85e étage. L’ascenseur s’arrêta net, avec un léger recul. Il était maintenant question de ne pas faire trop de bruit, pour ne pas éveiller l’attention de la demi-douzaine de personnes qui se trouvaient à quelques centimètres à peine de Code 47, sous le plafond, qui observaient le vide dans un profond silence qui pourrait bien trop facilement permettre d’entendre le moindre craquement sur le toit. Il se déplaça avec une certaine lenteur jusqu’au bord de la cabine puis, lorsque celle-ci reprit sa course vers les sommets sombres et métalliques de l’immeubles, l’assassin, dans un petit saut élégant et maîtrisé, s’accrocha à l’échelle de secours qui parcourait tout le long de la cage. Il attendit quelques secondes que l’ascenseur disparaisse dans la pénombre, et attendit quelques secondes également que ses yeux lui permettent de percer celle qui l’entourait. Il ne voyait pas le fond de la cage, ni le haut. Pas question de tomber… ni de monter trop haut. Aaron Dougall devait se trouver à quelques mètres de lui ; Lenny James était sur ses talons. Ses préoccupations étaient ailleurs que de faire une erreur. Lentement, 47 tourna la tête, mais ne put rien apercevoir, de nombreuses poutres d’acier lui bloquant la vue. Prudemment, il lâcha une des mains des barreaux de l’échelle et s’appuya contre une des poutres, observant soigneusement le meilleur moyen d’entrer dans les appartements de Dougall. Et il le repéra bien vite : une petite grille d’aération, suffisamment grande pour lui permettre de passer… mais loin de l’échelle.
Lentement, ses pieds bien accrochés aux barreaux froids, il lâcha son deuxième bras et l’appuya également sur la poutre, laissant son corps ainsi au-dessus du vide, balayé par un vent froid et sec qui traversait son uniforme. De sa main droite, il tâta un tuyau collé au mur, apparemment non brûlant, auquel il s’accrocha rapidement de ses deux mains, laissant tomber ses jambes au-dessus du vide. Mais le tuyau était légèrement glissant, et il fallait dire que la situation n’était pas gagnée pour Code 47… Heureusement, il profita de son élan pour s’élancer au-dessus du vide et s’accrocher à celui qui se trouvait juste à côté. Reprenant son souffle et son courage après ce soudain instant kamikaze, il commença à avancer. Une main après l’autre, le bout des pieds sur les murs sombres et granuleux, il traversa rapidement la distance qui le séparait du panneau, qui se trouvait à un mètre au-dessus de lui. Lâchant à nouveau sa main droite, il empoigna un tuyau, vertical celui-ci, et, après sa rapide ascension, resta accroché à celui-ci et observa la grille d’aération.
-J’aurais dû m’en douter…
Des rayons lasers. Quatre, disposés en croix, devant la grille. Invisibles à l’œil nu. Pas leurs dispositifs en petits tubes métalliques.
Et un grondement profond, venu des entrailles sombres et profondes de l’immeuble. 47 poussa un juron… pas maintenant, non, pas maintenant…
Il observa, avec une rapidité effarante, les environs de la grille pour trouver un petit boîtier, dont il arracha le ridicule cadenas d’un coup de main, qu’il envoya valser dans les airs. L’intérieur était un entremêlement de fils de toutes les couleurs… Mieux valait ne pas arracher celui qui était relié à l’alarme, ni celui qui était directement relié aux faisceaux lasers. Il faudrait arracher ceux qui se trouvaient à l’intermédiaire, et faire croire à l’alarme que les lasers étaient encore en état de marche.
Le grondement recommença, un peu plus fort. L’ascenseur venait directement dans la direction des tuyaux… et de 47.
Celui-ci grogna, et commença à démêler les fils. Une perte de temps, malheureusement nécessaire. Le terme sac de nœuds était un réel optimisme que 47 ne se permettait pas de s’imaginer. Les fils étaient tordus, enroulés entre eux, se séparaient en des jonctions atteignaient diverses sorties, emplissant ainsi la totalité de la petite boîte qui les contenait. Ignorant le son de la bête métallique en éveil se rapprochant lentement de lui des profondeurs de sa tanière, Hitman se força à se concentrer sur cet amas de vermicelles colorés. Il les avait tous séparés, et il en dépassait de partout, mais il pouvait enfin commencer à voir à quoi ils étaient connectés. C’était même plutôt simple : une entrée pour les lasers, une entrée pour l’alarme. Il fallait dévier les fils. Mais comment ?
