis une heure et demie, avec une large casquette sur la tête.
-Sûrement pour éviter qu’on ne le démasque avec son crâne et son code barre, fit James, buvant une gorgée de café.
-Mais ce n’est pas tout… il a changé au moins six fois de position depuis ce matin ; il surveille le coin depuis huit heures maintenant.
-Il doit être sur un nouveau contrat.
-Le boulanger peut-être ? fit Mike avec un sourire niais.
James ne cilla pas, et se contenta d’hocher la tête, l’air idiot, avec un sourire large et faux sur le visage. Le sourire de l’informaticien s’effaça alors rapidement, comme d’habitude.
Il faisait froid sur le banc, et la nuit n’allait peut-être pas tarder à tomber. Tout comme à Moscou, les gardes de la planque ne sortaient que quelquefois par jour, pour acheter de quoi manger, et rentraient aussitôt dans le dépôt. Depuis ce matin, il y avait trois différentes personnes qui étaient venues acheter de quoi se nourrir, toutes semblaient armées d’un petit pistolet sous leur veste, du moins vu de loin, et chacun avait cet air sérieux et professionnel typique de l’Agence. Quand, pour la quatrième fois de la journée, un homme sortit du dépôt, la crosse de son arme bien visible sous sa veste ouverte (et 47 s’étonna de voir que l’Agence n’engageait plus avec autant de sévérité qu’avant), l’assassin silencieux se leva lentement de son banc, attendit avec un calme exemplaire que l’homme fût entré dans la boulangerie, puis traversa la route déserte.
-On dirait qu’il se dirige vers la boulangerie… je te l’avais bien dit ! s’écria Mike.
James était sur le point d’exploser, mais se contenta de se saisir du café de l’informaticien et de le vider d’un trait.
-Hé, mais c’était mon café !
-Plus maintenant. Regarde, il entre dans le dépôt de meubles. On a des infos là-dessus ?
Rapidement, Mike se tourna vers un deuxième clavier, et se connecta sur la base de données d’Interpol, ayant en quelques secondes confirmation.
-Hum, non, rien.
-Même dans le trafic de drogue, un crime dans le coin… ?
-Non, rien.
-C’est un peu trop immaculé pour que 47 s’y pointe.
-On agit ?
James fit une grimace.
-C’est hors de notre juridiction… et on n’a pas de preuve évidentes ! D’après la base de donnée, n°640509-040147, alias Hitman, est mort en 2000 ! J’ai beau avertir Scotland Yard ou Interpol, rien n’y fait. On attend, donc.
Mike garda la mâchoire serrée, l’air interdit, et ajouta dans un micro, comme pour donner de l’importance à une situation qui leur échappait :
-Lily, tente de trouver un autre endroit d’où filmer, on n’aura plus beaucoup de résultats d’où tu es.
Le dépôt était petit, mais suffisamment large pour qu’on y case de nombreuses caisses et autres meubles sous de larges protections en plastique transparent. La halle était faiblement éclairée, et quelques larges lampes au plafond suffisaient pour voir où l’on mettait les pieds, tout en augmentant de manière fantomatique les ombres de tout ce qui se trouvait dans la large pièce. Lentement, Hitman observa les environs, cherchant une caméra de surveillance, et en trouva deux, qui pointaient dans la même direction, chacune cachées derrière un tas de caisses. Il se risqua à jeter un coup d’œil, mais n’entraperçut rien d’autre qu’une simple armoire… sans aucune protection. L’entrée avait changé depuis sa dernière visite, mais l’Agence était toujours aussi ingénieuse. Rapidement, il partit se placer derrière le battant de la porte, toujours ouvert, puis sortit de sa poche un large mouchoir blanc, qu’il plia dans le but d’y verser du sédatif, trouvé dans une quelconque pharmacie en ville. Il rangea la bouteille, et attendit calmement dans l’ombre que sa cible s’approche. Au bout de quatre ou cinq minutes, il entendit des bruits de pas pressés venir du trottoir, au dehors. 47 se glissa alors rapidement derrière une caisse, accroupi, et tout en dévissant le bouchon de la bouteille, observa l’homme entrer, poser le paquet rempli de croissants et autres pâtisseries sur le sol, et commencer à fermer la porte. Il n’entendit pas l’ombre se glisser derrière lui, et sentit juste une douce sensation de légèreté quand on lui pressa le mouchoir sur le nez et la bouche. Il tenta de crier, de se débattre, mais ne put que parvenir à tomber dans l’agréable inconscience d’un sommeil forcé. Hitman traîna le corps du jeune asiatique dans un coin du hangar, puis le laissa tomber et s’approcha d’une large armoire entourée d’une protection en plastique uniforme, totalement identique aux autres, comme un clone. D’un geste précis, il l’enleva, ouvrit la porte et y déposa l’agent, avant de lui prendre ses vêtements. Puis il referma la porte de l’armoire, sans toutefois remettre la protection ; le pauvre bougre serait bien obligé de s’enfuir. Si on l’oubliait là-dedans ou qu’il asphyxiait, il aurait l’Agence sur le dos. L’homme avait un bonnet, et 47 fut heureux de le caler sur sa tête nue, affalé d’une simple veste en cuir cachant son 9mm et d’un pantalon en jean tout ce qu’il y avait de plus normal. Puis il se dirigea vers l’entrée du dépôt, ferma la porte et saisit le paquet du boulanger, se mettant ensuite à marcher jusque vers l’armoire visée par les caméras. D’une main experte, il saisit la poignée ronde, pour se rendre compte que la porte ne s’ouvrait pas. Il était devant les caméras ; il était un agent de l’Agence en faction dans la planque qui savait comment entrer. S’il ne l’était pas, sa couverture et sa seule chance de trouver la taupe de Beldingford étaient foutues. Mais il remarqua bientôt qu’il suffisait de la tourner, et en moins de quelques secondes, il s’était engouffré dans l’armoire, la porte lentement refermée derrière lui. À l’intérieur, c’était le noir total, et il se demanda s’il n’avait pas à nouveau commis une bourde quand il trouva, en tâtonnant au bout de trente secondes, un interrupteur au plafond. Il l’activa, et une lampe s’alluma bientôt, alors que toute l’armoire semblait se mettre à bouger ; un ascenseur. 