Code 47 s’épongea le front et garda son regard fixe dans la boîte, tenté de regarder la masse de métal qui allait bientôt l’écraser contre le mur. Dans une dizaine d’étages, il était bon pour plonger de 85 autres étages… Et impossible de sauter dessus, l’angle était bien trop mauvais, et le toit de l’ascenseur n’était pas plat, mais incliné directement vers les profondeurs. Mais il trouva rapidement la solution, tant elle était proche de lui. Proche de son visage en fait, à moins de quinze centimètres. 47 arracha la radio de l’agent Robert, en sortit la batterie et jeta le reste au loin, pour qu’il ne retombe pas sur le toit de l’ascenseur qui allait peut-être faire de la purée de son insignifiante carcasse humaine. Il repéra bien vite les deux extrémités de la grosse pile, et commença à défaire de manière optimale le sac de nœuds. Et il commit l’erreur, il regarda en bas. Il vit la bête, remontant des profondeurs du Tartare…
Au moins encore six étages avant l’impact…
Putain de grille à rayons laser !
Ses mains commençaient à devenir moites, et il glissait presque sur le tuyau, ses jambes commençant à se mouvoir lentement, son étreinte faiblissant à vue d’œil. Commençant à trembler, 47 approcha la batterie des extrémités du fil, puis commença à le retirer, lentement, pour que le métal conducteur y touche en même temps l’entrée électrique des faisceaux lasers et de la batterie de la radio.
Cinq étages.
Le fil ne semblait pas vouloir se dénuder. Le contact avec le métal conducteur était impossible. Sortant, avec une rapidité forcée par la peur qui le tenaillait, un petit couteau suisse trouvé sur Roberts, il commença à dénuder le long fil rouge sang qui était relié au récepteur de l’alarme. Il le faisait avec des petits coups secs, éliminant un peu plus d’isolant à chaque fois, mais ne pouvant, avec le stress qui lui écrasait les tripes, faire un travail efficace, comme d’habitude.
Quatre étages.
Ses doigts tremblaient. Peu, mais un peu trop. Aussi, quand la lame effilée du petit couteau lui taillada le doigt et qu’il le laissa tomber par surprise, s’observant inutilement le doigt qui laissa échapper un mince filet de sang, il se dit qu’il était peut-être temps de se dépêcher…
Trois étages.
Le couteau rebondit sur le toit de l’ascenseur avec un petit bruit sec, avant de filer vers les entrailles de l’immeuble, bien plus de six pieds sous terre. Bloquant le bout de fil dénudé sur la polarité correspondante de la batterie et commençant à l’enrouler autour, il la posa ensuite sur le bord de la boîte. La batterie fournissait désormais l’énergie fournie par les lasers qui entraient dans leurs conducteurs. L’énergie devrait suffire. Il fallait qu’elle suffise. Il n’y avait pas d’autre solution, de toute façon.
Deux étages.
Hitman arracha le fil relié aux faisceaux lasers et tira sur la grille. Les vis bougeaient… mais ne sautaient pas. Il tira à nouveau, de toutes ses forces, au risque d’arracher le panneau dans un élan trop puissant et de s’écraser dans le vide. Mais les fichus bouts de métal tenaient le coup…
Plus qu’un étage.
Il pouvait presque voir son reflet sur le toit de l’ascenseur.
Trop tard pour faire quoi que ce soit de réfléchi. Son instinct de survie, son envie de vivre pour tuer, vivre pour l’argent et pour lui-même le poussèrent à dégainer (avec une rapidité effrayante) le CZ 2000 en direction des vis. Mais il y en avait quatre à exploser. Quatre. Et un seul éta…
Ding !
La respiration de Hitman ressemblait fort à celle d’un marathonien qui venait de se faire écraser par un bus.
Il resta ainsi, les jambes douloureuses encore accrochées au tuyau, le pistolet levé en direction de la grille, tandis que l’ascenseur s’arrêtait à l’étage inférieur, le toit incliné de celui-ci se posant carrément sur les fesses de l’assassin silencieux, dont les gouttes de sueur tombaient désormais dans le vide plus si effrayant que ça. Il entendait même trois secrétaires sortir en claquant leurs talons dans les bureaux en parlant de Brad Pitt et des flics qui patrouillaient dans l’immeuble.
Ne perdant pas une seconde de plus, il rangea le pistolet, s’appuya fermement sur le toit froid et gris de la cage d’ascenseur, se tint aux cordes qui se trouvaient en amont et enfonça la grille avec ses deux pieds. Elle ne céda pas, mais le mouvement inverse que celui qu’avait effectué 47 lorsqu’il pensait aller faire son ultime balade l’avait fortement affaiblie. Aussi un deuxième double de coup de pieds l’arracha quasi-totalement de ses gonds, et 47 n’eut qu’à se raccrocher au tuyau avec ses jambes et tirer la plaque striée pour la décrocher. Plaque qu’il envoya dans le vide avec une joie dissimulée à la perfection. La grille était assez large pour s’y tenir accroupi, mais c’était bien trop pénible. Aussi le tueur se remit, plutôt rapidement, sur le toit de l’ascenseur, puis lâcha les câbles de ses mains et se laissa glisser tout entier dans le conduit, juste avant que l’horrible bête métallique ne continue son ascension vers le 7e ciel.
Le visage de Forthy était un habile mélange de frustration, de déception et de colère. Continuant à faire les cent pas au rez-de-chaussée du premier immeuble, il se demandait comment dire à Lenny James que c’était un abruti irréfléchi de première, ou alors comment camoufler son meurtre en accident… Finalement, il opta pour la pire chose à faire face à un James encore plus énervé que lui de ne pas avoir de nouvelles de 47 : rester calme.
-Cher collègue, fit-il d’un ton faussement solennel en se mettant face au molosse, qui se tenait assis et immobile, le dos courbé sur une chaise. Cher collègue, il me semble que nous avons perdu la trace de notre chère ombre… Êtes-vous certain que cet…informateur (et il appuya sur le mot avec un faux et grinçant accent britannique) était bel et bien digne de votre humble confiance ?
-Allez vous faire foutre, Forthy.
Le ton était sans appel, sec et tranchant. Ils n’étaient plus que les deux dans l’énorme hall du gratte-ciel, et la tension était plus que palpable. Tous les autres policiers et agents avaient été dépêchés dans les immeubles environnants ou les avenues de New York bordant Wall Street. Leurs voix résonnaient légèrement à travers les larges pylônes en marbre jusqu’au plafond, tout aussi sombre, qui semblait vouloir s’écraser sur eux. Pour Lenny James en tout cas.
-Vous ne semblez pas vraiment enjoué par les événements actuels, très cher confrère, continua Forthy en se dandinant sur la pointe des pieds. Auriez-vous un quelconque problème avec…
-La ferme.
Un silence. Et Forthy jubilait.
Mais le silence, encore plus pesant que le plafond, s’installa, Le molosse restait sur son siège, le dos voûté, les mains en clocher, coudes sur les genoux, soutenant son menton. Forthy recommença à faire les cent pas, dans l’attente d’un éventuel appel radio. Tous les deux commençaient à entrevoir l’issue de ce qui se déroulait en ce moment même. Hitman était à nouveau sur le point de s’enfuir, et tous les deux allaient en pâtir, surtout Lenny James, dont la crédibilité au sein d’Interpol se faisait de plus en plus faible. Le conseil d’administration était sur le point de retirer son budget après la mort de Petersen à Édimbourg, et attraper 47 était sa dernière issue, l’autre étant quasi-indéniablement la porte.
-Dites-moi, peut-être auriez vous l’amabilité de…
Lenny James ne dit pas mot, mais leva ses yeux gris comme l’acier vers Forthy. Son regard était un mélange extrêmement perçant, teinté de haine, d’intimidation et de pitié. Et même Forthy ne pouvait pas y rester insensible.
Un autre silence. Rompu rapidement à nouveau par Forthy :
-Avouez-le, vous avez merdé. Votre soi-disant contact a merdé.
Lenny James secoua la tête, sans dire un mot, puis se leva.
-Je vais à la pêche aux infos. Vous, restez ici à attendre qu’on appelle et à mettre des contraventions sur les voitures mal parquées. Vous aurez probablement de mes nouvelles.
Devant un Forthy aussi frustré qu’agacé, le molosse tourna les talons et marcha rapidement jusqu’à la porte, ignorant le son de ses chaussures claquant le sol et réfléchissant au problème Hitman. Premièrement, le tueur savait qu’il commettait un risque en venant à Manhattan, où il avait déjà abattu le commandant Chanders : c’était donc que son contrat en valait la peine. Il n’était sûrement pas venu ici pour assassiner un simple businessman, et encore moins un agent du Swat. En venant ici, il savait qu’il jouait en terrain miné, et le trésor était bien caché. Sortant dans la chaleur du mois de Juillet, il leva les yeux vers les gratte-ciels qui emplissaient l’étendue bleue surplombant la mégalopole. Que venait faire Hitman ici, dans cet immeuble ? Au pas de course, il traversa la cour de l’immeuble, et toqua à l’arrière d’une petite fourgonnette blanche. Mike lui ouvrit rapidement, un casque sur les oreilles.
-Je suis en communication avec le patron, dit-il. Tu devrais venir t’expliquer, il est pas content du t…
-Rien à foutre. Introduis-toi dans le système permettant de connaître l’indenté des personnes travaillant ici.
L’informaticien écarquilla de grands yeux, qu’il plissa ensuite rapidement à cause du soleil.
-Ici… dans cet immeuble ?
-Et ceux qui sont autour de cet immeuble.
-Ce n’est pas légal, fit Mike en haussant un sourcil.
-Tu sais très bien que là n’est pas le problème, trancha Lenny James sur un ton plus sec que l’air ambiant.
-J’en ai pour deux heures au moins !
-Tu as vingt minutes. Fais du café.