47 faillit esquisser un sourire devant cette situation inhabituelle, mais il se ravisa dès que l’étrange cage se fut stoppée et que la porte à deux battants s’ouvrit devant lui. La planque s’était modernisée. Le sol était fait d’un vieux parquet, mais les murs étaient désormais en briques neuves et rougeoyantes, de larges lampes à néon éclairant parfaitement la petite fourmilière qui se dressait face à lui. La salle devait faire dix mètres de long sur six, avec une hauteur d’au moins trois mètres, d’où partaient une multitude de couloirs. Le tout aurait été parfait, si des caméras supplémentaires n’étaient pas venues s’ajouter, ainsi qu’une rangée d’ordinateurs et de techniciens. La pensée des sous-sols soviétiques de St Petersbourg ne put s’empêcher de lui traverser l’esprit, alors qu’il posait le paquet des mets du boulanger à côté d’un ordinateur, et que tous les agents se ruaient déjà dessus. Il se dirigea rapidement dans un couloir à sa droite, et passa sous une petite caméra, une caméra comme il en avait déjà vu des tonnes, une de ces caméras comme celle qui l’avait coincé un jour au Portugal.
« 47, votre contrat d’aujourd’hui est plutôt simple : notre cible est un cuisiner, nommé Rùben Danilo. »
Ce jour-là, installé dans une petite maison de campagne au bord de la mer, observant la vidéo sous le bruit des vagues et des oiseaux, Hitman ne s’attendait pas à finir hors de l’Agence. C’était quelques semaines après la fin de ses ennuis avec le père Vittorio ; c’était sa première rencontre avec Lenny James.
-Il est cuisinier en chef dans un restaurant de Lisbonne, et semble profiter de sa position privilégiée pour faire main basse sur ses ennemis et ensuite racheter leurs établissements, augmentant ainsi de manière astronomique sa fortune. On lui attribue la mort accidentelle de quatre célèbres cuisiniers européens… dont deux liquidés par nos agents, il est donc connu de nos services, mais comme client. Cette fois-ci, il semble que ce soit l’inverse, mais ce n’est pas notre problème, comme toujours. Notre commanditaire nous donne un bonus plutôt agréable s’il meurt devant les yeux de tous, lors d’une conférence entre les grands noms de la cuisine européenne, qui doit avoir lieu ici même, dans la capitale. Pour ce, nous vous avons préparé de quoi vous aider… Bonne chance, 47.
Hitman avait tourné la tête vers le sachet qui contenait une poudre étrange. De la drogue, du poison ? Il s’était approché de l’étiquette, l’avait lue et s’était soudain demandé qui était le sadique qui avait donné de l’argent pour ce contrat.
Il s’était glissé comme invité, sans armes à feu, lors de la conférence. Un chef italien était alors en train de préparer un met bien de chez lui, mais Hitman ne s’en souciait guère. Après quelques repérages, il avait repéré les cuisines. Remarquant que les serveurs avaient le droit de s’y introduire, il en avait assommé un dans un coin sombre. En quelques dizaines de seconde, il s’était habillé de son costume rouge sombre avec chemise blanche et nœud papillon noir, des gants étincelants au bout des doigts. Parfaitement méconnaissable, un plateau entre les mains, il s’était introduit dans les cuisines, là où les ingrédients de la recette de Danilo étaient préparés. Après s’être assuré que personne ne regardait, il avait trafiqué la salière, et remplacé le sel en question par la poudre qu’on lui avait donnée. La chose qu’il n’avait pas vue, c’était cette caméra au-dessus de lui. Lorsqu’il était reparti, et que Danilo avait commencé sa recette devant la foule, on s’était aperçut trop tard que quelqu’un était venu en cuisine. Hitman était déjà sorti quand la salière laissa tomber dans l’eau qui était en train de bouillir le concentré de potassium. D’après Diana, le commanditaire était ravi, et ce n’était pas le titre « La recette explosive de Rùben Danilo» du journal national qui avait paru le lendemain qui l’avait déçu ; la prime du tueur avait doublé. Hitman serait bien reparti de Lisbonne si, le jour suivant, un homme aux cheveux gris n’avait pas frappé à sa porte…
« -Qui est-ce ? demanda le tueur au travers du battant.
-J’ai quelques questions à vous poser, fit la voix.
Mauvais signe. Très mauvais signe.
Rapidement, Hitman prit son argent, les informations que Diana lui avait remises et son Silverballer silencieux, pour ensuite demander, la porte toujours fermée :
-À propos de ?
-Monsieur, ouvrez la porte, j’aimerais vous parler.
-Désolé mais je n’attends personne… répondit 47 d’une voix neutre, tout en étant légèrement stressé.