Sur ce, il claque la porte au nez de son acolyte et se dirigea à nouveau au pas de course dans le hall de l’immeuble, avant de se diriger vers un ascenseur libre. Les portes s’ouvrirent en tintant, et tandis qu’elles se refermaient, il jeta un dernier regard sur Forthy, qui malgré sa petite stature, osait encore le toiser du regard de l’autre bout du hall.
La grille d’aération était assez grande pour laisser passer Hitman. Le problème était maintenant de ne faire aucun bruit. Lentement, il se glissait le long de l’étroite cavité, le vent faisant légèrement gondoler l’uniforme de police qu’il avait sur le dos, comme dans la cage d’ascenseur. Après avoir rampé sur quelques dizaines de mètres, il trouva une grille de sortie, et y jeta un coup d’œil furtif. A l’extérieur se trouvait un petit bureau, où trônaient uniquement un simple bureau, quelques casiers et une grande armoire, mais il ne voyait rien de plus, la grille se trouvant au ras du sol. Rejetant son regard sur la grille lui-même, il ne découvrit aucun rayon raser. La voie était libre, et fort heureusement, plus besoin de dévisser la grille ici, celle-ci se décrochant facilement de ses gonds en forçant quelque peu.
Il glissa ensuite la grille dans le conduit d’aération, et commença à observer les hauts des murs. Aucune caméra ici… étrange, d’ailleurs. Lentement, 47 entreprit de se glisser hors du conduit, et reporta son attention sur tous les meubles se trouvant dans la pièce. Quatre casiers de métal dans un coin, un bureau avec un petit ordinateur portable, et une grande armoire contenant une tonne de classeurs. Mais aucune fenêtre. Le bureau de Dougall semblait être étrangement petit pour un homme ayant consacré sa vie aux flux monétaires et aux placements d’argent. Ils se glissa près de la porte, se mit à genoux et observa par la serrure le couloir qui s’étalait face à lui. Le bureau en était la dernière pièce, et quatre autre se côtoyaient par rangées de deux. Et un garde de sécurité faisait la ronde. Impossible à passer sans le neutraliser. Il fallait trouver une astuce… Son regard balaya à nouveau toute la pièce, et se posa sur une collection de pièces anciennes, dont il en prit une au passage. Sa main abaissa lentement la poignée de la porte, qu’il ouvrit lentement pour voir le couloir vide. Il s’avança, lentement, jusqu’à ce que l’ombre d’un individu musclé apparaisse à l’angle du couloir. N’hésitant pas une seconde, 47 prit la pièce et la lança en direction de l’angle. Le résultat fut immédiat : le garde, avec un soupçon de doute, s’avança pour ramasser la pièce. « Voilà qui pourrait dorénavant être très utile », se dit l’assassin avant d’abaisser avec une précision parfaite la crosse du CZ 2000 sur la nuque du pauvre homme de main.
Il observa les alentours, et repéra une caméra de l’autre côté du couloir d’où venait le garde. Heureusement, celui-ci avait été assommé dans une zone peu éclairée, mais mieux valait éviter de se faire filmer… 47 traîna le corps inanimé du gorille jusqu’à une porte, à laquelle il mit son oreille, pour ne détecter au final aucun bruit. Prenant le Micro-Uzi silencieux à l’intérieur du holster du garde, il ouvrit lentement la porte (tout en traînant sa victime par le pied de l’autre main), et braqua rapidement les environs. C’était une simple pièce avec un lit de camp, une table de nuit et une armoire. Un quartier pour les gardes, probablement. Il déshabilla ensuite le puissant homme de ses habits (ces gars-là portaient des caleçons blancs à poix rouges…), et le coucha sur le lit. 47 repartit ensuite dans le couloir, passa comme si de rien n’était devant la caméra, lunettes à soleil sur les yeux et écouteur dans l’oreille, et arriva dans la salle principale de l’immeuble. C’était un grand salon, composé de plusieurs canapés dans un coin, d’une cheminée géante, d’un tableau multicolore de Dougall et d’une baie vitrée menant à un balcon qui surplombait New York. Fouiller les chambres était trop dangereux, mieux valait chercher des indices ici. Comme ce verre de whisky vide, posé sur la table, qu’un jeune majordome venait de prendre sur un plateau d’argent. Dougall n’avait quitté ce siège que depuis quelques minutes à peine, et n’était pas dans son bureau. Probablement dans sa chambre.
-Nom de Dieu Edward, vous voulez me tuer ?! Le bain est bouillant !!
Probablement pas dans sa chambre.
-J’arrive, monsieur, j’arrive !
47 observa le jeune homme reposer le plateau sur la table en verre et courir en direction de la salle de bains. Gardant un pas suffisamment lent, le tueur le suivit, tourna à l’angle du même couloir, qui était face à celui d’où il était arrivé, et observa le jeune homme entrer dans une pièce et se confondre en excuses, avant d’entendre le vieil homme hurler encore plus de venir le déranger dans son bain. Le pauvre Edward sortit ensuite de la pièce, et se dirigea sans regarder vers le couloir.
-Oh, désolé, fit-il lorsque son épaule cogna celle de l’assassin.
Celui-ci émit un grognement, tourna la tête pour ne pas qu’il se rappelle de son visage et continua jusqu’au bout du couloir, où se trouvait une porte gardée par une caméra, un clavier électronique et un lecteur de cartes. 47 décida d’entrer dans la chambre à côté, une petite cuisine vide où se trouvaient les équipements high-tech du monde culinaire. Il se dirigea directement vers la porte vitrée, et sortit sur le balcon. Aussitôt, le vent chaud lui écrasa les poumons et le soleil lui brûla le crâne. Mais la vue sur New York était indéniablement superbe. Tournant la tête vers l’immeuble d’où il aurait dû éliminer Dougall au fusil à lunettes, la surprise le prit comme avec des pinces, et il revint aussitôt à l’intérieur de la cuisine, l’œil alerte. Lenny James était sur le balcon, en train d’inspecter soigneusement son fusil W2000. Reprenant calmement ses esprits, Code 47 sortit sa paire de jumelles, et commença à observer furtivement l’agent d’Interpol. Celui-ci observait l’arme sous toutes ses coutures, l’air pensif, avant de le mettre à l’épaule et de commencer à scruter les environs de l’immeuble de Dougall. 47 se remit à nouveau à couvert, observant la porte d’entrée de la cuisine au cas où quelqu’un viendrait, et attendit. Les policiers essayaient toujours de se mettre à la place de leur ennemi pour mieux le piéger. Lenny James ne faisait pas exception à la règle, bien au contraire, et mieux valait rester caché un petit moment pour ne pas prendre de risques. Deux minutes plus tard, après avoir compté les secondes dans sa tête et observé maintes fois la porte de la cuisine, Hitman jeta un nouveau coup d’œil à l’immeuble d’en face ; Lenny James était reparti, emmenant le fusil sniper avec lui. Mieux valait faire vite au cas où il reviendrait… 47 revint sur le balcon, passa ses jambes par-dessus, et se plaqua à la petite bordure qui l’empêchait de tomber dans le vide. Heureusement, celle-ci n’était longue que d’un peu plus de deux mètres, et il put rapidement atteindre le balcon d’en face, celui de la chambre protégée par le clavier, le lecteur de cartes et la caméra. Il s’attendait à y trouver un poste de garde ou une chambre importante, mais ne dénicha que la chambre de Dougall. Il n’eut pas besoin de forcer la serrure pour entrer, et en fermant la porte, constata immédiatement d’après les murs que la pièce était insonorisée. Elle contenait de nombreuses armoires, un grand lit, et, d’après ce qu’il avait pu voir, un accès direct à la salle de bains. Parfait…
Lenny James embarqua dans l’ascenseur avec le fusil W2000 dans sa mallette, démonté. Voilà enfin la preuve que l’agent 47 était venu ici, et avait eu dans l’intention de tuer quelqu’un dans l’un des immeubles d’en face. La mallette contenait, dessiné sur son alliage métallique, le symbole du tueur, cette espèce de flamme tournoyante qu’Interpol connaissait déjà bien. C’était la preuve irréfu…
Son téléphone sonnait.
-Ici Mike, dit immédiatement la voix dès que James eût décroché. Humphrey a encore appelé : il t’ordonne d’arrêter tes investigations et de laisser la police de New York faire son boulot. Il était vraiment en colère, il…
-J’ai la preuve.
-Quoi ?
-J’ai la preuve que notre tueur était bien dans l’immeuble, que c’était lui.
-Il ne veut rien savoir.
-Comment peux-tu en être sûr ? fit le molosse avec une teinte d’agacement.
-Je lui ai dit qu’on était à deux doigts de l’attraper. Il a répliqué que c’était des foutaises, qu’on courait après une ombre, et qu’il avait envoyé une voiture venir nous chercher.
Le temps jouait désormais contre lui.
-Merde, siffla James avant de se mettre à réfléchir. Mike, où en est la recherche des noms ?
-J’ai la liste de celles de cette immeu…
-Inutile, ma preuve, c’est un fusil Walter 2000. Il voulait abattre sa cible à distance, il a loupé son coup et doit être en ce moment même dans un immeuble adjacent.
-Je commence les recherches.
-Dépêche-toi.
Et il raccrocha sans attendre un mot de plus, tentant de contenir le stress qui commençait à monter en lui. Code 47 était encore dans la ville, tout près. C’était sa dernière chance, se dit-il en se massant les mains, pris d’une série d’étranges picotements glacés.