Il ouvrit un petit sac à dos noir dans lequel il fourra rapidement tous les papiers concernant la cible, qu’il aurait pourtant dû brûler dans la cheminée comme il le faisait d’habitude, ou les jeter dans un égout. Il y jeta également les liasses de billets qu’un contact de l’Agence lui avait donné quelques heures auparavant, les intérêts compris. Soudain il crut apercevoir une ombre dans le jardin, puis une deuxième, qui s’extirpait de la haie avec précaution.
-C’est une urgence, monsieur !
-Désolé, je ne…
-Ouvrez la porte monsieur, Interpol !
Code 47 étouffa un juron, et se rendit compte un peu trop tard que des forces d’intervention entouraient la maison. Lorsqu’un premier agent le vit, de l’extérieur, arme à la main, il cria quelque chose en portugais au reste de l’équipe et, en quelques secondes, une demi-douzaine de grenades fumigènes brisèrent les larges portes vitrées du salon pour tomber un peu partout, commençant à remplir l’air d’une âcre fumée volubile. La porte fut défoncée avec fracas, et avant que le premier agent d’intervention ait eu le temps de faire le moindre geste, sa tête était déjà perforée violemment par une balle de Silverballer. Il s’écroula aussitôt en arrière dans une gerbe de sang alors que l’agent qui le suivait criait d’horreur, sa combinaison remplie de l’hémoglobine de son coéquipier. Rapidement, Hitman sauta derrière un canapé en vidant son chargeur en direction de la porte alors que les fumigènes commençaient à envahir toute la pièce, éliminant ainsi deux ennemis qui entraient, MP5 à l’épaule. Anticipant les réactions du reste des forces spéciales, il se coucha à terre, le sac à dos fortement accroché autour de ses épaules, tandis que le canapé se faisait trouer de parts et d’autres par les rafales des soldats ennemis, faisant voler mousse et tissu à travers la pièce enfumée. 47 laissa tomber son chargeur sur le sol, en saisit rapidement un autre, et pointa son arme vers un agent qui venait de dégainer dans sa direction, ne lui laissant pas le temps de faire le moindre geste, son corps troué de quatre balles dans un râle aigu, les quatre douilles tourbillonnant devant les yeux du tueur ; l’homme tomba à terre, sembla voir un spasme, puis 47 détourna son regard, la fumée commençant réellement à lui démanger les yeux. D’autres ennemis allaient bientôt arriver, il fallait se dépêcher de sortir. 47 se leva, quitta rapidement sa cachette, leva son pistolet vers un autre agent et lui tira deux balles dans la jambe. L’homme tomba en criant, et tenta d’aligner l’assassin silencieux alors que celui-ci se ruait dans la cuisine ; les balles perforèrent avec puissance la porte et le mur alors que Hitman entrait de justesse. Il se dirigea rapidement vers le réservoir de gaz, et ouvrit la vanne au maximum ; cette odeur mélangée à celle des fumigènes le fit vaciller. Il ouvrit rapidement la fenêtre et sauta, puis se mit à courir sur quelques mètres… pour se stopper immédiatement sur sa lancée, se retrouvant nez à nez avec un homme habile, armé d’un MP5. Le canon était à moins de vingt centimètres de sa tête, il était fait comme un rat.
-Revenu d’entre les morts, très cher ? lui fit l’homme.
C’était l’homme qui lui avait parlé à travers la porte. Un peu moins de cinquante ans, des cheveux gris et un regard froid mais d’une intense intelligence.
-Passe-moi ton arme, fit-il en lui prenant le pistolet des mains. C’est toi qui a fait le coup du sel à Danilo ?
Hitman ne cilla pas, ne répondit pas, se contenta de le regarder dans le plus profond des yeux.
-Réponds ! C’est toi qui t’es introduit dans les cuisines pour mettre de la matière explosive dans la salière ?!
Le tueur détourna les yeux. Aucun regard. Aucune réaction.
-RÉPONDS !
Aucun souffle. Pas une once de vie dans les gestes du tueur.
-Bien… fit James, pensant pouvoir utiliser les mêmes méthodes sur 47 que sur les malfrats avec qui il traitait la plupart du temps, voulant lui administrer une balle dans le pied.
Mais alors qu’il baissait son arme en direction des jambes de Code 47, celui-ci avait écarté la mitraillette d’un puissant coup avec sa main, et Lenny James avait malencontreusement mis le doigt sur la détente. De la rafale, une balle avait atteint le rebord de la fenêtre de la cuisine, provoquant ainsi une minuscule étincelle ; celle de trop. Avant que l’assassin silencieux ou l’agent d’Interpol ait pu faire le moindre geste, une intense lumière les aveugla, et un souffle puissant les projeta à terre. L’impulsion fit littéralement s’envoler tous les soldats d’élite qui se trouvaient à moins de dix mètres avant même que le feu ne commençât à consumer les murs. L’explosion ravagea la moitié de la maison, provoquant une boule de feu rougeoyante au niveau de la cuisine ; les murs furent soufflés, le toit se perça de manière étrange pour laisser sortir les vagues de feu et toutes les vitres de la maison furent éparpillées au quatre vents. Lorsque la boule de feu avait disparu, c’était pour rapidement laisser place à un trou béant, une colonne de fumée noire et des débris tombant par dizaines autour de la maison. Quand Lenny James se réveilla, la tête lourde, Hitman était parti, et il ne restait plus qu’un beau ciel bleu et de la fumée s’élevant jusqu’au lointain. »
Une autre caméra.