Au fur et à mesure que les pas de l’assassin silencieux s’avançaient vers la finalisation de son contrat, d’agréables notes de musiques, bien connues, montèrent à ses oreilles. Quelques notes vives, qui s’entrechoquaient dans son esprit néanmoins avec une certaine légèreté. Cette tension allègre, cette intrigue musicale, cet ordre parfait et cette virtuosité inaliénable…
-Carmina Burana… Ave Formosissima, murmura 47. Carl Orff. Cela me dégoûterait presque de finir ce contrat avec une cible aussi raffinée…
« Dommage que j’aie encore quelques comptes à régler avec Beldingford », finit-il de se dire en son for intérieur.
Á mesure qu’il s’approchait de la porte, et que la musique s’amplifiait, il se demandait de quelle manière il finirait par faire cracher le morceau à Beldingford quant à ses vraies intentions. Il se demanda qui était le huit de pique, et ce qui se passerait le 8 novembre, en plein milieu de l’après-midi… Transporté par la musique, il abaissa lentement la poignée, y glissa l’avant de sa tête et le Uzi, et entreprit d’ouvrir la porte. Dougall était face à lui, dans un bain rempli de mousse, assis dans une large baignoire ronde qui s’étendait au niveau du sol, dans une salle de bain sans vitres, au sol immaculé. Les lampes n’éclairaient que peu la pièce, et laissaient flotter une atmosphère de détente, que venait compléter à la perfection une petite stéréo, posée à côté de la baignoire. Immédiatement, l’humidité colla au costume sombre de 47, qui enleva ses lunettes à soleil et referma lentement la porte. Dougall, qui était en train d’agiter les mains les yeux fermés, projetant de la mousse un peu partout et savourant ces quelques ultimes instants de détente, ouvrit lentement les yeux, au son du déclic du battant.
-Un geste, et il faudra une éternité à votre femme de ménage pour faire briller cette baignoire comme avant, lança 47 sur un ton sans équivoque, son arme levée en direction du thorax du vieil homme.
Au son des cordes et des voix divines qui s’élevaient de la stéréo, Hitman observa le visage de l’homme se raidir. Non pas par la peur, mais par la haine. Ses yeux se plissèrent, son menton se renfrogna, et ses poings se serrèrent à la surface de l’eau.
-Qui vous a amené ici ?
-Moi-même.
Ses yeux se plissèrent un peu plus, laissant apparaître un tas de rides frontales assez impressionnant. « Il devrait déjà être mort », se dit et se répéta Hitman dans sa tête. « J’aurai déjà dû le tuer, et je serais en cet instant en train de partir… chaque seconde ici est un danger supplémentaire ». Mais il devait savoir… on s’en était déjà pris à lui en kidnappant le père Vittorio, et il avait fait justice. Beldingford l’avait traité comme un chien pour lui faire faire une sale besogne qui cachait trop de choses ; cette fois-ci on s’en prenait directement à lui, et la justice ne serait que plus puissante. Il lui fallait la vérité… mais vite.
-Pour qui travaillez-vous ? siffla le requin des finances, les dents serrées.
-Quelle importance cela peut-il vous faire, maintenant ?
Le visage de Dougall était semblable à celui d’un démon, comme on peut en voir dans les manuscrits datant du Moyen-Âge. Mais cela était loin d’impressionner 47.
-J’ai quelques questions à vous poser, dit lentement celui-ci.
Accompagnées de quelques percussions, les voix finirent le morceau dans un élan féerique, et d’un puissant coup de gong la stéréo passa directement à « O Fortuna », le morceau le plus célèbre de toute l’œuvre. 47, la main toujours tendue et le doigt proche de la gâchette, tenta de ne pas trop se laisser envahir par la musique, mais il fallait bien avouer qu’une partie de lui était en train de savourer cet instant.
-Je dois savoir, commença Hitman tandis que les voix puissantes envahissaient la pièce à un rythme démoniaque. J’ai été engagé par Kenneth Beldingford. Pourquoi ?
Le visage de Dougall se radoucit, et il observa son assaillant avec un regard clair empli de surprise et de retenue.
-Beldingford… Nom de Dieu, c’est pour ça que Petersen est mort l’autre jour… C’est vous qui vous en êtes chargé ?
Le temps pressait. Il devait le tuer dans les secondes qui suivaient. Le temps devenait son pire ennemi. Il était en train de briser ses règles pour obtenir de quoi satisfaire sa vengeance. C’était dangereux, mais il ressentait cela comme un besoin impossible à éviter.
-Oui. Que savez-vous à propos de Beldingford ?
Les voix continuèrent leur ascension, puis redescendirent aussitôt, laissant leur place à des murmures calmes et légers. Les mains du tueur devenaient moites, et la chaleur l’incommodait. Mieux valait en finir rapidement… de plus, n’importe qui pouvait débarquer dans la salle de bains.
-Que devrais-je vous dire ? Vous allez mettre fin à mes jours, de toute manière.
Hitman garda le silence, et, pour guise d’avertissement, décrocha la sécurité du pistolet mitrailleur. Le déclic se perdit rapidement au milieu des voix qui commençaient à leur souffler aux oreilles leurs mystérieuses visions. Dougall haussa un sourcil.
-Le coup classique, ce petit bruit mécanique sur le pistolet, fit-il avec calme. De toute façon, vous n’aurez aucune chance de sortir d’ici en vie.
-Vous comptez crier ? Essayez, lui répondit 47 sans conviction d’aucune sorte.
Dougall sembla réfléchir, comme s’il se servait des murmures environnants pour faire peser sur les épaules du tueur une épée de Damoclès. C’était futile, évidemment. 47 n’était pas du genre à se laisser intimider par un vieux roublard.
-Beldingford est un manipulateur né. Quand son frère et son neveu ont été tués (et 47 ne réagit pas le moins du monde), il a été crédibilisé aux yeux du grand public, ce qui lui a permis d’accroître son pouvoir au sein des pontes mafieux de nombreux pays, le tout en restant sous le couvert d’un homme d’affaires chevronné et équilibré, et un gentleman d’une hypocrisie sensationnelle. C’est la tête pensante du Conseil, et malheureusement, on dirait qu’il cherche à nous doubler. Tous.
Il sembla s’arrêter, laissant les voix envahir à nouveau la pièce.
-Continuez, siffla 47 d’une voix froide.
-Si vous ne m’avez pas encore tué, je devine que vous cherchez encore des informations, finit par dire le requin tandis que les voix continuaient leur légère ascension. Que voulez-vous savoir ?
L’assassin pesa lentement ses mots dans sa tête, sachant pertinemment que chaque seconde au milieu de la pièce était une seconde de danger supplémentaire.
-Pourquoi ai-je été engagé par Beldingford ?
-Pour éliminer ses adversaires… Petersen, moi, et je devine Le…
-Pourquoi veut-il votre mort ?
Les voix commencèrent à s’élever.
-Afin d’avoir le pouvoir, bien évidemment… Le Conseil a main basse sur de nombreuses entreprises et gouvernements. Jeffery et moi avions prévu de renforcer notre mainmise sur le Royaume-Uni par l’intermédiaire de Scotland Yard, en agissant de l’intérieur. Peut-être cela n’a-t-il pas plus à Beldingford et ses trafics en tous genre, y compris ceux qu’il faisait avec le chef du…
-Que va-t-il faire de moi ? le coupa 47, pressé d’en finir.
-Je n’en sais rien.
Un petit coup de gong, suivi d’un autre. Et les voix s’amplifièrent, envahirent la pièce tandis que le regard noir de l’assassin se perdait dans celui de sa victime. Il disait la vérité sur Beldingford, mais les derniers mots n’étaient que mensonges pour éviter la mort. Il fallait l’assassiner. Maintenant. Maintenant !
-Je peux vous payer le double de Beldingford… le triple ! Donnez votre prix !
Dougall commençait à stresser, à être effrayé par la mort et les coups de gongs qui résonnaient de plus en plus puissamment dans la petite pièce humide, dont la vapeur se dégageait comme des vapeurs de soufre… un avant-goût de l’enfer. Son visage était partagé entre la peur et la haine, entre le mépris et la pitié. Comme beaucoup de victimes, dans l’incompréhension. Hitman s’avança, le pistolet mitrailleur pointé vers le crâne de Dougall, alors que les détonations résonnaient dans la pièce et que les murmures, transformés en puissants éclats, s’accéléraient au rythme infernal des derniers instants du morceau.
-Ma fortune se compte en dizaines de milliards ! cria Dougall, désemparé. Venez de mon côté, vengeons-nous de Beldingford et…
-Non.
La voix était froide, implacable. C’était devenu une affaire personnelle.
-On vous retrouvera, hurla Dougall, les yeux exorbités, commençant à accepter l’idée de sa mort et voulant entraîner 47 dans sa chute. Un meurtre pareil ne passera jamais inaperçu !!! On vous retrouvera et on vous fera la peau !
-Qui a parlé de meurtre ? articula lentement Hitman dans l’ explosion musicale qui envahissait la pièce, tout en poussant violemment la stéréo de son talon droit.
La musique cessa. La stéréo atterrit immédiatement dans l’eau, et Dougall fut secoué aussitôt par la décharge, convulsant dans l’eau et râlant quelques mots incompréhensibles parmi lesquels 47 crut entendre « pantin », « mort » et « mafia ». Détournant les yeux du spectacle macabre qui s’offrait à lui, l’assassin ouvrit nonchalamment la porte, et la referma rapidement, observant que personne n’avait rien entendu, la salle de bain semblant comme la chambre, insonorisée. Il remit ses lunettes à soleil, marcha jusqu’à l’ascenseur et, une fois à l’intérieur et quand les portes se furent refermées, sortit son téléphone portable.