Hitman haïssait les caméras depuis ce jour-là. Diana s’était montrée furieuse : neuf agents d’intervention de la police de Lisbonne avaient été tués, et il avait depuis Lenny James sur le dos. Et ici, les caméras étaient omniprésentes. Il y en avait sur tous les murs de brique, et il espérait que sa venue ne serait pas trop remarquée, car de toute façon elle ne passerait pas inaperçue. Il trouva une porte, sur sa gauche, et se mit difficilement dans l’angle mort d’une caméra pour observer la pièce depuis la serrure. Un genre de dortoir, avec trois lits, peut-être une pièce de repos. Un seul homme dormait, il était inutile d’entrer ici. Continuant sa route parmi le labyrinthe dans les sous-sols de Hong Kong, il finit par remarquer que tous les fils accrochés au murs convergeaient vers une même pièce. Passant sous la caméra qui filmait la porte de la pièce en question, Hitman en profita pour débrancher le fil qui la maintenait en vie. Il s’approcha alors rapidement de la porte, et mis son oreille contre le battant, pour entendre le bruit caractéristique d’ordinateurs en chauffe. La porte était fermée ; la serrure était trop étroite pour regarder. Il sortit vite de sa poche son matériel de crochetage, et commença l’opération. Au bout de quelques secondes seulement, l’antique serrure céda. Il ouvrit légèrement le battant, pour s’assurer qu’il n’y avait personne, et c’était le cas. Alors qu’il fermait doucement la porte, un garde venait rebrancher la caméra, à son insu.
À l’intérieur, la pièce était remplie de serveurs, mieux valait ne pas y toucher. Mais ils contenaient également toutes les infos dont l’ex-meilleur homme de l’Agence pourrait avoir besoin. Il sortit de sa poche un CD qu’il inséra dans un ordinateur, et commença à copier tous les fichiers qui l’intéressaient depuis la base de donnée, du moins c’est ce qu’il comptait faire.
« Données réservés. Veillez entrer le nom d’utiliser et le mot de passe »
47 ne put s’empêcher de jurer. BRO4887 était probablement désactivé, et même si ce n’était pas le cas, c’était trop risqué. Il avait vite appris à maîtriser l’informatique, mais le système de l’Agence était rudement corsé, néanmoins il n’était pas venu jusqu’ici pour tout abandonner. Rapidement, en quelques coups de codes informatiques, il arriva sur un menu, et arriva à accéder au système qui traitait les données, et la protection de données du système. Bien qu’ayant grandi toute sa vie sous les yeux attentifs des scientifiques à la solde de Ort-Meyer, et sans ordinateurs, il fallait avouer qu’il s’était montré très doué dans la manipulation de programmes et de systèmes, réussissant à entrer dans les recoins informatiques les plus complexes. Ici aussi, le codage était complexe, et Hitman commença à suer. Ses doigts tapaient frénétiquement sur le clavier, et faire une erreur maintenant serait fatale. Il tenta de désactiver le mot de passe des dossiers auquel il avait accès, mais c’était impossible depuis l’ordinateur de la planque de Hong Kong. Il dut se contenter de rentrer dans le système administrateur, chose qu’il réussit à faire au bout de huit minutes, en alignant avec ingéniosité les lignes de codes, pour créer un nouveau compte, ayant accès à tous les dossiers. Il serait rapidement découvert, en quelques minutes probablement, mais c’était le mieux à faire. Une fois qu’il put entrer le nouveau nom d’utilisateur, il désigna rapidement tous les dossiers qui les intéressaient ; le sien, celui de Gregorovitch, tous ceux des chauffeurs et autres agents secondaires de l’Agence, celui qui contenait les informations relatives aux planques dans le monde, et même celui de Crooney, le trafiquant de drogue liquidé à Detroit. Le dossier de Diana ? Hitman y avait accès, et il ne put s’empêcher de pointer la souris dessus, il ne suffisait plus qu’à cliquer, pour savoir qui elle était réellement. Mais pourquoi ? La vengeance ? S’il voulait avoir l’occasion de prouver son innocence et de retourner à l’Agence, mieux valait ne pas y toucher. L’ordinateur chauffait fortement, et l’enregistrement du CD arrivait à sa fin, quand un message s’afficha en rouge sur l’écran :
« PIRATAGE, ACCES INTERDIT A DONNEES CONFIDENTIELLES »
-Merde !
47 appuya rapidement sur une touche, et le CD sortit du compartiment. Alors qu’il ouvrait la porte pour s’enfuir, une alarme résonna dans les couloirs. Rapidement, l’assassin plongea sa main dans la veste, pour en sortir son Beretta silencieux et le pointer vers la caméra. A l’autre bout des souterrains, dans la salle de sécurité, le technicien ne vit ensuite plus que des parasites sur l’écran de contrôle, bientôt suivis par d’autres sur un second écran. En quelques secondes, quatre caméras furent hors service, et il pouvait ainsi aisément, grâce aux caméras détruites, suivre la direction que prenait le tueur, qui courait à en perdre haleine à travers les sombres couloirs. Soudain, la porte de la salle de repos s’ouvrit, et l’agent qui y dormait en sortit, arme à la main. Avant qu’il n’ait pu faire le moindre geste, Hitman, qui arrivait dans sa direction en courant, lui claqua la porte au nez, et l’homme tomba dans l’ouverture, le visage en sang. Deux autres agents arrivèrent face à lui, également armé, et dégainèrent. Il ne restait plus beaucoup de munitions dans le Beretta, et il suffit d’une balle pour détruire le néon au-dessus de l’homme, plongeant une partie du couloir dans la pénombre. Hitman put ainsi éviter les tirs très peu précis d’un des deux agents, et lui envoyer un puissant coup de coude en passant à son niveau, puis poussant violemment l’autre ennemi contre le mur, qui s’écroula dans un grognement.