-Ici Pet… commença le jeune homme de main.
-47. Le contrat est terminé. Faites-moi évacuer comme prévu.
Sans un mot de plus, la communication cessa.
Lenny James sortit de l’immeuble dans le brûlant soleil de l’après-midi, le fusil W2000 qu’il avait remonté dans une main en guise de preuve directe et la mallette dans l’autre, Forthy sur les talons.
-J’ai trouvé ça à l’étage 78, expliqua le molosse en accélérant le pas. Ce qui prouve que cet homme avait bel et bien prévu de commettre un meurtre.
Forthy, plus replet et petit que lui, avait du mal à le suivre, et parlait en saccades, essoufflé, tout en étant toujours énervé contre James, et il fallait le dire, un peu étonné.
-Et qu’est-ce que… qu’est-ce qui prouve que c’est l’arme… de CE tueur ?
James s’arrêta, et pointa du doigt le signe sur la mallette, permettant au capitaine de se reposer un tout petit peu.
-Ceci, est le symbole qu’arbore l’agent 47.
Forthy haussa un sourcil, la respiration haletante.
-Et c’est tout ? Donc si je me pointe avec ce symbole tatoué sur mon bras demain matin au commissariat, je suis un tueur à gage mort trois ans de cela ?
James s’empourpra, et repartit immédiatement en direction de la camionnette de Mike, assez vite pour que Forthy aie du mal à suivre. Mais au moment où il voulut ouvrir la porte, son téléphone commença à vibrer.
-QUOI ? hurla le molosse au combiné, devant déposer sa mallette à terre.
La voix lui annonça rapidement la situation, et James hocha la tête.
-Qui est-ce ? demanda Forthy, reprenant encore une fois sa respiration, son visage encore rouge.
James ne répondit pas tout de suite :
-Le contact.
Forthy sembla s’énerver, et son visage redevenu pâle redevint rouge sous l’effet de la rage.
-Cet espèce de connard qui ne sait pas ce qu’il dit ? passez-le moi !!!
-Attendez.
James ne dit plus mot, et son regard, ou plutôt son oreille, sembla s’égarer. Tournant lentement la tête, levant une main pour se protéger du soleil, il observa l’hélicoptère bleu commencer son atterrissage en direction de la tour voisine. Le molosse, la mâchoire serrée, referma son portable dans un claquement et jura à voix haute avant d’ouvrir les portes de la camionnette à la volée.
-Mike, arrête de chercher, on a trouvé !
L’informaticien, baissant son micro sur sa nuque, semblait presque autant troublé que son supérieur. Mais tandis que celui-ci était empli d’excitation, les yeux pétillants malgré son très faible sourire, le désespoir se lisait sur les traits de Mike.
-Humphrey a appelé il y a cinq minutes… pour dire que ses agents seraient là dans cinq minutes.
L’excitation qui emplissait James s’amplifia soudain de manière extraordinaire… mais plus dans la joie. Sans dire un mot de plus, il plaça brutalement le fusil sniper et la mallette à l’intérieur de la camionnette, et s’élança à toute vitesse en direction de l’immeuble d’en face, hurlant un dernier « Forthy, ordonnez à vos équipes de ne pas laisser partir cet hélico ! ». La respiration haletante, courant à en perdre le souffle sous le soleil de plomb, tout aurait pu peut-être se passer comme il l’aurait fallu si trois voitures noires n’avaient pas débarqué sur la place séparant les deux immeubles, bloquant le chemin au molosse. Celui-ci, non troublé le moins du monde, continua sa course, se servit du capot d’une des voitures pour faire un petit bond et se rapprocha à grandes enjambées de l’immeuble, sans prêter attention aux portières s’ouvrant derrière lui et aux « James, ordre direct de Humphrey, stoppez-vous ! ». La distance était extrêmement faible, les agents d’Interpol étaient loin derrière… il fallait juste que Forthy l’aie aidé. Pour une fois, une seule fois.Le premier policier tenta de l’attraper au bras, mais le molosse se servit de l’une de ses nombreuses prises de combat rapproché apprises au MI-6 pour lui prendre l’avant-bras à deux mains, le déséquilibrer d’un coup sec et l’éjecter à terre d’un coup de pied retourné. Mais ce n’était pas suffisant, et tandis qu’il recommençait sa course en direction du hall, ce furent trois policiers qui se jetèrent sur lui, et bien que l’un d’eux se retrouva immédiatement à terre, les deux autres le maintirent plaqué au sol, la face exposée au soleil, tandis que celui-ci était légèrement masqué par l’hélicoptère s’éloignant du toit de l’immeuble.