Il arriva enfin face à l’ascenseur et s’y engouffra, haletant. Alors que les agents en factions commençaient à tirer, les portes se refermèrent à temps, faisant ricocher en éclats lumineux quelques balles provenant de tirs précipités. Dans le noir de l’ascenseur-armoire, 47 respira un grand coup, et mit la main dans sa poche pour s’assurer que le CD était encore là, et c’était bel et bien le cas. Il profita de ces quelques secondes dans le noir total pour lui aussi fermer les yeux, et faire le vide dans sa tête et sa vie. Quelques instants de paix. En sortant, il utilisa ses deux dernières balles pour annihiler les deux caméras, puis repartit rapidement en direction de son hôtel, sous l’œil attentif de James, encore aux aguets, empli de nervosité dans sa petite camionnette. Le molosse avait les crocs acérés, et sa proie devenait de moins en moins prudente… mieux valait pour lui en profiter tant que c’était le cas.
Chapitre XI: Agir seul
Les ambulanciers sortirent le brancard sous l’œil médusé des passagers, saisirent le large sac en plastique noir qui contenait le corps et l’installèrent dessus. Les deux gardes du corps semblaient autant dépités que ridicules, n’ayant pas pu protéger leur patron d’un danger prématuré. La foule les observa entrer dans l’ambulance après qu’on y ait installé le défunt, on claqua les portes, et le véhicule partit de l’aéroport à vitesse moyenne, s’installant comme tout autre véhicule dans la circulation calme de l’été, sans même utiliser les sirènes. Une aller simple vers les cieux en toute discrétion. Au bout d’une dizaine de secondes, elle n’était plus qu’une masse informe dans la capitale américaine. Hitman observa durant quelques instants la voiture s’éloigner, calme comme à son habitude, son regard se portant ensuite sur le ciel bleu et sans nuages qui l’entourait. Il faisait bon vivre à Washington DC, il faisait beau et avait quelques jours de détente devant lui. Il jeta la capsule vide de cyanure dans une poubelle, leva la main pour interpeller un taxi et se promit de toujours se méfier du cognac.
Washington DC, 5 Juillet 2008
Déjà deux morts, deux cibles. Des cibles liées. S’il y avait une chose qui n’était pas bon signe dans le métier, c’était bien ça. Les coïncidences n’existent plus ; si deux cibles qui sont reliées par un lieu, un travail, une personne, ou pire encore, une idée, c’était qu’il y avait forcément anguille sous roche. Ici c’était le cas. Petersen, et Neill, les deux dernières cibles de Hitman… les deux uniques cibles de l’agent depuis son entrée au service de Beldingford. Celui-ci avait une idée derrière la tête, une idée folle, une idée à pour laquelle il avait été jusqu’à risquer que Code 47 pique une crise démoniaque suite à son départ de l’Agence. Il avait déjà perdu un homme, il savait que 47 était instable, et le gardait en sa possession ; c’était bien plus important que tout cela, et c’est probablement ce qui effrayait l’assassin silencieux.
Il était assis dans une chambre d’hôtel, quelque part dans Washington. Les lumières étaient éteintes, la nuit envahissait la pièce. Au dehors, les lumières de la capitale américaine, les bruits des voitures passant au pied de l’immeuble et peut-être, au loin, le sommet du Capitole. Le tueur était couché sur son lit, les bras derrière la tête, passant en revue et en sa mémoire tout ce qui s’était passé depuis l’incident Stepanov. Une chose était évidente : Beldingford avait une taupe à l’intérieur de l’Agence qui lui avait permis d’échanger les documents de Stepanov et Gregorovitch. James, le chauffeur ? Improbable, il s’était juste chargé de se faire passer pour un chauffeur envoyé par Diana. Non, c’était plus loin que ça ; la taupe devait y être infiltrée depuis longtemps, et c’est par là qu’il devait commencer. Si elle avait pris le risque de s’infiltrer dans l’Agence, c’était un homme de confiance. Si c’était un homme de confiance, il connaissait Beldingford. S’il connaissait Beldingford, il pourrait peut-être répondre à certaines questions, de la bonne manière, ou bien autrement.
Cette pensée le fit sourire.
Hitman avait un biper, et c’était étrange pour un personnage tel que lui. La chose un peu moins étrange, c’est qu’il ne l’allumait jamais. Il utilisait de toute façon le passeport de Bradley Kyle, le faux que lui avait fourni Beldingford ; s’il voulait l’atteindre, il lui suffisait de remonter les traces du document. Le lendemain, Code 47 prit donc l’avion en direction d’un des bureaux de l’Agence, à Hong Kong. Pourquoi Hong Kong ? Simplement parce qu’il ne savait pas où se trouvait le QG, et qu’il ne connaissait que quelques bases secondaires, dont celle de Moscou, où l’on devait encore se souvenir de lui… N’ayant pu cacher d’arme à bord de ses valises, il n’en prit aucune avec lui. Il pouvait briser une nuque avec ses mains, tuer avec une fourchette ou un stylo. Tant que son ennemi n’avait pas d’arme à feu où n’était pas un expert en combat, il n’avait rien à craindre. Durant le vol, il se cala dans son siège, et observa malgré lui, avec son instinct qui lui collait à la peau, chaque passager qui passait un peu trop près de son siège. On passa un film, un film minable, comme tout ce qui était fiction d’ailleurs, faisant partie de l’irréel et l’incitant à baisser sa garde. Le vol était long. Très long. Trop long. L’avion fit escale quelque part, ça n’avait pas d’importance, le fait était qu’il avait fait escale, qu’il avait atterri, qu’on avait pu s’infiltrer à l’intérieur ou le piéger à la bombe. Une bombe… grosse, petite ? Artisanale, de professionnel ? Accrochée à une roue, à une aile ? Incendiaire, à fragmentation ? A minuterie, à activation télécommandée ? D’un terroriste, d’un imbécile qui voulait voir un avion exploser ?
Alors qu’une fois de plus chaque possibilité de l’acte mortel, chaque détail qui aurait pu faire partie du meurtre parfait envahissait l’esprit de l’assassin, ses yeux se fermaient petit à petit. Fatigue, vieillesse ? Dans tous les cas : faiblesse, mais il ne put résister à l’envie de laisser ses yeux encore fermés juste deux secondes. Juste deux secondes. Et encore, et encore, et encore…
Sa tête fut lourdement secouée à l’atterrissage contre le dossier du siège et il se redressa vivement, les yeux fouillant son agresseur, les mains tendues, le visage encore enfui dans la fatigue. Il observa rapidement les environs et, en voyant sa ceinture détachée, il comprit pourquoi sa tête avait heurté le dossier ; l’avion s’était posé. Au-dehors, la nuit, mais de très fortes lumières de panneaux publicitaires qui prônaient en cette étrange langue asiatique des slogans probablement autant stupides et idiots que leurs homologues occidentaux. Alors que l’avion commençait à s’arrêter, Hitman attendit qu’au moins quatre personnes se lèvent pour ensuite sortir de la rangée ; il était pressé de marcher, il se sentait un peu plus vieux. Il n’espérait pas trop, s’il était inefficace, sa vie n’avait plus de sens, et il pouvait dire ce qu’il voulait, la mort l’effrayant quand même un petit peu depuis son accrochage à Paris. Il sortit rapidement de l’appareil pour s’engouffrer directement dans la passerelle et l’aéroport, autant bondé, autant stressé, autant vivant que chaque aéroport de la planète. Tous se ressemblaient. Il marcha rapidement jusqu’à l’entrée, et leva le bras avec lenteur devant un taxi qui passait. Il s’arrêta, et Hitman rentra à l’arrière du véhicule. Le chauffeur se tourna vers lui, et lui parla en chinois, lui demandant probablement où il voulait aller.
-Hôtel, fit sobrement Hitman en lui montrant une liasse de dollars.
Le chauffeur tenta de faire un sourire poli, hocha la tête, puis appuya sur l’accélérateur tout en observant une unique et effrayante fois son étrange client.
C’était l’hôtel le plus proche de la planque, quelque part dans les quartiers pauvres où s’exhalait une odeur d’épices provenant d’un restaurant en bas de la rue, calé entre un immeuble locatif délabré et une teinturerie qui, Hitman le savait, servait à faire transiter des armes en attendant le prochain cargo en direction des Etats-Unis. Il s’y était rendu avant d’entrer dans l’hôtel, avec une belle liasse de dollars américains ; la seule langue que parlent tous les marchands d’armes du monde. Il avait sur lui un simple Beretta silencieux, du 9mm… juste au cas où. Il n’espérait pas s’en servir. Du moins s’en servir ne lui posait pas de problèmes, mais sa tête était déjà bien connue à l’Agence, même dans les planques, et un ex-agent (viré qui plus est) revenu faire une vendetta était à coup sûr synonyme de mort pour lui. Diana avait dû passer l’éponge sur la planque de Moscou, il n’avait désormais plus de joker. D’ailleurs, il ne savait pas qui était exactement cette taupe… il connaissait la planque de Hong Kong car il avait dû y transiter après avoir terminé le contrat Lee Hong. Mais la personne qu’il recherchait pouvait très bien être quelque part en occident, en Afrique, en Amérique latine, en Antarctique… ou six pieds sous terre.
Toc toc toc.
-Qui est-ce ? fit Hitman d’une voix grave, ne détachant pas son regard de l’horizon, la chambre se trouvant au dernier étage de l’hôtel.
-Service d’étage ! fit une voix en anglais, au travers de la porte.
47 arracha lentement son regard sur les ombres de la ville, partit allumer la lumière et, tout en ouvrant la porte d’une main, pointa le pistolet contre son bois de l’autre. La porte était suffisamment ouverte pour repérer qui était venu, dans quel but, et la moindre bosse suspecte sous ses habits qui pouvait cacher une arme. C’était une simple femme, svelte et jolie, habillée selon les codes vestimentaires de l’hôtel, transportant un plateau sur lequel trônait une petite assiette remplie à ras bord de nourriture asiatique. Lentement, Hitman posa son pistolet sur un meuble tout proche, ouvrit la porte juste assez pour prendre le plateau puis, sans même un sourire ni un merci, claqua la porte au nez de la femme. Il le posa sur le meuble, à côté du Beretta, prit une fourchette et piqua un bout de viande. D’un geste calculé, comme si toute sa vie n’était que de successifs codes à suivre, il mit la fourchette dans sa bouche et commença à mâcher, mais il fit une grimace et recracha le met dans le reste du plat.
-Bouffe immonde…
-C’est lui ? fit l’informaticien.
-Nom de Dieu… c’était donc bien toi à Edimbourg, 47 !
Lenny James était planqué dans une petite camionnette, assez loin de l’hôtel pour que le tueur ne la voie pas de sa fenêtre, quelque part derrière le restaurant. Le véhicule était peu spacieux, mais assez pour permette d’y ranger trois personnes, et une multitude d’ordinateurs. Les écrans entouraient James et son acolyte à lunettes fines et noires, le visage fixé sur la vidéo qui passait en boucle. On y voyait clairement Code 47, l’air morose comme à son habitude, se saisir du plat et claquer la porte au nez de la caméra, le tout dans une qualité moyenne ; mais le visage de 47 et son attitude mettaient les points sur les I. La porte s’ouvrit, et la jolie femme entra, décrocha un étrange bouton de son habit de travail et le posa sur une petite table, à côté d’un scanner, de nombreux modem, câbles et autres appareils électroniques fournis par Interpol. Lenny James lui fit un chaleureux sourire, découvrant ainsi ses dents d’une blancheur quasi-parfaite, son bouc gris parfaitement taillé lui donnant une autorité qu’on ne saurait défier.
-Formidable boulot… on le tient, cette fois.
Washington DC, 5 Juillet 2008
Déjà deux morts, deux cibles. Des cibles liées. S’il y avait une chose qui n’était pas bon signe dans le métier, c’était bien ça. Les coïncidences n’existent plus ; si deux cibles qui sont reliées par un lieu, un travail, une personne, ou pire encore, une idée, c’était qu’il y avait forcément anguille sous roche. Ici c’était le cas. Petersen, et Neill, les deux dernières cibles de Hitman… les deux uniques cibles de l’agent depuis son entrée au service de Beldingford. Celui-ci avait une idée derrière la tête, une idée folle, une idée à pour laquelle il avait été jusqu’à risquer que Code 47 pique une crise démoniaque suite à son départ de l’Agence. Il avait déjà perdu un homme, il savait que 47 était instable, et le gardait en sa possession ; c’était bien plus important que tout cela, et c’est probablement ce qui effrayait l’assassin silencieux.
Il était assis dans une chambre d’hôtel, quelque part dans Washington. Les lumières étaient éteintes, la nuit envahissait la pièce. Au dehors, les lumières de la capitale américaine, les bruits des voitures passant au pied de l’immeuble et peut-être, au loin, le sommet du Capitole. Le tueur était couché sur son lit, les bras derrière la tête, passant en revue et en sa mémoire tout ce qui s’était passé depuis l’incident Stepanov. Une chose était évidente : Beldingford avait une taupe à l’intérieur de l’Agence qui lui avait permis d’échanger les documents de Stepanov et Gregorovitch. James, le chauffeur ? Improbable, il s’était juste chargé de se faire passer pour un chauffeur envoyé par Diana. Non, c’était plus loin que ça ; la taupe devait y être infiltrée depuis longtemps, et c’est par là qu’il devait commencer. Si elle avait pris le risque de s’infiltrer dans l’Agence, c’était un homme de confiance. Si c’était un homme de confiance, il connaissait Beldingford. S’il connaissait Beldingford, il pourrait peut-être répondre à certaines questions, de la bonne manière, ou bien autrement.
Cette pensée le fit sourire.
Hitman avait un biper, et c’était étrange pour un personnage tel que lui. La chose un peu moins étrange, c’est qu’il ne l’allumait jamais. Il utilisait de toute façon le passeport de Bradley Kyle, le faux que lui avait fourni Beldingford ; s’il voulait l’atteindre, il lui suffisait de remonter les traces du document. Le lendemain, Code 47 prit donc l’avion en direction d’un des bureaux de l’Agence, à Hong Kong. Pourquoi Hong Kong ? Simplement parce qu’il ne savait pas où se trouvait le QG, et qu’il ne connaissait que quelques bases secondaires, dont celle de Moscou, où l’on devait encore se souvenir de lui… N’ayant pu cacher d’arme à bord de ses valises, il n’en prit aucune avec lui. Il pouvait briser une nuque avec ses mains, tuer avec une fourchette ou un stylo. Tant que son ennemi n’avait pas d’arme à feu où n’était pas un expert en combat, il n’avait rien à craindre. Durant le vol, il se cala dans son siège, et observa malgré lui, avec son instinct qui lui collait à la peau, chaque passager qui passait un peu trop près de son siège. On passa un film, un film minable, comme tout ce qui était fiction d’ailleurs, faisant partie de l’irréel et l’incitant à baisser sa garde. Le vol était long. Très long. Trop long. L’avion fit escale quelque part, ça n’avait pas d’importance, le fait était qu’il avait fait escale, qu’il avait atterri, qu’on avait pu s’infiltrer à l’intérieur ou le piéger à la bombe. Une bombe… grosse, petite ? Artisanale, de professionnel ? Accrochée à une roue, à une aile ? Incendiaire, à fragmentation ? A minuterie, à activation télécommandée ? D’un terroriste, d’un imbécile qui voulait voir un avion exploser ?
Alors qu’une fois de plus chaque possibilité de l’acte mortel, chaque détail qui aurait pu faire partie du meurtre parfait envahissait l’esprit de l’assassin, ses yeux se fermaient petit à petit. Fatigue, vieillesse ? Dans tous les cas : faiblesse, mais il ne put résister à l’envie de laisser ses yeux encore fermés juste deux secondes. Juste deux secondes. Et encore, et encore, et encore…
Sa tête fut lourdement secouée à l’atterrissage contre le dossier du siège et il se redressa vivement, les yeux fouillant son agresseur, les mains tendues, le visage encore enfui dans la fatigue. Il observa rapidement les environs et, en voyant sa ceinture détachée, il comprit pourquoi sa tête avait heurté le dossier ; l’avion s’était posé. Au-dehors, la nuit, mais de très fortes lumières de panneaux publicitaires qui prônaient en cette étrange langue asiatique des slogans probablement autant stupides et idiots que leurs homologues occidentaux. Alors que l’avion commençait à s’arrêter, Hitman attendit qu’au moins quatre personnes se lèvent pour ensuite sortir de la rangée ; il était pressé de marcher, il se sentait un peu plus vieux. Il n’espérait pas trop, s’il était inefficace, sa vie n’avait plus de sens, et il pouvait dire ce qu’il voulait, la mort l’effrayant quand même un petit peu depuis son accrochage à Paris. Il sortit rapidement de l’appareil pour s’engouffrer directement dans la passerelle et l’aéroport, autant bondé, autant stressé, autant vivant que chaque aéroport de la planète. Tous se ressemblaient. Il marcha rapidement jusqu’à l’entrée, et leva le bras avec lenteur devant un taxi qui passait. Il s’arrêta, et Hitman rentra à l’arrière du véhicule. Le chauffeur se tourna vers lui, et lui parla en chinois, lui demandant probablement où il voulait aller.
-Hôtel, fit sobrement Hitman en lui montrant une liasse de dollars.
Le chauffeur tenta de faire un sourire poli, hocha la tête, puis appuya sur l’accélérateur tout en observant une unique et effrayante fois son étrange client.
C’était l’hôtel le plus proche de la planque, quelque part dans les quartiers pauvres où s’exhalait une odeur d’épices provenant d’un restaurant en bas de la rue, calé entre un immeuble locatif délabré et une teinturerie qui, Hitman le savait, servait à faire transiter des armes en attendant le prochain cargo en direction des Etats-Unis. Il s’y était rendu avant d’entrer dans l’hôtel, avec une belle liasse de dollars américains ; la seule langue que parlent tous les marchands d’armes du monde. Il avait sur lui un simple Beretta silencieux, du 9mm… juste au cas où. Il n’espérait pas s’en servir. Du moins s’en servir ne lui posait pas de problèmes, mais sa tête était déjà bien connue à l’Agence, même dans les planques, et un ex-agent (viré qui plus est) revenu faire une vendetta était à coup sûr synonyme de mort pour lui. Diana avait dû passer l’éponge sur la planque de Moscou, il n’avait désormais plus de joker. D’ailleurs, il ne savait pas qui était exactement cette taupe… il connaissait la planque de Hong Kong car il avait dû y transiter après avoir terminé le contrat Lee Hong. Mais la personne qu’il recherchait pouvait très bien être quelque part en occident, en Afrique, en Amérique latine, en Antarctique… ou six pieds sous terre.
Toc toc toc.
-Qui est-ce ? fit Hitman d’une voix grave, ne détachant pas son regard de l’horizon, la chambre se trouvant au dernier étage de l’hôtel.
-Service d’étage ! fit une voix en anglais, au travers de la porte.
47 arracha lentement son regard sur les ombres de la ville, partit allumer la lumière et, tout en ouvrant la porte d’une main, pointa le pistolet contre son bois de l’autre. La porte était suffisamment ouverte pour repérer qui était venu, dans quel but, et la moindre bosse suspecte sous ses habits qui pouvait cacher une arme. C’était une simple femme, svelte et jolie, habillée selon les codes vestimentaires de l’hôtel, transportant un plateau sur lequel trônait une petite assiette remplie à ras bord de nourriture asiatique. Lentement, Hitman posa son pistolet sur un meuble tout proche, ouvrit la porte juste assez pour prendre le plateau puis, sans même un sourire ni un merci, claqua la porte au nez de la femme. Il le posa sur le meuble, à côté du Beretta, prit une fourchette et piqua un bout de viande. D’un geste calculé, comme si toute sa vie n’était que de successifs codes à suivre, il mit la fourchette dans sa bouche et commença à mâcher, mais il fit une grimace et recracha le met dans le reste du plat.
-Bouffe immonde…
-C’est lui ? fit l’informaticien.
-Nom de Dieu… c’était donc bien toi à Edimbourg, 47 !
Lenny James était planqué dans une petite camionnette, assez loin de l’hôtel pour que le tueur ne la voie pas de sa fenêtre, quelque part derrière le restaurant. Le véhicule était peu spacieux, mais assez pour permette d’y ranger trois personnes, et une multitude d’ordinateurs. Les écrans entouraient James et son acolyte à lunettes fines et noires, le visage fixé sur la vidéo qui passait en boucle. On y voyait clairement Code 47, l’air morose comme à son habitude, se saisir du plat et claquer la porte au nez de la caméra, le tout dans une qualité moyenne ; mais le visage de 47 et son attitude mettaient les points sur les I. La porte s’ouvrit, et la jolie femme entra, décrocha un étrange bouton de son habit de travail et le posa sur une petite table, à côté d’un scanner, de nombreux modem, câbles et autres appareils électroniques fournis par Interpol. Lenny James lui fit un chaleureux sourire, découvrant ainsi ses dents d’une blancheur quasi-parfaite, son bouc gris parfaitement taillé lui donnant une autorité qu’on ne saurait défier.
-Formidable boulot… on le tient, cette fois.
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